Le jardin des épices et de la vanille : Les arômes autour d’une culture artisanale

La pandémie de Covid-19 ayant joué les trouble-fête, le Jardin des épices et de la vanille a eu du mal à se relever. Mais c’était sans compter sur la persévérance de Selva Dassen Chinan, qui a repris le flambeau et suscite l’engouement pour une nouvelle saveur vanillée. Avec ses effluves d’arômes, ses gousses de vanille parfumées très recherchées par les chefs mauriciens pour relever leurs plats, ce lieu retrouve de l’éclat. La culture de la vanille bourbon bio, cueillie selon une méthode traditionnelle de pollinisation manuelle, a encore de beaux jours. Incursion.

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Sous un soleil de plomb malgré ce froid hivernal, le Jardin des épices et de la vanille, qui se trouve à Saint-Julien d’Hotman, bien entretenu, offre un vrai dépaysement. La gousse de vanille est le fruit d’une orchidée liane qui tient ses sources du Mexique. On pourrait rester des heures à flâner entre ces rangées de pousses de vanille, se laisser bercer par le clapotis de l’eau dans un étang aquaponique où un ballet de berry offre un spectacle de bienvenue.

« C’est en 1841 qu’un esclave réunionnais, en procédant à la fécondation manuelle, a permis d’étendre la culture à Madagascar, La Réunion et Maurice. D’ailleurs, la vanille est devenue la seule orchidée comestible connue et l’épice la plus chère au monde », laisse entendre le guide Selva Dassen Chinan.

Ce dernier, l’un des rares producteurs de la vanille mauricienne, reprend le flambeau après que son père, Jaganaden Chinan, est décédé il y a quelques mois. Dans sa voix, les émotions sont présentes mais il les balaie rapidement en se concentrant sur l’héritage légué par le pater. Il raconte que la vanille est issue d’orchidées comestibles et qu’il faut des années pour atteindre un chiffre important, soit la multiplication de pousses de ces plants qui peuvent atteindre un nombre de 2 500, voire plus durant des années, dépendant de la qualité de la terre et du climat.

Chez lui, pour le plaisir des clients, son jardin est devenu une halte conviviale et invite à la découverte d’une cueillette de vanille bourbon bio fait main. « Cela prend quatre ans pour qu’un plant de vanille fleurisse et chaque fleur doit être pollinisée manuellement, à défaut d’avoir des abeilles pour faire le travail de butinement. »

Selva a appris pas mal de choses en la matière, et en fin observateur, sait apprécier et décrire une fleur de vanille en pleine floraison. Dans son jardin des épices et de la vanille, entre les dédales de pierres et les noix de coco qui servent aussi d’engrais à la terre, parfumé par l’arôme de la vanille qui est une des plus chères au monde, le client se sent en osmose avec la nature. Cette vanille sera transformée en bâtonnets aromatisants pour assaisonner des gâteaux, des plats. C’est d’ailleurs un produit très prisé par les chefs mauriciens. « Heureusement que ces chefs sont là pour nous soutenir dans notre production. Sans eux, le travail aurait chuté », laisse entendre Selva Dassen Chinan.

« Plus une gousse de vanille vieillit, plus elle prend de la valeur »

Quand il parle de la technique de récolte, Selva Dassen Chinan évoque surtout les mois d’hiver, particulièrement la période entre juin et juillet, qui permet aux fleurs de la vanille d’éclore. Avec lui, aucune matière chimique n’entre dans ses composants d’engrais, il n’y a que des matières organiques et du compost dans ses serres. Sa vanille exploitée est la vanilla planifolia (vanille noire). Auparavant, il pouvait compter jusqu’à 150 gousses de vanille par an, mais avec le Covid, la récolte a eu des hauts et des bas, notamment pour ce qui est de la main-d’œuvre pendant le confinement.

L’hiver étant propice à la floraison pour ce type de plant, Selva dira qu’une fleur de vanille de couleur blanche avec quelques stries de jaune et de vert ne dure pas longtemps. Lui, récupère tout. Les fleurs de vanille peuvent ainsi être réutilisées en artisanat. Il confie que la survie d’une gousse de vanille requiert neuf mois de gestation pour atteindre sa maturité. Les feuilles récupérées sont déposées dans une grande cuve d’eau chaude à 90° sur une durée de 24 heures avant d’être laissées à l’air. Les fleurs de vanille sont, par la suite, séchées puis fermentées jusqu’à ce qu’elles obtiennent après ce processus de mûrissement cette couleur brunâtre. « Quand on tient la vanille entre ses mains, et qu’elle se ploie, cela signifie qu’elle est en pleine fraîcheur et qu’elle a atteint l’âge de la maturité. »

Pour donner encore plus de visibilité à son projet, Selva Dassen Chinan a ouvert à côté de son jardin un espace qui sert de vente aux produits artisanaux. Dans des sachets, des bocaux transparents, il a rangé ses gousses de vanille dont certaines sont assez vieilles. Sa passion pour ce produit l’a conduit aussi à faire d’autres plantations, celles de laitues, de fleurs, de fenouil, roquettes, ciboulettes, trouvant qu’il est impératif de diversifier sa culture. « Il est difficile de vivre de la vanille. C’est une des raisons qui m’a poussé à diversifier mes produits pour faire vivre ma famille. Les jeunes ne veulent pas prendre la relève, préférant un travail moins laborieux mais plus rentable. »
Selva ne manque pas de proposer des recettes traditionnelles autour de la vanille dont une fricassée de dinde, des bananes flambées à la vanille. « La vanille est comme le bon vin, il se bonifie. Plus une gousse de vanille vieillit, plus elle prend de la valeur. » Avant la pandémie, vu que son jardin se trouve non loin d’un temple hindou, il proposait aux visiteurs étrangers une balade se déclinant sous différents thèmes, de sa plantation de vanille bio et ananas, à son magasin de souvenir qui regorge de mille et un produits artisanaux, suivie d’une visite au temple. Selva est sans conteste un producteur émérite. Il sait parler à ses orchidées de vanille tout en connaissant le secret de sa conservation, celle-ci restant toujours moelleuse au fil des années.

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