Une page de l’histoire d’Internet se tourne: Jeff Bezos, le fondateur emblématique d’une librairie en ligne devenue géante des technologies, a annoncé mardi qu’il céderait cette année le rôle de directeur général d’Amazon tout en restant président de son conseil d’administration.
Jeffrey Preston Bezos, au coude-à-coude pour le titre d’homme le plus riche du monde avec le patron de Tesla Elon Musk, donnera les rênes au troisième trimestre à Andy Jassy, actuellement chef de la branche de cloud du groupe (AWS).
Le multimilliardaire américain ne prend cependant pas sa retraite, a-t-il insisté dans une lettre à ses employés – soit 1,3 million de personnes dans le monde.
« Je resterai engagé dans les grandes décisions d’Amazon », a-t-il écrit, tout en ayant « le temps et l’énergie » pour se concentrer sur ses activités philanthropiques, le Day One Fund et le Earth Fund, sa société aérospatiale Blue Origin et le quotidien Washington Post qu’il a racheté en 2013.
Jeff Bezos a créé Amazon il y a 27 ans, dans un garage. « La question qu’on me posait le plus souvent à l’époque c’était +C’est quoi Internet ?+ », raconte-t-il.
L’entreprise s’est diversifiée dans le commerce électronique en général. Elle a forcé le reste du marché à accélérer les temps de livraison, jusqu’à la promesse de recevoir son colis en moins de 24 heures.
Elle est devenue une des vitrines incontournable d’Internet, mais aussi une part essentielle de l’infrastructure du réseau avec ses serveurs qui hébergent des données et des services pour des entreprises majeures, dont Netflix.
– Onde de choc –
Elle a percé dans la robotique et l’intelligence artificielle, et s’est invitée dans les foyers, avec des plateformes de divertissement, des télévisions et des enceintes et caméras connectées auxquelles s’adressent des millions de personnes en un mot-clé: « Alexa ».
En Bourse, elle vaut quelque 1.690 milliards de dollars, dix fois plus qu’il y a dix ans.
« Amazon est (la société) qu’elle est grâce aux inventions », a déclaré Jeff Bezos. « Si vous vous y prenez bien, quelques années après une invention surprenante, les choses nouvelles deviennent normales. Les gens bâillent. C’est le plus grand compliment qu’un inventeur puisse recevoir ».
« Amazon n’a jamais été aussi inventive, c’est donc un moment idéal pour cette transition », a-t-il affirmé.
« Le départ de Bezos comme directeur général va provoquer une onde de choc dans le monde de la tech », a réagi l’analyste Dan Ives de Wedbush. « C’est un titan du secteur. Il va laisser une marque indélébile qui a changé le monde ».
Cette annonce intervient alors qu’Amazon sort largement renforcé d’une année de pandémie qui a fait exploser le commerce en ligne et les besoins en cloud (informatique à distance).
En 2020, le groupe de Seattle a généré plus de 386 milliards de dollars de chiffre d’affaires, dont il a tiré un bénéfice net de 21,3 milliards, près du double de 2019.
– Cloud et nuages –
Le futur patron Andy Jassy a rejoint Amazon lorsque l’entreprise était encore dans sa phase de décollage, en 1997, comme directeur du marketing.
Il y a fondé Amazon Web Services en 2003. La branche de cloud, moins connue du grand public, est devenue l’une des plus profitables du groupe qui domine ce marché mondial, devant Microsoft et Google.
« Alors qu’Amazon se concentre sur ce secteur et ses batailles contre Microsoft, le fait qu’Andy prenne les manettes indique le début d’un nouveau chapitre dans la course au cloud », a commenté Dan Ives.
Andy Jassy va aussi devoir faire face à de nombreux défis et controverses.
Amazon et les autres colosses de la tech sont dans le collimateur des autorités américaines et d’ailleurs, qui les accusent d’abus de position dominante, surtout après une année où leur pouvoir a été exacerbé par le coronavirus.
Et le deuxième plus important employeur américain (800.000 personnes) est régulièrement critiqué pour les conditions de travail dans les entrepôts et du côté des livraisons, malgré un salaire minimum garanti de 15 dollars par heure.
« Les travailleurs s’expriment, font grève et s’organisent contre des conditions de travail misérables, malgré les tentatives d’Amazon de les réduire au silence », a réagi Maurice BP-Weeks, un des directeurs d’Athena, un collectif d’associations anti-Amazon.
« Les communautés qui vivent dans l’ombre des entrepôts exigent qu’Amazon réduise drastiquement ses émissions de gaz toxiques. Les petites entreprises font plus que jamais alliance pour contrer ses pratique anti-concurrentielles », a-t-il continué.
Des critiques que Jeff Bezos a balayées à plusieurs reprises, préfèrant mettre en avant son engagement en faveur de la lutte contre le changement climatique. Fin 2019, il a notamment promis qu’Amazon atteindra la neutralité carbone en 2040.
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