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L’appli pour demander l’asile aux Etats-Unis, cauchemardesque loterie pour les migrants

Demander l’asile aux Etats-Unis reposera en grande partie, à partir de vendredi, sur une application. Mais ce processus technologique apparaît déconnecté de la réalité dramatique de la frontière, où téléphones, wifi et électricité sont un luxe pour les migrants.

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L’application « CBP One » du Service des douanes et de la protection des frontières (CBP) a été conçue pour centraliser les demandes d’asile aux Etats-Unis. Mais les migrants entassés au Mexique pleurent de frustration face aux défauts de l’outil, noté 2,5 étoiles par les utilisateurs de la boutique Apple.

« C’est incroyable qu’une application décide pratiquement de nos vies et de notre avenir », se plaint à l’AFP Jeremy de Pablos, un Vénézuélien de 21 ans, qui campe depuis des semaines à Ciudad Juarez, ville mexicaine à la frontière avec le Texas.

M. de Pablos, qui a le teint foncé, raconte que le plus difficile est de franchir l’écueil de l’outil de reconnaissance faciale de l’application. « C’est le bingo, elle reconnaît qui elle veut bien reconnaître », soupire-t-il.

« Le vrai mur, c’est l’application. Pas celui-là », ajoute-t-il en désignant l’imposant mur qui serpente le long de la frontière américano-mexicaine.

Washington a lancé « CBP One » en janvier dans la perspective de la levée du « Titre 42 », la mesure sanitaire que Donald Trump avait utilisée pour fermer la frontière pendant la pandémie.

Le « Titre 42 », qui expirera jeudi à 23H59 heure de Washington (03H59 GMT vendredi), conférait la possibilité aux autorités américaines de refouler immédiatement tous les migrants entrés dans le pays, y compris les demandeurs d’asile. Des millions de personnes, expulsées en vertu de cette mesure, ont créé des campements improvisés au Mexique.

Les nouvelles règles, à partir de vendredi, imposent aux candidats à l’asile de demander au préalable un rendez-vous sur « CBP One », sous peine d’être refoulé.

Les autorités ont augmenté les quotas journaliers ainsi que les plages horaires pour s’inscrire sur « CBP One ». Reste que l’appli n’est pas accessible à tout le monde.

– Mobiles obsolètes ou cassés –

De nombreux migrants arrivent à la frontière au terme d’un voyage exténuant, dont sortir vivant relève de l’exploit. On leur vole leurs téléphones. Ou bien ils les perdent en traversant des rivières à la nage. La plupart ont des mobiles obsolètes ou endommagés.

Antonio Sánchez Ventura, arrivé à Ciudad Juarez avec son frère, raconte qu’il a été dépouillé de tout sur le chemin. Il vit dans la rue et se nourrit de dons. Son unique objectif à présent est de trouver l’argent pour acheter un téléphone et télécharger « CBP One ».

Les migrants qui attendent à Ciudad Juarez vivent souvent sous des tentes sans électricité. Ils rechargent leurs téléphones, dans des stations improvisées aux enchevêtrements précaires de fils. Ils consacrent leurs derniers deniers à acheter du crédit pour accéder à internet. Mais c’est là que commence la deuxième partie du défi.

« Regarde, c’est bloqué », peste Ronald Huerta, un Vénézuélien, incapable d’aller au-delà de la configuration linguistique de l’application.

Non loin de là, Ana Paola, 14 ans, pleure à chaudes larmes: une actualisation de l’appli a effacé toutes ses données ainsi que celles de sa famille.

– « J’en ai marre ! » –

« Je suis crevée! J’en ai marre! » sanglote l’adolescente tout en cliquant frénétiquement sur le bouton « envoi » pour recréer les profils de sa famille. Avec comme invariable réponse: « Erreur 500 ».

« C’est un cauchemar, un véritable supplice. Cette application nous mine émotionnellement et psychologiquement », ajoute son père, Juan Pavon, un commerçant qui a fui le Venezuela avec sa famille.

Pendant des semaines, son épouse s’est évertuée à demander des rendez-vous pour toute la famille sur « CBP One » à l’aide d’un vieil iPhone. Mais elle n’a finalement obtenu un créneau que pour elle et maintenant, la famille est séparée par la frontière.

A l’approche de la fin du « Titre 42 », l’inquiétude monte. Nombreux sont ceux qui perdent patience et passent illégalement aux États-Unis.

« J’ai attendu, attendu et attendu, mais j’en ai eu assez. Il n’y avait aucun moyen d’obtenir un rendez-vous », raconte Luis Quintana, un Vénézuélien qui a passé trois mois dans les rues de Ciudad Juarez et qui, frustré, a finalement décidé de se faufiler par un trou dans le mur vers El Paso, au Texas.

« Il est frustrant de constater que cette partie importante du processus est à la merci d’une technologie souvent défaillante et non accessible à tous », déplore Raul Pinto, avocat au Conseil américain de l’immigration.

Washington a annoncé cette semaine que l’application allait connaître des améliorations. « Nous espérons que cela résoudra quelques problèmes », dit M. Pinto. « Mais nous sommes très déçus qu’il n’y ait pas d’alternative pour que les gens puissent accéder à quelque chose d’aussi important et vital que la procédure de demande d’asile ».

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