Environnement – L’état du jardin de Pamplemousses, un crève-cœur

— Les étangs de nénuphars sont devenus d’infâmes marigots, alors que des amas de feuilles et de branches jonchent le sol depuis des mois

— Les témoignages négatifs de touristes ayant visité le jardin récemment pullulent sur le site TripAdvisor

- Publicité -

C’est bien beau d’avoir greffé les « samadhis » et les monuments commémoratifs de sir Seewoosagur Ramgoolam et de sir Anerood Jugnauth, au Jardin botanique de Pamplemousses (SSR Garden), à la liste des 203 sites classés patrimoine national. Sauf que c’est un bien triste spectacle qui s’offre actuellement en ce lieu mythique aux yeux des visiteurs. « Honte, dépit… déception totale… » Les touristes ayant arpenté le jardin cette année ne manquent pas de qualificatifs pour décrire sur TripAdvisor, site web d’avis touristique, l’état d’insalubrité et de délabrement dans lequel se trouve le jardin. Week-End a pu constater de visu des amas de feuilles et de branches sèches entassées sous les arbres et qui semblent ne pas avoir été ramassées depuis plusieurs mois. Les étangs de nénuphars sont devenus d’infâmes marigots, alors que les bancs, recouverts de poussière, découragent les promeneurs les plus fatigués. Caroline Mandron, une habitante de Pereybère qui arpente souvent le jardin, affirme n’avoir pas vu de jardiniers ou de personnel de nettoyage sur le site depuis avril.

Le célèbre botaniste Pierre Poivre (1719-1786), qui a consacré sa vie et la majeure partie de sa fortune personnelle à la création du jardin de Pamplemousses en y introduisant des espèces végétales du monde entier, doit se retourner dans sa tombe en voyant dans quel état se trouve son Éden qu’il a façonné après avoir été nommé intendant de l’Isle de France en 1769. Si la patine cuivrée du buste en étain de Pierre Poivre reluit à l’ombre des feuillages du jardin, le portail en fer forgé, récompensé à l’exposition internationale de Crystal Palace en 1862 en Angleterre, est en piteux état, car partiellement rongé par la rouille. Une situation qui ne semble émouvoir personne, hormis ces quelques touristes français qui examinaient le portail d’un œil sévère. On ne peut également rester de marbre devant ces échoppes à côté du parking qui sont dans un piteux état.

- Publicité -

Comme si ça ne suffisait pas, les témoignages négatifs de touristes ayant visité le jardin récemment pullulent sur le site TripAdvisor. « J’ai visité le site en juillet 2007. C’était un magnifique jardin botanique très fleuri. Je l’ai revisité en août 2022 et cela a été la déception totale. Il n’est plus entretenu et a perdu de sa superbe. Il n’y a plus aucune fleur et les célèbres nénuphars géants sont en piteux état… Nous déconseillons cette visite et espérons que le site soit repris en main », martèle un touriste belge. Le commentaire de cet autre abonné de TripAdvisor, originaire de Plessis-Robinson en France, est sans équivoque : « C’est un magnifique jardin avec des essences rares, mais semble laissé à l’abandon par endroit… Que font les autorités pour redorer le blason de ce lieu unique ? Pourquoi mettre des tortues et des cerfs en captivité à cet endroit si vous ne les soignez pas dignement ? » Un Parisien abonde dans le même sens : « D’accord, ce n’était pas la meilleure saison pour y aller, mais le manque d’entretien et de nettoyage du parc choque vraiment. Des papiers partout, des barrières cassées… On ne comprend pas bien l’intérêt de mettre des tortues et des cerfs dans des enclos non entretenus. Bref, je ne recommande pas du tout cette visite, j’ai vraiment été déçu… »

Des chiens errants

- Advertisement -

Certes, en raison de la pandémie, l’absence de visiteurs au jardin entre mars 2020 et septembre 2021 a forcément représenté une perte d’environ Rs 75 millions (250 000 touristes se rendent sur les lieux chaque année contre Rs 200 de droit d’entrée), mais faut-il pour autant faire fi de ce spectacle déplorable. Loin de nous l’idée de remettre en cause l’ajout des samadhis des deux anciens chefs de l’État au patrimoine national, mais n’aurait-il pas été plus judicieux de procéder à la restauration des 37 hectares du site au préalable avant d’entériner en grande pompe cette décision. Le vaste bassin, qui mesure 93 mètres de long, qui regorge des célèbres nénuphars provenant d’Amazonie, est un crève-cœur. Ces immenses feuilles flottantes ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes, étant entourées de goémons et d’algues.

On reste bouche bée devant ces poubelles endommagées, ces plantes et ces branches arrachées et laissées sur place, ces amas de feuilles mortes éparpillées, ces dizaines de carrés de fleurs vides ou envahis de mauvaises herbes, de même que cet étang cristallin transformé en une mare d’eau boueuse. Des bouteilles en plastique traînent çà et là, alors que des chiens errants se sont emparés des lieux. Cet Éden a perdu de son cachet d’antan. Dans le roman Paul et Virginie, publié en 1788, Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre décrivait le jardin comme étant le « Quartier de Pamplemousses ». Le narrateur, s’il était encore de ce monde, aurait certainement trouvé un adjectif bien plus sévère pour décrire les lieux.

