L’Inde et le Pakistan plus désunis que jamais face aux catastrophes climatiques

Chaque hiver, Pakistan et Inde sont asphyxiés par un épais brouillard de pollution qui traverse leur frontière. Mais cette année, la qualité de l’air s’est dégradée à un niveau record, poussant Islamabad à réclamer une « diplomatie climatique » –sans aller au-delà de cette déclaration.

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Un timide pas en avant pour les deux pays qui se sont livrés depuis leur partition en 1947 trois guerres et se disputent encore le Cachemire.

Depuis toujours, les deux nations, qui comptent ensemble un cinquième de la population mondiale, s’accusent de polluer le territoire de l’autre.

Mais elles ne sont « qu’un géographiquement, écologiquement et culturellement » et partagent « défis et problématiques climatiques », assure Abid Omar, créateur d’un indice de qualité de l’air au Pakistan.

L’été, elles vivent des pics à 50 degrés et subissent les mêmes moussons.

En 2022, un tiers du Pakistan et ses précieuses récoltes étaient inondés et 1.700 personnes tuées. Un an plus tard, l’éclatement d’un lac glaciaire d’Inde tuait plus de 70 personnes.

Une menace qui pèse également sur le Pakistan et ses 7.000 glaciers.

 

– « Menace commune pressante » –

Au-delà du dérèglement climatique, ces deux « économies en développement utilisent de plus en plus d’électricité et d’énergies fossiles pour l’industrie, les transports ou l’urbanisation », pointe l’économiste indienne Ulka Kelkar. Mais à différentes échelles : si l’Inde est l’un des trois principaux émetteurs de gaz à effet de serre, le Pakistan lui contribuait en 2023 à  moins de 1% des émissions mondiales.

« On aimerait penser qu’une menace commune pressante les rapprocherait », dit à l’AFP Michael Kugelman, du Wilson Center. « Mais ça n’a pas fonctionné par le passé, pour le Covid, la pollution ou les inondations ».

Aujourd’hui, aucun traité climatique ne lie les deux pays et les rares discussions bilatérales environnementales comme le partage de l’eau de l’Indus sont ralenties par des considérations géopolitiques.

De ce fait, note Kanishkan Sathasivam, spécialiste des relations internationales, même si « les problématiques climatiques sont par nature transnationales », des deux côtés, les mesures unilatérales arrivent trop tard et n’attaquent pas le problème à la racine.

Ainsi, chaque automne, Islamabad et New Delhi annoncent fermer des écoles ou déclencher une pluie artificielle. Mais en ordre séparé.

Avec des vents qui ignorent les frontières, même si l’un des deux venait à bout de la pollution, « 50% du problème subsisterait », pointe M. Omar.

Surtout, les voisins pourraient partager leurs « retours d’expérience », plaide Mme Kelkar.

Tous deux ont décrété illégaux les brûlis agricoles mais leurs cultivateurs continuent d’y recourir faute d’alternatives bon marché. Tous deux menacent aussi leurs briquèteries de destruction si elles ne réduisent pas leur pollution.

Mais ils n’ont jamais aligné leurs législation ou leur calendrier –ni même partagé des technologies.

Pourtant, dit Mme Kelkar, « dans nos deux pays, motos et touk-touks sont très majoritaires et on pourrait imaginer des batteries électriques spécifiques, adaptées à nos routes et nos climats ».

 

– « Déséquilibre de nature » –

Il faut, renchérit M. Kugelman, que « communautés scientifiques et académiques » se parlent. « Le dialogue ne doit pas se limiter aux gouvernements », dit-il.

Mais Inde et Pakistan disent ne pas croire les chiffres du voisin.

En 2019, la Pakistan Air Quality Initiative de M. Omar s’était alliée au centre indien Urban Science pour tenter d’uniformiser leurs résultats.

Ils ont installé sur leurs sols respectifs les mêmes capteurs de pollution. Mais le projet pilote d’un an n’a pas été renouvelé.

Ce genre de coopération n’est « plus possible » aujourd’hui, assure M. Omar.

De récentes restrictions commerciales rendent « illégal » l’achat d’un capteur d’air indien au Pakistan et traverser la frontière est « impossible » pour les chercheurs des deux pays avec des visas désormais délivrés au compte-gouttes.

Par ailleurs, il est difficile pour le Pakistan de s’aligner sur les politiques indiennes car, note M. Sathasivam, il y a « un déséquilibre de nature » entre Islamabad et New Delhi, dont le PIB était en 2023 dix fois supérieur à celui de son voisin.

Ainsi, si l’Inde a interdit dans sa capitale la circulation de véhicules de plus de quinze ans, Islamabad, qui a échappé à la faillite il y a deux ans, manque de moyens.

Sous perfusion de prêts internationaux, Islamabad peine à investir dans le renouvelable, renouveler son parc automobile ou développer des transports en commun.

Pour les habitants, les défis sont les mêmes des deux côtés de la frontière: près de la moitié d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.

Ils sont des centaines de millions à ne pas pouvoir se payer un purificateur d’air.

Et donc à vivre dans des logements à l’air vicié, responsable de milliers de morts prématurées chaque année, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

© Agence France-Presse

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