Liz Truss ne répond plus. Sommée par l’opposition de venir s’expliquer lundi au Parlement, la Première ministre britannique s’est fait représenter après une nouvelle humiliation publique: l’abandon par son nouveau ministre des Finances de son programme économique.
Ajoutant au malaise, elle reste silencieuse depuis trois jours et a envoyé Penny Mordaunt, chargée des relations entre le gouvernement et la Chambre des Communes, un nom parfois évoqué pour lui succéder, pour répondre aux questions de l’opposition.
Le leader travailliste Keir Starmer a dénoncé le « vide absolu » au sommet du pouvoir.
« Où est la Première ministre ? Elle se cache, évite les questions, effrayée par son ombre », a-t-il tonné. « Où est-elle ? », ont répété des élus.
Elle « se cache à Downing Street, terrorisée d’avoir à répondre des dégâts qu’elle a causés », a estimé une députée du Parti national écossais (SNP), Kirsten Oswald. « Si elle n’a pas le courage de venir aujourd’hui, y-a-t-il un intérêt à ce qu’elle revienne? »
Mme Mordaunt, qui s’est excusée à trois reprises au nom de Mme Truss pour les turbulences récentes qui ont « ajouté à l’inquiétude », a évoqué une « raison sérieuse » pour expliquer son absence aux questions de l’opposition, sans fournir de précisions. Elle « n’est pas sous un bureau », a-t-elle dû assurer, provoquant l’hilarité générale.
Mme Truss est ensuite arrivée au Parlement, assise silencieuse, le regard absent, quand le nouveau ministre des Finances Jeremy Hunt a expliqué aux députés son changement de cap budgétaire à 180 degrés. Annulant la plupart des mesures annoncées fin septembre, il a transformé en coquille vide la politique économique de Mme Truss, qui voulait relancer la croissance par des baisses d’impôts de dizaines de milliards de livres financées par de la dette, affolant les marchés.
Exit, a-t-il annoncé notamment, le gel des factures énergétiques pour les particuliers, prévu pour deux ans. Cette mesure extrêmement coûteuse en pleine envolée du coût de l’énergie, sera revue en avril. Exit aussi la baisse de l’impôt sur le revenu, repoussée « indéfiniment ».
Downing Street a insisté sur le fait qu’elle dirigeait toujours le pays, et avait « travaillé étroitement » avec M. Hunt « pour accepter cette approche ».
– Intenable –
La seule intervention publique de Mme Truss depuis vendredi, alors qu’un vent de panique souffle chez les conservateurs à deux ans des législatives, a été une maigre poignée de tweets, dont l’un affirmait lundi que les « Britanniques ont besoin de stabilité ».
Terrée dans la résidence de campagne des Premiers ministres ce week-end, après une conférence de presse catastrophique vendredi, où elle a tourné les talons au bout de 8 minutes, Mme Truss semble avoir perdu tout pouvoir, alors que certains députés de son camp conservateur complotent pour la renverser, et que la colère gronde.
La presse conservatrice tire à boulets rouges sur celle dont le programme de gouvernement a été mis en pièces, et quatre députés conservateurs ont déjà publiquement demandé son départ, 41 jours après son arrivée au pouvoir. Des dizaines d’autres seraient prêts à une motion de défiance.
La crise de confiance, après la tempête sur les marchés ayant suivi ces annonces budgétaires s’est tellement accélérée ces derniers jours, que Mme Truss, dont une majorité de Britanniques souhaitent le départ, avec des sondages catastrophiques pour les conservateurs, a sacrifié son ministre des Finances et ami Kwazi Kwarteng vendredi.
Depuis, Jeremy Hunt, candidat malheureux à deux reprises à Downing Street mais politicien posé et expérimenté – il a été ministre des Affaires étrangères et ministre de la Santé – apparaît comme le pilote dans l’avion.
Très présent depuis sa nomination vendredi, il s’est dit déterminé à être « honnête » avec les Britanniques.
« Je pense que Jeremy Hunt est de facto le Premier ministre », a estimé le député Roger Gale sur Sky News.
« Je ne pense pas que la situation soit tenable et qu’elle puisse rester plus longtemps » a déclaré la député Angela Richardson sur Times radio, attribuant à Mme Truss la responsabilité d’un trou de « 10 milliards de livres » perdues en raison de la crise provoquée par ses annonces budgétaires du 23 septembre, « qu’il faut maintenant combler ».