Deux ans après le début officiel de la pandémie de Covid 19, le monde s’approche-t-il enfin d’un retour à la normale ? Impossible de répondre, tant les incertitudes sont nombreuses, en premier lieu l’apparition de nouveaux variants.
– La fin de la pandémie ? –
« Le Covid-19 va continuer mais la fin de la pandémie est proche », avançait en janvier le chercheur américain Christopher Murray, spécialiste en santé mondiale, dans la revue The Lancet.
Ces propos résument l’état d’esprit des autorités sanitaires dans de multiples pays en ce début 2022, deux ans après que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a officiellement qualifié le Covid de pandémie.
En Europe, des pays comme le Danemark et le Royaume-Uni ont levé l’essentiel de leurs restrictions: port obligatoire du masque, isolement imposé des malades, pass sanitaires…
L’idée, c’est de pouvoir désormais « vivre avec » le coronavirus, car il est bien moins létal qu’à ses débuts grâce à l’efficacité des vaccins et à l’émergence récente du variant Omicron, moins dangereux que de précédentes incarnations.
Ce serait potentiellement la fin de la pandémie ou, du moins, de sa « phase aiguë » selon les termes de l’OMS, qui juge cette issue possible pour le milieu de l’année.
Un terme revient désormais souvent dans les discours publics: le passage en phase « endémique », c’est-à-dire une situation où le virus continue à circuler mais où le nombre de cas reste à peu près stable.
Mais la notion reste floue et certains scientifiques craignent qu’elle ne serve à justifier un relâchement excessif.
« Une maladie peut être endémique et rester à la fois meurtrière et très répandue », prévenait fin janvier le virologue Aris Katzourakis dans la revue Nature, citant le paludisme et la tuberculose.
– Quels scénarios ? –
Le débat sur le caractère « pandémique » ou « endémique » du cru 2022 du Covid est trop binaire pour rendre compte du panel de scénarios possibles. Les épidémiologistes en retiennent au moins trois ou quatre.
Ainsi, le Conseil scientifique britannique a détaillé en février quatre cas de figure pour les années à venir.
Le plus optimiste imagine seulement de petites épidémies locales de Covid, qui tendraient à prendre le pas sur la grippe saisonnière. A l’inverse, le scénario du pire évoque des vagues particulièrement meurtrières, nécessitant le retour de restrictions conséquentes.
Cet éventail de scénarios dépend principalement de deux incertitudes: l’émergence de nouveaux variants, plus ou moins dangereux, et la capacité des vaccins à protéger durablement contre la maladie.
La question des variants explique que nombre d’épidémiologistes redoutent le « vivre avec » et recommandent de chercher à éviter au maximum la circulation du virus, même si la stratégie dite du « zéro Covid » apparaît désormais largement irréaliste vu la grande contagiosité d’Omicron.
Ils pointent qu’une forte circulation donne plus de chance au virus de muter en nouvelles incarnations, sans que l’on puisse prévoir à quel point celles-ci seront meurtrières.
« On entend souvent l’idée, idyllique mais fausse, que les virus deviennent de moins en moins dangereux au fil du temps », note M. Katzourakis. « Ce n’est pas le cas: rien ne prédestine un virus à évoluer (ainsi). »
– Quelle place pour les vaccins? –
C’est l’autre grande inconnue. Les vaccins anti-Covid ont largement contribué à rendre moins dangereuses les vagues épidémiques, mais garderont-ils cette efficacité?
L’apparition d’Omicron sonne comme un avertissement et un test. Le variant échappe en partie aux vaccins existants, guère efficaces pour empêcher l’infection. Certes, et c’est l’essentiel, ils continuent à largement empêcher les formes graves, mais cette perte d’efficacité sème le doute sur la stratégie de vaccination à venir.
Multiplier dès maintenant les rappels réguliers à partir des vaccins initiaux ? La « troisième dose », qui a démontré son intérêt pour relancer l’efficacité des vaccins, s’est généralisée dans de nombreux pays.
Mais la « quatrième », à l’intérêt nettement plus douteux, n’est recommandée jusqu’alors que dans de rares endroits, comme la Suède, et beaucoup d’experts émettent des doutes quant à des rappels à répétition, y voyant une stratégie à courte vue.
Faut-il plutôt chercher à adapter les vaccins à chaque nouveau variant dominant ? C’était la promesse de l’ARN messager, une technologie novatrice derrière les premiers vaccins anti-Covid, ceux de Pfizer/BioNTech et Moderna.
Elle était censée permettre, par sa souplesse, l’adaptation très rapide des vaccins. Mais, dans les faits, rien n’est encore sorti des laboratoires, alors que les vagues Omicron sont déjà bien installées.
Les tout premiers résultats, extrêmement préalables car observés sur des animaux et non relus de manière indépendante, ne laissent pas penser que ces vaccins actualisés soient plus efficaces que leurs prédécesseurs.
Reste une piste prometteuse: développer des vaccins visant plus large et résistant à l’apparition de nouveaux variants, voire capables de protéger contre d’autres coronavirus que celui derrière le Covid-19.
« Nous devons dès maintenant donner la priorité au développement de vaccins à la protection très large », ont estimé dans le New England Journal of Medicine plusieurs chercheurs dont Anthony Fauci, principal conseiller de la Maison Blanche dans la lutte contre la pandémie.
Néanmoins, de tels vaccins se heurtent à d’importants défis scientifiques et les premiers projets viennent à peine d’entamer leurs essais cliniques.
En attendant, les épidémiologistes insistent sur l’urgence de partager les doses existantes avec les pays où la vaccination est encore peu avancée, afin d’éviter le déclenchement de nouveaux foyers épidémiques dans le monde.
Dernière interrogation, parallèle aux vaccins: le rôle des traitements, comme la pilule Paxlovid de Pfizer. Elle va « faire diminuer de manière spectaculaire les hospitalisations et les décès », a promis en janvier le président américain Joe Biden, mais ses effets concrets sur la pandémie restent à évaluer.