L’Affaire L’Amicale a connu un nouveau développement majeur durant la semaine. L’occasion de revenir sur ce drame qui tient en haleine l’île Maurice toute entière depuis 19 ans.
Dimanche 23 mai 1999. La capitale est sous tension après la victoire de la Fire Brigade contre le Scouts Club lors d’une rencontre tenue au stade Anjalay.
18h55. Alors que la police est prise ailleurs, en plein cœur de Chinatown, des émeutiers prennent la maison de jeu L’Amicale pour cible. Quelque 275 personnes sont prises au piège à l’intérieur, soit des employés et des clients.
Des cocktails Molotov et des bombes incendiaires sont envoyés par les fenêtres du bâtiment, tandis que des voitures incendiées bloquent les portes.
Dans un article sur la famille d’une des victimes, Scope détaillait ceci :
« Au milieu des flammes et de la fumée, Mme Yeh Lin Lai Yau Tim, épouse de Jean-Noël Lai Yau Tim, le cousin de ce dernier, Jean-Alain Law Wing, Eugénie, 2 ans, Catherine, 6 ans, et Jeannette Ramboro se réfugient dans le bureau. Ils y meurent asphyxiés. Les autres victimes sont Krishna Luckoo, le comptable, et Abdoo Hakim Fawzi, croupier. »
Lundi 24 mai : Cette affaire plonge le pays dans l’effroi. Une grande chaîne de solidarité s’installe autour des victimes et de leurs proches. Alors que le pays se relève à peine des émeutes de février 1999.
Très rapidement, l’enquête de la police est lancée, une vingtaine de personnes sont interpellées, mais les recherches avancent lentement.
Novembre 2000 : Les frères Sheik Imran et Khaleeloudeen Sumodhee, ainsi qu’Abdool Naseeb Keeramuth et Shafique Nawoor sont arrétés. Suite au jugement de la Cour suprême, par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen, ils écopent d’une peine de prison à vie, représentant l’équivalent de 45 ans d’emprisonnement. Ils sont reconnus coupables devant les Assises d’avoir mis le feu à la maison de jeu où l’incendie avait sept morts.
Juin 2013 : Rama Valayden et un panel d’avocats publient le rapport « Wrongly Convicted » dédié à l’affaire l’Amicale, qui clame l’innocence des condamnés tout en pointant du doigt l’enquête menée par la police.
Décembre 2014 : Les condamnés font appel au Privy Council.
Octobre 2015 : La Commission de pourvoi en grâce, qui avait pris en considération le temps que les quatre condamnés ont passé en détention avant d’être jugés devant une instance judiciaire, recommande à la présidente de la République de réduire leur peine de deux ans, soit à 18 ans de prison. Les condamnés devraient être libérés le 17 mars 2019.
Suite à des changements au niveau de la loi avec la promulgation de la Criminal Appeal (Amendment) Act 2013, la Commission de pourvoi en grâce invite les condamnés à avoir recours à la nouvelle loi. Après avoir traité à nouveau leur cas, elle soumet ses recommandations à la présidente de la République en faveur d’une rémission de leur peine.
Les quatre condamnés, qui ont déjà purgé 15 ans en prison, voient dans un premier temps leur demande d’appel devant le Judicial Committee du Conseil privé de la Reine, le 8 décembre 2015, rejetée.
3 février 2016 : Regain d’espoir pour les quatre condamnés lorsque le Privy Council revient sur sa décision en leur accordant la permission d’interjeter appel contre leur condamnation.
7 mars 2017 : L’appel de trois des condamnés est examiné par la Privy Council. Abdool Naseeb Keeramuth, Sheik Imram Sumodhee et Khaleeloudeen Sumodhee contestent toutefois le jugement qui les condamnent à 45 ans de prison, qu’ils souhaitaient revoir à la baisse.
Janvier 2018 : Rama Valayden envoie une lettre au Premier ministre, Pravind Jugnauth, pour lui faire comprendre qu’il y a une erreur de calcul du côté de l’administration carcérale sur la date de la période d’emprisonnement.
Juin 2018 : La Judicial and Legal Provision Act est votée au parlement, permettant ainsi d’inclure le nombre de jours qu’un prisonnier a passé en cellule préventive lors du calcul de sa sentence. La loi n’étant cependant pas rétroactive, une demande spéciale est faite pour que les quatre prisonniers puissent bénéficier eux aussi des avantages de la Judicial and Legal Provision Act 2018.
Dix-neuf ans après, les ruines de L’Amicale sont toujours là. Les avocats de ceux qui ont été condamnés plaident l’innocence de ces derniers. Les survivants soignent encore leurs plaies et ce lourd passé continue a pesé pour les proches des victimes de l’incendie, les brasiers se sont éteintes mais cette histoire reste entière.