• À 27 ans, il laisse derrière lui un bébé de quatre mois. Sa famille, bouleversée, réclame des réponses
« Mersi pa, to’nn kit mwa ! » Ce sont les derniers mots prononcés par Brian Dorine à son père qui l’avait déposé au lieu du passage de son transport pour se rendre à son poste au centre de plongée de l’hôtel Le Méridien, à Pointe-aux-Piments. Personne ne pouvait imaginer que cette simple phrase d’au revoir résonnerait quelques heures plus tard comme un ultime remerciement à son père, un adieu, sans le savoir. Le jeune aide-plongeur a perdu la vie dans des circonstances tragiques, jeudi 20 mars, après l’explosion d’une bouteille d’oxygène qu’il était en train de remplir.
La nouvelle a frappé la famille Dorine comme la foudre. Brian, originaire de Curepipe, laisse derrière lui une compagne effondrée et un bébé de quatre mois à peine. Son père, Michael Dorine, est encore sous le choc. La veille du drame, Brian était rentré à la maison comme à l’accoutumée. « Il est arrivé vers 16h30. Il était de bonne humeur, il nous faisait tous rire. Wadire dernie kitsoz li’nn fer se fer nou riye apre nou pa pou trouv li ankor », confie-t-il, les larmes dans la voix.
Une explosion dans une salle exiguë
L’accident s’est produit vers 10h20, dans une salle des compresseurs située dans l’enceinte de l’hôtel, plus précisément au niveau du « Boat-House », où sont basées les activités nautiques. Selon les informations préliminaires recueillies par la police, Brian Dorine remplissait une bouteille d’oxygène à l’aide d’un compresseur lorsque l’explosion s’est produite. Le choc a été d’une violence extrême. Le personnel de sécurité de l’hôtel, alerté par le bruit, a découvert le corps sans vie de Brian dans la pièce.
Cette salle, d’une superficie d’environ 2,5 mètres sur 3,5 mètres, est construite en blocs de béton et couverte d’un toit en tôle. L’explosion a causé d’importants dégâts : une partie de la tôle a été arrachée et projetée vers le haut, témoignant de la puissance de l’onde de choc. À proximité immédiate du lieu du drame, les enquêteurs ont découvert un compresseur d’air de marque Bamer, modèle Mariner 250, de couleur bleue, qui aurait été utilisé pour remplir la bouteille.
Transporté en urgence dans un centre médical après l’intervention des services de secours, Brian a été déclaré mort à son arrivée.
Un centre de plongée sous-traité
La direction de l’hôtel Le Méridien a publié un communiqué peu après l’accident. Elle affirme avoir immédiatement pris les mesures d’urgence nécessaires et rappelle que toutes les activités nautiques proposées dans l’enceinte de l’établissement ne sont pas directement opérées par l’hôtel lui-même. Ces services sont sous-traités à des prestataires externes. Le centre de plongée où travaillait Brian est géré par la société Blue World Explorer, selon les informations communiquées à la presse. La direction de l’hôtel n’a pas souhaité faire davantage de commentaires, renvoyant les questions spécifiques à la société exploitant le centre.
Une passion devenue fatalité
Brian Dorine travaillait depuis quelque temps déjà dans le secteur de la plongée, un métier qu’il exerçait avec passion. Malgré les mises en garde répétées de sa mère, inquiète des dangers liés à cette activité, il avait choisi de persévérer. Pour lui, la mer n’était pas qu’un gagne-pain — c’était un mode de vie. Aujourd’hui, sa famille peine à accepter cette réalité cruelle.
Son père, dévasté, pointe du doigt les lacunes potentielles en matière de sécurité. Il s’interroge sur l’entretien du matériel utilisé quotidiennement et sur le respect des protocoles de sécurité. « Ki ti pou arive si sa boutey-la ti pete pli pre avek lezot dimounn otour ? Zot bizin pran sa serye », insiste-t-il.
Une enquête pour faire la lumière
Une autopsie a été pratiquée le jour même à la morgue de l’hôpital Jeetoo par le Dr Jankee-Parsad. Elle a conclu que Brian est décédé des suites d’un choc causé par de multiples blessures, consécutives à l’explosion. Le corps a ensuite été remis à la famille pour les funérailles, qui se sont déroulées dans une atmosphère de profonde douleur.
Les autorités ont ouvert une enquête pour déterminer les causes exactes de l’accident. Plusieurs experts, dont des techniciens en explosifs, des agents du Health & Safety et des officiers du poste de police de Trou-aux-Biches, ont été mobilisés. L’objectif : comprendre si les normes de sécurité étaient respectées, et s’il y a eu négligence de la part de l’opérateur du centre de plongée.
Les inspecteurs ont également saisi le compresseur utilisé le jour de l’explosion, afin qu’il soit examiné en laboratoire. Ils chercheront à établir si un défaut technique, un mauvais entretien ou une erreur humaine a pu provoquer le drame.
Une famille dans l’attente
Alors que l’enquête suit son cours, la famille Dorine attend des réponses. « Mo pa anvi ki sa ariv enn lot zenn ankor. Nou bizin kone kisannla responsab », clame Michael Dorine. La douleur est immense, mais elle se double d’un sentiment d’injustice. Comment une simple journée de travail a-t-elle pu se transformer en cauchemar ?
Pour la compagne de Brian, le monde s’est arrêté. Leur bébé, âgé de quatre mois, grandira sans connaître son père. Une tragédie familiale mais aussi humaine, qui soulève des questions essentielles sur la sécurité au travail et la responsabilité des entreprises dans la prévention des risques.
L’explosion au centre de plongée du Méridien pourrait bien marquer un tournant. Si des manquements sont avérés, il ne s’agira pas seulement de pleurer la perte d’un jeune homme. Il faudra aussi en tirer des leçons pour éviter que d’autres vies ne soient brisées.