« Justice pour Shaïna »: le procès d’un jeune homme accusé d’avoir assassiné et brûlé vive à Creil en 2019 l’adolescente, probablement enceinte de lui et victime deux ans plus tôt d’agressions sexuelles, s’est ouvert lundi, à huis clos, devant la cour d’assises des mineurs de l’Oise.
Soupçonné d’avoir attiré Shaïna, d’origine mauricienne, 15 ans, dans un cabanon pour la tuer et brûler son corps, l’accusé, 17 ans à l’époque, doit comparaître jusqu’à vendredi, lors de cette audience à publicité restreinte.
Comme il l’a toujours fait, « il conteste les faits, hurle son innocence », a déclaré avant l’audience son avocat, Me Adel Fares.
Mince, visage fin aux traits juvéniles et cheveux noués en chignon, l’accusé a décliné son identité d’une voix calme à l’ouverture de l’audience, face à une dizaine de membres de la famille de Shaïna.
« La famille et moi-même sommes déterminés à ce que la vérité apparaisse. Cette vérité est associée à la culpabilité de l’accusé », a pour sa part affirmé l’avocate de la famille, Me Negar Haeri.
A l’appel du frère aîné de la victime, Yasin Hansye, quelques dizaines de personnes se sont rassemblées en soutien à la famille devant le tribunal, portant banderoles et pancartes. « Nous sommes là pour que justice soit rendue à ma soeur », a affirmé M. Hansye.
Le 27 octobre 2019, le corps de l’adolescente est découvert presque entièrement calciné par les policiers, guidés par une rumeur.
Les expertises médico-légales révèleront de « multiples plaies » à l’arme blanche mais aussi qu’elle respirait encore au début du feu.
– Test positif de grossesse-
L’avant-veille, elle était sortie après un dîner familial. Dans son sac à main, ses proches retrouvent un test de grossesse positif.
Selon diverses expertises, l’adolescente, qui avait subi une IVG quelques mois plus tôt, entamait très probablement une nouvelle grossesse. D’après l’enquête, elle attribuait la paternité à l’accusé, avec qui elle entretenait une liaison.
Deux appels anonymes, puis un témoignage clé, orientent rapidement l’enquête vers le jeune homme.
Un de ses amis raconte qu’il est venu le voir la nuit des faits, et lui a confié avoir donné rendez-vous à Shaïna pour la tuer.
Il l’aurait poignardée une quinzaine de fois, et aurait été blessé par un retour de flamme. Ce témoin livre des détails connus des seuls enquêteurs.
Shaïna refusait d’avorter, révèle-t-il encore.
D’autres éléments incriminent le jeune homme: si son téléphone a disparu, il multiplie les SMS à Shaïna ce jour-là. A l’approche du crime, tous deux activent la même borne, à 500 m du cabanon. Et l’appareil de l’accusé est éteint entre 21H36 et 22H13, heure approximative des faits.
– Traitée « comme une chose » –
Il expliquera ses brûlures par un « frottement » puis un « eczéma », et varie ses déclarations sur son emploi du temps. Il reconnaît quelques relations sexuelles avec Shaïna à partir d’août, mais assure avoir rompu.
Un codétenu l’aurait entendu « dire fièrement » qu’il avait « tué sa copine, qui était +une pute+, qu’il avait +mise enceinte+ », voulant éviter que sa famille l’apprenne. En prison, il disait « préférer prendre 30 ans qu’être le père d’un bâtard », selon un autre détenu.
Le crime pourrait être « une tentative désespérée » de préserver son image, dans un contexte « d’interdit culturel et religieux » lié à la sexualité, a estimé un expert psychologue.
Deux ans plus tôt, Shaïna avait été victime d’agressions sexuelles, pour lesquelles quatre autres jeunes de sa cité ont été condamnés jeudi en appel à des peines allant de six mois à deux ans de prison avec sursis.
Pour Me Haeri, sa mort « est le point culminant d’un long calvaire », enclenché par cette première affaire. Violentée dans une clinique désaffectée où son petit ami d’alors l’avait entraînée, Shaïna avait été filmée par ses agresseurs.
Des images diffusées sur Snapchat l’avaient exposée, selon l’avocate, à un « dénigrement grandissant ». Shaïna a été traitée « comme une chose, avec qui on couche, mais qu’on peut supprimer », déplore-t-elle.
Le nombre de féminicides a augmenté de 20% en France en 2021 par rapport à l’année précédente, avec 122 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon le ministère de l’Intérieur.