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Portrait : Maëva Martin, âme clair-obscur

Ceux qui créent pansent. À travers ses œuvres, la jeune chanteuse rejoint cette vague d’artistes féminines qui revendiquent équitabilité et respect. Ces femmes qui font des faiblesses générationnelles le socle de leur force. Amour trahi, enfance perturbée, idées noires, stress… Avec son retour sur scène, elle souhaite une revanche sur tout ce qu’elle a pu endurer. De : Joël Achille.

Il y a en elle le courage de tenir tête. Tant pour sa personne, que pour les autres. Pour celles qui n’ont le courage et les épaules de s’élever fières au sein d’une société largement patriarcale. Pour cela, Maëva Martin dérange. Elle bouscule les normes, s’oppose aux traditions rétrogrades. En vue de permettre à la femme d’être, dans toute sa splendeur.

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Le réveil a été pénible jeudi. Pour cause, la jeune femme de 18 ans a regagné sa maison à Forest-Side après une séance de studio avec Dj Wayn vers 7h ce matin. Le café se vide au gré des cigarettes. À ses côtés, un ordinateur portable qui stocke ses créations.

La bande-annonce du clip réalisé avec son « acolyte » Yohann André – Vendeur Rêve – a été interdite sur Facebook, il y a environ un mois. Ce, en raison des images que la plate-forme a jugé trop explicites.

Maëva Martin s’y présente câlinant le chanteur de Lyonsquad, ses courbes s’échappant d’un débardeur noir. Scène que certains ont estimée trop vulgaire. « Il y avait quelques posts rabaissants sur moi », confie la chanteuse. « Hormis cela, je n’ai reçu que des retours positifs », précise-t-elle.

Comme elle, d’autres artistes féminines surfent sur une vague internationale d’émancipation, dont les premières salves brusquent déjà. « Nous les femmes avions plus tendances à chanter l’amour. Désormais, cela change. Je suis une femme mais je peux chanter comme un homme », insiste Maëva Martin. Des idées de collaborations auprès d’autres artistes féminines se matérialisent. Et dans cet océan d’audace, « je veux savoir jusqu’où nous femmes pouvons aller ».

Décombres d’un cœur brisé

Son retour au-devant de la scène s’opère depuis mars. Plusieurs mois de retrait lui ont été nécessaires en vue de se retrouver. De ressentir de nouveau la sensation exceptionnelle que de se présenter devant le public. Car le goût de la scène s’étouffait sous d’épisodes de stress handicapants, dont elle cherche encore le remède. Il lui a fallu des semaines d’introspection pour calmer les troubles qui faisaient vaciller sa vie et ses pensées. Apprendre dans la souffrance d’un amour trahi et perdu. Et des décombres d’un cœur brisé, se relever. Comme elle l’a toujours fait. Notamment grâce à la musique.

« To ti sa plas kot touletan mo ti kasiet bann tret, ki finn tret mwa manier ki to’nn tret mwa », chante-t-elle. Les confidences se tiennent en ligne en avril avec un extrait de Stay Toksik. Le message intime d’un vécu touchant se propage à travers une voix sublime de sincérité. Des jeux de regards francs avec la caméra, qui filme en blanc et noir. Ces yeux qui traduisent autant d’épreuves que d’enseignements. L’authenticité de la vidéo amplifie le buzz qu’elle génère. This girl has gone through deep things and is healing. Et dans son élan, Maëva Martin entraîne avec elle tous ceux qui se sont sentis trahis. « Je vais devoir profiter du buzz pour sortir la chanson au plus vite », annonce-t-elle.

Maëva Martin a toujours chanté. Un talent brut qui n’a eu besoin de cours pour briller. Les expériences acquises lors de divers événements au primaire et au secondaire lui ont servi d’apprentissage. De même que ce goût pour différents types de musique. « J’étais déterminé à devenir chanteuse », appuie-t-elle.

Depuis 2021, le rap français résonne en elle, notamment grâce aux Français Damso et Orelsan (dont elle relève Note pour trop tard). Viennent également Lauryn Hill, Demi Lovato, Diams, Soprano, Youssoupha et Tayc. Toutefois, « je trouve un confort dans le rap français », explique-t-elle, en retraçant la noire histoire d’Amnésie. Le son interdit de Damso, dont les extraits de live sont rares, qui raconte le suicide d’une ex qu’il avait délaissée. « Depuis je fume pour oublier, je fume pour oublier que je l’ai tuée », confie-t-il. Un noir récit.

La solitude, cette force

Bien qu’ayant grandi à Rose-Belle, Maëva Martin a passé son enfance à déménager. Des problèmes familiaux qui l’ont redirigée vers une liste d’établissements scolaires. Pour un parcours scolaire écourté en Form IV. « Je ne pouvais plus tenir la pression », relate-t-elle, en revenant sur les difficultés rencontrées, dont l’impossibilité de « rester avec un groupe d’amis longtemps ». Ce que doit affronter sa mère l’impacte sans doute. Désormais, cela inspire l’aînée d’une fratrie de trois. « Depuis petite, j’ai toujours été triste. Je restais dans mon coin », se rappelle-t-elle.

La dépression ne l’abat guère. Au contraire, les mauvaises expériences renforcent celle qui « aime apprendre de mes erreurs » pour dès lors vivre « sans regret après ». Maëva Martin s’inspire de la domination des hommes. Ceux qui lèvent la main, qui humilient, qui se prennent pour pli mari. Surtout envers les femmes. Comme un symbole, elle se forge une autre identité en retenant le nom de jeune fille de sa mère, « mon tout ».

La dépendance à la popularité s’estompe alors que la solitude s’impose comme une muse. « Le fait que je sois seule, c’est cela ma force », parvient-elle à dire désormais, fière d’une facette « toxique » de sa personne, envers certains.

En dehors du salon, la grisaille s’empare lentement du ciel. Une légère brise refroidit les peaux caressées par des gouttelettes d’eau hésitantes. « Je préfère la pluie au beau temps », concède Maëva Martin, en s’aventurant dans la rue.

Après les épisodes avec New Bwoy Family et MSK Family, dorénavant, la chanteuse souhaite s’affirmer d’elle-même. Ses messages se livrent en kreol, français, anglais… et afrikaans. Des paroles qu’elle rédige d’une façon quelque peu inédite : « Je garde tous mes lyrics dans ma tête. »

« Je vais dire ce que j’ai à dire. Que ce soit sur les hommes ou sur plein d’autres choses. Comme ce qui s’est passé durant mon parcours jusqu’à aujourd’hui », déclare-t-elle.

Un premier pas pourrait être fait lors d’un premier concert annoncé en mai dans le nord de l’île. « Je me dois ce combat pour tout ce qui s’est passé. C’est une revanche. J’ai une haine en moi que je dois évacuer. »

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