Négatifs et envoyés de force en quarantaine: en dépit d’un confinement à Shanghai et de mesures anti-Covid drastiques, des habitants sains se retrouvent eux aussi à l’isolement pour enrayer la contagion.
Largement épargné depuis deux ans, la Chine affronte ces dernières semaines sa pire flambée épidémique depuis le printemps 2020.
Dans la métropole de Shanghai, de loin la plus touchée et dont les 25 millions d’habitants sont confinés depuis un mois, toute personne testée positive, même asymptomatique, est envoyée dans un centre de quarantaine collective – au confort et à l’hygiène variables.
Il arrive que des habitants soient mis dans des cars en pleine nuit pour être évacués. Beaucoup d’habitants sont exaspérés par ces mesures d’isolement. D’autant qu’un test négatif n’est plus forcément synonyme de tranquillité.
Plusieurs personnes testées négatives racontent à l’AFP avoir été forcées de quitter leur domicile pour s’isoler en dehors de Shanghai. Certaines à des centaines de kilomètres de la ville.
« On n’a pas eu le choix », affirme Lucy, une habitante qui préfère taire son nom de famille par crainte d’éventuelles représailles.
« La police nous a dit qu’il y avait trop de cas positifs dans notre résidence ».
Selon les forces de l’ordre, rester c’était prendre le risque d’être contaminé.
Et in fine d’alourdir le bilan officiel alors que la Chine poursuit une politique de zéro Covid. Shanghai a fait état lundi de 7.137 nouveaux cas positifs, un chiffre en léger repli sur 24h.
– « Effrayant » –
Déplacée avec ses voisins au beau milieu d’une nuit, Lucy a été envoyée à plus de 400km de chez elle, dans un centre de quarantaine de fortune de la province de l’Anhui (est).
Cette habitante ne sait pas quand elle pourra retourner chez elle.
Sa mésaventure est loin d’être un cas isolé. L’AFP a pu s’entretenir avec d’autres Shanghaïens également envoyés à l’isolement dans d’autres provinces.
Une habitante du quartier de Jing’an, connu pour son temple éponyme et ses cafés branchés, témoigne sous couvert d’anonymat.
Dans sa résidence, les cas négatifs ont « tous reçu un appel » afin de quitter leur domicile, indique-t-elle.
Les cas positifs étaient quant à eux « transférés dans des hôtels pour (y) être isolés », précise cette habitante, qui se retrouve elle aussi dans l’Anhui dans un centre de quarantaine « effrayant ».
Au vu des conditions sommaires, les compagnons d’infortune de sa résidence ont « perdu toute confiance dans les autorités de Shanghai », selon elle.
Un autre habitant interrogé par l’AFP assure que la ferme opposition de ses voisins n’a en rien dissuadé les autorités de les confiner hors de Shanghai.
– « Mesures excessives » –
La mesure controversée reflète la « forte pression » du pouvoir sur les autorités locales pour atteindre le zéro cas, estime Yanzhong Huang, spécialiste des questions de santé au Council on Foreign Relations aux Etats-Unis.
Des fonctionnaires sont régulièrement limogés pour des manquements supposés, après l’apparition d’un foyer épidémique.
Pour se prémunir d’une telle sanction, certains responsables sont donc tentés d’avoir recours à « des mesures excessives », relève M. Huang.
Déplacer des patients négatifs peut toutefois aussi relever de la « prévention », les autorités anticipant une augmentation des cas de contamination dans un périmètre déterminé.
Selon l’agence officielle Chine nouvelle, plusieurs dizaines de milliers de cas contact ont été mis à l’isolement dans des provinces limitrophes de Shanghai.
Mais les médias ne font en revanche aucune mention de cas négatifs.
La mairie de Shanghai n’a pas répondu aux demandes de précisions de l’AFP.