Où sont les gens  qui nettoient ?

Férue de promenades et d’escapades en pleine nature, Caroline Mandron, une ressortissante française établie à Maurice depuis 30 ans, analyse avec sévérité l’état dans lequel se trouve le jardin qu’elle visite une dizaine de fois chaque année en compagnie des membres de sa famille et ses amies qui viennent passer leurs vacances dans l’île : « Je ne reconnais plus cet endroit magnifique. Comment a-t-on pu en arriver là ? Un désastre, au point où je n’ose plus trimballer les touristes dans ces lieux sous peine de me couvrir de honte. » À en croire notre interlocutrice, le site serait laissé dans cet état de « semi-abandon » depuis le mois d’avril dernier. « À cette époque, il y avait des fleurs dans les bassins, ce n’est plus le cas. Voyez comment ces branches et ces feuilles jonchant le sol sont sèches et comment les fleurs et les plantes sont entourées d’herbes sauvages. On dirait que le personnel du service de nettoyage et les jardiniers ne s’en ne sont pas occupées depuis des lustres. Je me demande même si le jardin est encore pourvu de tels services ? »

Il ne s’agit pas de tirer des conclusions hâtives, mais pour avoir passé plusieurs heures sur le site vendredi, et à la lumière de témoignages recueillis sur place, on peut même penser que les jardiniers et le personnel du nettoyage jouent aux abonnés absents depuis plusieurs mois. Ce marasme aurait-il un lien avec la résiliation, en juin dernier, du contrat de Siamboo Sungkur en tant que CEO du SSR Garden Trust après qu’une enquête a été ouverte contre lui par l’ICAC suivant des allégations portées contre lui, allant du harcèlement sexuel aux menaces contre des employés, en passant par certaines décisions qui auraient été prises sans l’aval du conseil d’administration ? Cette hypothèse paraît peu plausible, mais nous n’avons, hélas, pas pu joindre Sarita Balmokune, qui a été nommée CEO par intérim, pour faire la lumière sur la gestion du jardin cette année. À la cellule de communication du ministère de l’Agro-Industrie, on nous a fait comprendre que le ministre Maneesh Gobin n’est à Maurice actuellement, mais qu’il répondra à cette question dans les plus brefs délais.

Dépôts sauvages en pleine nature à Belle-Rive

Spectacle écœurant et révoltant !

Situé dans le district de Flacq, le village de Belle-Rive est un petit paradis préservé, un havre de paix en pleine nature. Bordé par une végétation luxuriante et des étendues sauvages aux allures de paradis terrestre de l’autre, le village est idéal pour se ressourcer et s’adonner à des balades en pleine nature. Or, une sombre tache ternit ce reluisant tableau depuis quelque temps. Les dépôts sauvages de détritus prolifère sur un site de randonnée sis à quelques encablures du morcellement Plaines de L’Hermitage. Ce genre de délits face auxquels certains habitants du village et des amoureux de la nature mènent une lutte sans relâche en postant des photos, les unes les plus choquantes que les autres, dont des tonnes de débris de construction.

Jusqu’où iront l’inconscience et la bêtise de certaines personnes ? Elles semblent ne plus avoir de limites si on se fie aux images glaçantes qu’on s’est procurées cette semaine montrant un site naturel à Belle-Rive regorgeant de déchets des plus surprenants, voire écœurants. Les joggeurs qui y viennent en grand nombre pratiquer leur sport au contact d’une nature préservée, afin de ressentir la beauté des paysages et évoluer sans artifice dans des conditions exigeantes pour le corps et l’esprit, sont révoltés et comptent bien faire feu de tout bois pour que ne cesse ces actes d’incivilité. De nombreux objets tels que des réfrigérateurs hors d’usage, des matelas, des bouteilles en plastique, de vieux châssis en PVC, des batteries de voiture jonchent le site sur une dizaine de mètres. Plus loin, des gravats de chantiers s’entassent, mais aussi des sacs remplis d’ordures ménagères et des emballages de fast-food.

Un habitant souligne avoir vu un contracteur vidant une benne de déchets de construction de son camion la semaine dernière, sauf qu’il n’a pas eu le temps de prendre une photo de sa plaque d’immatriculation. À noter qu’il est possible de dénoncer tout individu commettant ces actes répréhensibles en communiquant au 5250 5151 avec les officiers de la Police de l’Environnement sur leur groupe WhatsApp, photos et vidéos à l’appui. Ceux surpris en train de se débarrasser de déchets domestiques ou commerciaux, de débris de construction, de meubles de maison dans la nature, un lieu public, un cours d’eau et sur un terrain abandonné, sont passibles d’une amende de Rs 25 000.

- Publicité -
EN CONTINU
éditions numériques