Trois familles habitant l’est de l’île ont été touchées par un brutal coup du sort et se retrouvent réunies dans la douleur la plus extrême. Elles ont perdu trois fils pleins de vie et d’ambitions de manière tragique. Leur quotidien a basculé le mercredi 5 décembre quand la voiture immatriculée C98, à bord de laquelle se trouvaient les trois victimes et une jeune fille, a violemment heurté un 4×4 dans un choc frontal sur l’artère principale de Roches-Noires. Admis aux soins intensifs de l’hôpital de Flacq, les trois amis – Krish Errappa, 18 ans, de Médine Camp de Masque, Avinav Mahadowa, 20 ans, de Petit Verger Saint Pierre, et Kheel Mohith, 18 ans, de L’Avenir St Pierre – ont, l’un après l’autre, rendu l’âme sur leurs lits d’hôpital, laissant derrière eux des proches désemparés.
Du côté de la famille Mahadowa, l’on arrive difficilement à concilier les événements récents, la mort d’Avinav étant survenue tard dans la soirée de mardi à l’hôpital de Flacq. Les visages meurtris par ce deuil qui les afflige, les proches parents du jeune homme de 20 ans, qui projetait de faire carrière dans l’informatique et la technologie, se souviendront encore longtemps de la dernière fois où ils ont vu Avinav en pleine possession de ses moyens et, surtout, de cette conversation du mercredi 5 décembre. « Ce matin-là, il nous avait simplement informés qu’il se rendait à la plage avec ses amis. Me nu pa ti kone ki kamarad, ki la mer ek kouma li ti pe alé! Il revenait de la gym pour se préparer pour cette sortie avec ses amis. Sa petite soeur le taquinait en demandant qui étaient ces amis, mais il n’a pas répondu et a quitté la maison tranquillement en disant: dir papi mo pe ale la mer! », racontent sa mère Sangeeta et son cousin Keshav présenté comme « enn frer ».
L’entourage d’Avinav était rongé par l’inquiétude quand ce dernier ne donna aucun signe de vie alors que l’horloge indiquait 19h passées. La famille tenta de se rassurer en appelant sur le téléphone portable d’Avinav. Premier signe de panique: le téléphone est éteint. C’est par le biais de l’oncle d’une des trois victimes, Kheel Mohith, que les Mahadowa prennent connaissance que l’un des leurs est impliqué dans un grave accident avant d’avoir la confirmation plus tard qu’il est dans un état critique. « ll avait eu de graves blessures principalement à la tête et en partie sur le bras. Le médecin nous avait affirmé qu’il n’avait que 5% de chances de survivre », raconte Sangeeta, qui s’est agrippée durant ces deux dernières semaines à l’espoir que son fils s’en sorte. Mais le miracle tant attendu ne s’est pas produit.
Il est 23h10, mardi soir, quand le monde de Sangeeta s’écroule. « Kan monn tann ki mo garson ine mort, monn ress sek! Ziska ler, mo pa pe oule krwar ki fine arrivé. J’ai vraiment du mal à accepter sa mort car ce soir-là, une heure plus tôt, j’étais à son chevet à l’hôpital. Il est parti tellement vite! Mo finn gagne telman sok ki mo larme pann sorti. Li mari difisil kan perdi enn zenfan. Sak fwa mo pass kot so lasam, mo ena limpression ki li enkor la, ki li pe dormi… », poursuit cette enseignante de profession qui tente d’imaginer ce que sera dorénavant son quotidien sans son fils.
Le rêve d’Avinav Mahadowa, étudiant au Mauritius Institute of Training Development (MITD), s’est volatilisé. Le jeune homme avait l’ambition de créer sa propre entreprise, après avoir complété ses études, pour faire la fierté de sa famille. Hélas, il laisse derrière lui des parents effondrés et deux soeurs en état de choc.
