POST-COVID : Le « quiet quitting » et les jeunes professionnels

Le “quiet quitting” est la nouvelle expression en vogue. Depuis quelque temps, des salariés, pour la plupart, de jeunes professionnels trentenaires, publient sur les différentes plateformes de réseaux sociaux, dont Instagram et TikTok, des vidéos d’eux… faisant le strict minimum au travail, sans heures sup’, sans répondre aux e-mails tardifs…

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Des vidéos qui connaissent un succès fou, car les internautes sont nombreux à réagir et à s’y identifier face aux conditions de travail post-covid. En se basant sur un article de Ouestfrance.fr récemment publié, on en dit plus sur cette “démission silencieuse” entre passivité et rébellion…

Faire strictement ce que prévoit la fiche de poste de son emploi, et surtout rien de plus : c’est le principe du quiet quitting, la « démission silencieuse ». Une tendance popularisée sur les réseaux sociaux, avec des vidéos de salariés qui font leur boulot… ni plus ni moins.
L’homme est assis sur un banc d’une station de métro de New York, aux États-Unis, il s’exprime d’une voix douce et posée : « J’ai récemment entendu parler du terme de « démission silencieuse », qui désigne le fait de ne pas quitter son emploi purement et simplement, mais plutôt d’abandonner l’idée de tout donner pour son travail », dit-il. Ainsi démarre une vidéo publiée à la fin du mois de juillet 2022 sur le réseau social TikTok. La séquence, réalisée par l’Américain Zaid Khan, a été vue à 3,4 millions de reprises en quelques semaines.

Depuis sa publication, les vidéos consacrées à ce phénomène, appelé quiet quitting en anglais (« démission silencieuse »), se sont multipliées, sur TikTok. Et les témoignages de salariés qui ont décidé d’adopter cette attitude au travail ont envahi les réseaux sociaux.
Désengagement au travail

La « démission silencieuse » ne consiste pas à ne rien faire ni à se comporter en dilettante au travail. « Tu restes en poste, tu fais ton travail professionnellement, mais tu refuses les heures supplémentaires, tu refuses de répondre aux e-mails ou au téléphone en dehors des horaires de travail, et tu refuses d’assumer des responsabilités qui ne font pas partie de la description de ton poste », résume Karine Trioullier, qui se définit comme une « architecte de carrières », dans une autre vidéo TikTok. Il s’agit de « poser des limites », nous explique-t-elle. Les salariés entrés le plus récemment sur le marché du travail « disent qu’ils ne veulent pas reproduire le mode de fonctionnement de leurs parents », ajoute-t-elle, c’est-à-dire accorder une place jugée trop importante au travail.

Dans quelle mesure ce phénomène est-il présent dans le monde du travail, en France ou ailleurs ? Difficile à dire. Voire impossible. Mais une réponse à cette question se trouve peut-être dans la dernière édition d’une vaste enquête annuelle consacrée à « l’état du monde du travail »  et menée par Gallup, un institut de sondage et cabinet de conseil américain . C’est le résultat d’un sondage mené dans plus de 160 pays, à raison d’en moyenne 1 000 personnes interrogées par pays.

Il en ressort qu’à l’échelle de la planète, 21% des personnes interrogées se disent « engagées » dans leur travail. Ce chiffre tombe à 14% pour l’Europe, et en France, cette proportion ne dépasse pas les… 6%. Précision, Gallup définit « l’engagement » d’un salarié comme son implication et son enthousiasme au travail et sur son lieu de travail.
Dans le monde de l’entreprise, « le désengagement est un sujet important depuis une dizaine d’années »,  explique Vincent Meyer, professeur assistant en gestion des ressources humaines et en théorie des organisations à l’école de management EM Normandie. Les sociétés cherchant à employer des salariés « très engagés », ajoute-t-il. Alors, faut-il voir dans ce quiet quitting l’expression d’un désengagement aussi important que généralisé ? Pas vraiment, estime-t-il : « La valeur travail est extrêmement importante à l’échelle globale. »

Épuisement professionnel…
Le quiet quitting est aussi à mettre en perspective avec la Grande démission, ce phénomène qui désigne la vague de démissions sans précédent apparue aux États-Unis et ailleurs dans le sillage de la crise du Covid-19. Dans le cas de la démission silencieuse comme de la Grande démission, « il y a un fond commun », estime encore Vincent Meyer : attentes des salariés qui évoluent, recherche d’un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle… Sauf que « l’insatisfaction s’exprime d’une façon différente » selon qu’un salarié pose sa démission ou non.

Grande démission ou démission silencieuse, « dans les deux cas, ces comportements au travail illustrent une grande fatigue ou lassitude par rapport à un monde du travail parfois trop exigeant mais qui en échange ne permet pas toujours de maintenir un pouvoir d’achat rassurant », estime Karine Trioullier dans un message publié sur le réseau social LinkedIn.

« Si un salarié estime qu’il n’est pas rémunéré à sa hauteur, cela peut être une source d’insatisfaction, et donc de désengagement », souligne encore Vincent Meyer. Et « le sujet devient plus sensible avec l’inflation », qui bat des records en Europe.

Les causes de la démission silencieuse sont peut-être, aussi, à chercher du côté du syndrome d’épuisement professionnel, le burn-out. « Pratiquer le quiet quitting est une façon pour certains de ne pas se laisser sombrer dans le burn-out », indique encore Karine Triouillier sur LinkedIn. Et justement, la démission silencieuse pourrait être une manière efficace de prévenir l’apparition du syndrome d’épuisement professionnel, note Nilufar Ahmed, maîtresse de conférences en sciences sociales à l’Université de Bristol, au Royaume-Uni, dans un article publié sur le site The Conversation.

Le quiet quitting, au fond, n’est pas un phénomène nouveau. D’ailleurs, sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes francophones disent avoir adopté ce mode de fonctionnement depuis longtemps. Et il ne s’agit, réalité, que d’exécuter les tâches prévues dans la fiche de poste d’un salarié… Autrement dit de faire ce pour quoi il est payé, ce qui est prévu dans son contrat de travail ! Nombre de salariés déplorent, aussi, la connotation négative du terme de « démission », pour désigner une pratique somme toute très classique. Une utilisatrice de TikTok francophone exprime ainsi son étonnement, en commentant une vidéo consacrée au sujet : « Mais en fait le silent quitting, ça devrait être… normal ? »

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