Le Premier ministre indien Narendra Modi sera l’invité d’honneur d’Emmanuel Macron pour le 14 juillet, symbole d’une coopération croissante entre Paris et New Delhi qui essayent de jouer leur propre partition dans un concert des nations de plus en plus tendu et articulé autour de la rivalité Pékin-Washington.
Le géant indien est en première ligne face à la Chine avec qui elle a des relations compliquées et est adepte du multi-alignement diplomatique. La France, sous la houlette d’Emmanuel Macron, entend être un acteur de la zone Asie-Pacifique et se veut une passerelle entre l’Occident libéral et la majorité des autres nations.
Les deux puissances nucléaires sont liées par un partenariat stratégique vieux de 25 ans, bâti notamment autour de la coopération en matière de défense, illustrée par l’achat de Rafale par New Delhi.
« J’ai hâte de voir mon ami le président Macron » a tweeté la semaine dernière Narendra Modi qui arrivera jeudi à Paris, quelques semaines après une visite d’Etat à Washington où il a vanté la force des relations entre les Etats-Unis et l’Inde et rejeté les critiques récurrentes sur son bilan en matière de droits et libertés.
De nombreuses ONG ainsi que l’ONU accusent le gouvernement Modi de dérive autoritaire et de répression contre les musulmans.
Il dînera deux fois avec Emmanuel Macron, dont un dîner officiel vendredi soir dans le musée de Louvre avec des centaines d’invités le soir de la fête nationale.
Il sera aussi l’invité d’honneur du défilé militaire, auquel participera un contingent indien, avec notamment trois Rafale.
Des annonces de contrat ou de partenariats économiques sont possibles, mais aucune source ne l’a garanti. Paris et New-Delhi discutent notamment de la vente de Rafale Marine – construit pour les porte-avions – et de sous-marins.
– « Incontournable » –
Pour le chercheur indien Manoj Joshi, cette visite « est importante dans le sens où l’Inde a une relation très importante avec la France, qui est sur la même ligne que le concept indien de multi-alignement », une doctrine diplomatique consistant à multiplier les partenaires pour chercher une approche équilibrée et sans faire automatiquement bloc derrière tel ou tel allié.
Ainsi, l’Inde a par exemple une position médiane sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie, discutant avec les deux belligérants, et ne sanctionne pas Moscou à qui elle achète beaucoup d’hydrocarbures.
La présidence française souligne « le caractère incontournable de l’Inde sur les grands enjeux mondiaux », rappelant que c’est la 5e puissance économique, la 1e puissance démographique, le 3e émetteur de gaz à effet de serre.
Il y a la « nécessité de pleinement les engager sur les grands enjeux mondiaux, a fortiori quand l’Inde a la présidence du G20 » comme actuellement, souligne l’Elysée.
Narendra Modi est donc un partenaire indispensable pour Emmanuel Macron dont le fil rouge en matière de politique étrangère est de s’afficher comme une puissance d’équilibre, un de ceux qui peut parler à toutes les parties.
A la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre dernier, Emmanuel Macron avait théorisé la nécessité de « bâtir un nouveau contrat entre le Nord et le Sud », pour éviter « la fracture du monde ».
L’Inde est aussi incontournable pour Paris qui veut active dans la zone Asie-Pacifique, où elle est présente par ses territoires d’outremer.
– « Stratégie indopacifique » –
« L’Inde est un pilier dans notre stratégie indopacifique qui repose sur la même ambition d’un espace libre, ouvert, où le droit international est pleinement respecté », souligne l’Elysée, en référence à la politique d’expansion chinoise, accusée par de nombreux pays de remettre en cause ces principes.
De son côté, New Delhi « voit la France comme un moteur important de la stratégie indopacifique de l’UE », où de nombreux pays membres n’ont qu’une vision assez vague des enjeux de cette zone cruciale pour l’économie mondiale, selon une source diplomatique indienne.
Mais l’Inde, la plus grande démocratie du monde est aussi dans le collimateur des défenseurs des droits.
« Le Premier ministre Modi et son parti s’en prennent systématiquement aux minorités, à la presse indépendante, aux opposants politiques ou aux organisations de défense de droits humains » a souligné Philippe Bolopion, pour Human Rights Watch.
« Une véritable relation stratégique entre les deux pays devrait s’appuyer sur des valeurs communes, telles que le respect de la démocratie et des droits humains », selon lui.