« Enn choc zamai nu ti attan »
Chez la famille Errappa, à Médine Camp de Masque, on fait tout pour être digne dans la douleur. « Enn choc ki zamai nou ti attan », lâche Ravin Errappa, le père de Krish, 18 ans, qui fut le premier à succomber à ses blessures, le 8 décembre, à l’hôpital de Flacq. L’allure chic, Ravin Errappa, Technical Manager qui a repris le travail depuis deux jours à la Compagnie Mauricienne de Textile (CMT), à Phoenix, est ployé sous un fardeau que son épouse Chaya et lui connaissent. Une douleur sourde où les mots semblent insignifiants. Cette famille s’est livrée à Week-End dans un entretien, vendredi soir, à leur domicile. « Je n’arrive toujours pas à accepter le départ de mon fils. Nous étions tellement proches. Lorsque je revenais du travail, il s’agrippait à moi, malgré son âge. Krish était aussi proche de sa mère. Lorsqu’il marchait dans la rue, l’on n’aurait jamais dit mère et fils », dit Ravin d’une voix monocorde cassée par des silences prolongés. « Mon fils avait un coeur en or », ajoute doucement Chaya, 40 ans, qui, depuis ce drame, s’agrippe au soutien de sa mère, venue de Flacq pour la soutenir dans cette douloureuse épreuve.
Cette journée du 5 décembre avait pourtant bien débuté avec les deux parents devant rejoindre Krish à Rose-Hill, après avoir récupéré les résultats de leur benjamin au SSS Ebène. « On devait payer ses cours en informatique à CISCO, car il devait commencer en janvier. C’était son rêve d’être informaticien », regrette Ravin. Un rêve désormais inaccessible…
Après plusieurs tentatives pour joindre son fils aîné au téléphone, le père entend quelqu’un, à l’autre bout du cellulaire de son fils, qui lui apprend que Krish a fait un grave accident. « Cet inconnu m’a demandé de venir de toute urgence à l’hôpital du Nord mais, une fois sur place, on m’a dirigé vers l’hôpital de Flacq », raconte-t-il. Le spectacle qui offrit à ses yeux était effroyable: « Les trois autres blessés gisaient inconscients sur des civières. Mon fils était dans une autre salle et était, lui aussi, inconscient. Je lui ai pris la main, priant pour qu’il s’en sorte (…) À tour de rôle, ils ont été ensuite transportés à l’hôpital du Nord pour faire des tests plus poussés. Mon fils a été le dernier à être acheminé vers cet établissement hospitalier pour cause d’indisponibilité du SAMU. Il a été conduit vers 17h alors que l’accident s’était produit bien des heures avant. Mes tentatives de le transférer dans un établissement privé se sont avérées vaines », confie Ravin Errappa.
Depuis, ce père brisé devait vivre des journées interminables avec son fils luttant, sur son lit d’hôpital, entre la vie et la mort. « Nous avons vécu dans l’angoisse et la peur. Nous appréhendions les allées et venues des véhicules. Nous craignions les coups de téléphone. À certains moments, l’épreuve était tellement angoissante que nous avons craqué. » Et puis, aux petites heures du matin de samedi à dimanche derniers, l’inéluctable s’est produit. « Après avoir longtemps pleuré et s’étant assoupie, mon épouse a été brusquement réveillée par le bruit de moteur d’un véhicule. Elle m’a demandé d’aller voir et en apercevant un véhicule de la Police, j’ai tout compris. La douleur et le choc étaient tellement profonds que tous les membres de ma famille ont fondu en larmes. »
Enfant unique
Pour la famille Mohith, à L’Avenir Saint-Pierre, la douleur est si insupportable que les proches de la victime, Kheel, 18 ans, ont préféré ne pas accorder d’entretien en direct à Week-End. Seule une tante du jeune homme, d’une voix enrouée, confie par téléphone que la vie ne sera plus jamais la même. « Nous sommes effondrés devant ce drame. Nous ne pouvons expliquer la douleur que nous ressentons et rien ne pourra remplacer Kheel d’autant qu’il était l’enfant unique de ses parents. Il était quelqu’un de bien. Il suivait des cours en Web Design et voulait créer sa propre entreprise. » Le destin en aura décidé autrement.
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