Ces résultats doivent être présentés lors de la conférence de printemps de la Société américaine de chimie. Ils marquent une étape importante pour la contraception masculine, qui demeure très marginale au sein des couples.
La recherche d’une pilule contraceptive pour les hommes remonte aussi loin que l’autorisation, dans les années 1960, de son équivalent pour les femmes, explique à l’AFP Md Abdullah Al Noman, un étudiant de master à l’Université du Minnesota, qui présentera ces travaux lors de la conférence.
« De nombreuses études montrent que les hommes sont intéressés par un partage de la responsabilité de la contraception au sein du couple », dit-il, mais seulement deux solutions efficaces et reconnues existent à ce jour: les préservatifs et la vasectomie — une solution durable sur laquelle il est parfois compliqué (et cher) de revenir.
D’autres pratiques, comme le slip chauffant et l’anneau autour des testicules, demeurent confidentielles et non validées par les autorités sanitaires.
– Sans les hormones –
Le fonctionnement de la pilule féminine est basé sur des hormones qui perturbent le cycle menstruel. Les chercheurs ont longtemps essayé de développer un équivalent masculin en utilisant la même méthode et en agissant sur une hormone masculine, la testostérone.
Mais ces tentatives provoquaient des effets secondaires indésirables tels que la prise de poids, des accès de dépression et une hausse du taux de cholestérol, qui accroit le risque de maladie cardiaque.
La pilule pour les femmes provoque également des effets indésirables — un risque accru de caillot sanguin notamment.
Pour développer une pilule non-hormonale, Md Abdullah Al Noman, qui travaille dans le laboratoire de la professeure Gunda Georg, a ciblé une protéine, le récepteur alpha de l’acide rétinoïque (RAR-alpha).
Dans le corps humain, la vitamine A se transforme en de nombreux éléments dont l’acide rétinoïque, qui joue un rôle important dans la croissance des cellules, la formation des spermatozoïdes et le développement de l’embryon.
L’acide rétinoïque a besoin de ces récepteurs RAR-alpha pour agir: des expériences en laboratoire ont montré que les souris privées du gène qui code ce récepteur sont stériles.
Pour ses travaux, ce laboratoire a développé un composé qui bloque l’action des RAR-alpha. Les chercheurs ont utilisé un modèle informatique afin d’identifier la meilleure structure moléculaire possible.
Leur composé chimique, nommé YCT529, a été conçu pour interagir uniquement avec RAR-alpha, et non avec deux autres récepteurs voisins, RAR-beta et RAR-gamma, afin de limiter les effets secondaires.
– Commercialisation envisagée d’ici cinq ans –
Administré oralement aux souris mâles pendant quatre semaines, YCT529 a drastiquement réduit la production de spermatozoïdes et a été efficace à 99% pour prévenir les grossesses, sans que ne soient observés d’effets secondaires.
Et six semaines après l’arrêt de l’ingestion de YCT529, les souris pouvaient à nouveau procréer.
L’équipe, financée par les Instituts américains pour la santé (NIH) et l’organisation à but non lucratif Male Contraceptive Initiative, travaille avec l’entreprise YourChoice Therapeutics pour commencer des essais cliniques dans la deuxième moitié de 2022, a précisé la professeure Gunda Georg.
« Je pense que cela peut avancer rapidement », a-t-elle déclaré, estimant qu’une commercialisation pourrait intervenir d’ici cinq ans.
« Il n’y a pas de garantie de succès… mais je serais vraiment surprise de ne pas observer un effet aussi sur les humains », a ajouté la chimiste.
Les femmes feraient-elles cependant suffisamment confiance aux hommes pour qu’ils se chargent d’une question qui leur est jusqu’à présent presque entièrement dévolue?
Des études ont montré que la majorité des femmes seraient prêtes à s’en remettre à leur partenaire, et un nombre important d’hommes ont indiqué être prêts à prendre une pilule contraceptive.
« La contraception masculine va s’ajouter aux choix existants et permettra aux hommes et aux femmes de choisir la méthode contraceptive qui leur semble la plus appropriée », a salué la Male Contraceptive Initiative.
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© Agence France-Presse