Le géant technologique chinois Huawei a dévoilé mardi son premier smartphone équipé d’un système d’exploitation entièrement développé en interne, une étape cruciale dans sa volonté de contrebalancer la domination des leaders technologiques étrangers.
Mais Huawei cherche à inverser la tendance avec une nouvelle série de téléphones « Mate 70 », équipés de son système d’exploitation HarmonyOS Next.
Ce lancement marque un tournant majeur pour la firme, un temps paralysée par des sanctions américaines, mais dont les ventes ont rebondi depuis deux ans.
« Aujourd’hui, le très attendu Mate 70, le plus puissant jamais vu, est ici », a annoncé mardi Richard Yu, président de la branche grand public de l’entreprise, lors d’une conférence du groupe depuis son siège de Shenzhen (sud de la Chine).
Plus de trois millions d’appareils ont déjà été précommandés, selon la plateforme de vente en ligne de Huawei, bien que cela ne signifie pas nécessairement qu’ils aient été achetés. La vente débute officiellement ce mardi soir en Chine.
Huawei est au coeur des rivalités technologiques entre la Chine et les Etats-Unis, qui affirment, sans preuve, que les équipements chinois pourraient être utilisés à des fins d’espionnage. Ces accusations sont fermement démenties par Pékin.
Depuis 2019, les sanctions américaines ont durement frappé la production de téléphones de Huawei, interdisant notamment au groupe l’utilisation de technologies et de composants américains.
– Attentes « considérables » –
Ce bras de fer devrait s’intensifier avec le retour à la Maison Blanche de Donald Trump. Le magnat républicain a promis d’augmenter drastiquement les droits de douane sur les produits chinois importés, en réponse à des pratiques commerciales qu’il juge déloyales.
« Cette tendance à l’autosuffisance au sein du secteur technologique chinois a rendu possible les progrès de Huawei », affirme Toby Zhu, analyste au cabinet d’études de marché Canalys.
Selon lui, le succès de ce nouveau produit sera un indicateur clé pour savoir si les efforts du groupe ont payé.
« Cette nouvelle génération de produits ne peut pas se permettre de manquer le coche, car les attentes sont considérables », ajoute l’analyste.
Huawei était le plus grand fabricant chinois de smartphones jusqu’à l’éruption du conflit technologique entre Pékin et Washington.
Au troisième trimestre 2024, Huawei ne représentait plus que 16% des ventes sur le marché chinois, pour moins de 11 million d’unités vendues, selon un rapport de Canalys.
En septembre, la firme a dévoilé le premier téléphone au monde pliable en trois, le Mate XT, vendu pour l’équivalent d’environ 2.670 euros.
Le nouveau smartphone Mate 70 est lui proposé à un prix de départ bien plus abordable, à 758 dollars (721 euros), a annoncé mardi Huawei.
Contrairement aux versions précédentes, conçues avec support Android, HarmonyOS Next nécessite toutefois l’adaptation des applications à ce nouveau système d’exploitation.
– Applis à adapter –
« Les entreprises chinoises sont prêtes à investir pour contribuer à ce nouvel écosystème Huawei, mais la capacité d’HarmonyOS à fournir le même nombre d’applications et de fonctionnalités aux consommateurs du monde entier reste un défi », juge Gary Ng.
Huawei a annoncé que les acheteurs du Mate 70 auront le choix d’utiliser ou non la nouvelle version HarmonyOS Next.
De « nombreuses » applications disponibles sur la plateforme sont déjà mises à jour quotidiennement, a affirmé Richard Yu lors de la cérémonie de lancement.
« Nous pensons que d’ici deux ou trois mois, l’expérience utilisateur des applications de l’écosystème HarmonyOS sera encore plus mature et plus complète », a-t-il ajouté.
Mais il n’est pas certain que tous les concepteurs d’applications acceptent d’investir des sommes, souvent considérables, pour créer de nouvelles versions compatibles avec HarmonyOS, souligne auprès de l’AFP Rich Bishop, dirigeant de AppInChina, qui adapte des logiciels étrangers pour le marché chinois.
Pour les convaincre, « Huawei devra améliorer en permanence son logiciel, fournir une assistance de meilleure qualité aux développeurs et convaincre la communauté de développeurs qu’elle est déterminée à s’engager sur le long terme pour développer l’écosystème HarmonyOS », affirme Paul Triolo, responsable des politiques technologiques et de la Chine au cabinet de conseil Albright Stonebridge Group.
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