Enquête judiciaire sur la mort de Pravin Kanakiah : Du suicide suspect au soupçon de meurtre…

L’enquête judiciaire sur la mort de Pravin Kanakiah, ancien Procurement Officer du ministère des Finances, est entrée dans sa phase cruciale. Trois ans après la découverte de son cadavre à Bain-des-Négresses, le 11 décembre 2020, le scénario initial d’un suicide est aujourd’hui sérieusement remis en question. À travers plus de vingt audiences, l’enquête a mis à nu une série de déclarations contradictoires, de méthodes policières douteuses, de zones d’ombre, et de révélations troublantes liées à l’environnement professionnel, personnel et politique de la victime.

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Le 11 décembre 2020, le corps de Pravin Kanakiah est repêché à Souillac. Il est retrouvé en mer, à la Roche-qui-Pleure, vêtu uniquement d’un pantalon et d’une chaussure. Sa voiture avait été retrouvée à Réduit, près de son lieu de travail, avec aucune trace de ses effets personnels.

Une autopsie initiale, menée par le Chief Police Medical Officer, Dr Sudesh Kumar Gungadin, conclut à une hémorragie intracrânienne aiguë. Aucune trace de noyade. Le médecin légiste précise : “La mort est survenue avant que l’eau n’envahisse ses poumons.”
Dès la première audience le 19 septembre 2023, le ton est donné. Trois policiers sont appelés à identifier les “Exhibits”. Me Rama Valayden, avocat de la famille, qui a toujours rejeté la thèse de suicide, annonce d’entrée qu’il reste 46 témoins à entendre.

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Le constable Kisoon, l’un des premiers sur place, reconnaît n’avoir consigné aucune entrée dans le registre de la National Coast Guard (NCG) lors de la découverte du corps. Il affirme avoir reçu un appel anonyme, puis alerté ses supérieurs, sans suivi administratif.
Le pêcheur Dhananjay Ruttoo décrit un corps flottant avec des marques visibles : « Ti ena bann mark grife lor li, koumadir koray inn grif li ». Déjà, le doute plane.

Le témoin central : le sergent Tapsee
Mais c’est le témoignage du Sergent Tapsee qui fait basculer l’enquête. Il affirme avoir vu Pravin Kanakiah, seul et debout à la Roche-qui-Pleure la veille de sa mort. Pas de signes de détresse, pas de sac à dos. Or, l’employée Oushna Sookeea, collègue du défunt, déclare l’avoir vu le même jour à Réduit, portant une chemise blanche et un sac.
Tapsee reçoit plus tard une photo du cadavre sur WhatsApp, mais affirme ne plus se souvenir de qui la lui a envoyée. Il aurait perdu son téléphone au Piton de la Petite Rivière Noire. Invoquant des menaces, il ne signale jamais cet incident.

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Safe City : preuves vidéo ou alibi technologique ?
Constable Seedanie, chargé de visionner les caméras Safe City, affirme avoir passé en revue 130 heures de vidéo en 7 heures. Sous l’interrogatoire de Me Valayden et de la magistrate Ameerah Dhunoo, il avoue avoir utilisé le mode “fast forward”, sans zoom, et reconnaît qu’à grande distance, les visages ne sont pas reconnaissables.
Il ajoute avoir choisi cinq caméras sur la trentaine installées entre Souillac et Gris-Gris, selon les instructions de l’inspecteur Rughoonundhun. Me Bissessur, du DPP, et la magistrate soulignent l’impossibilité d’une identification fiable dans ces conditions.

Des pressions professionnelles et un contexte financier
Plusieurs supérieurs de Kanakiah, dont Prakash Babeea et Ranjeet Nundloll, affirment qu’il n’était soumis à aucune pression inhabituelle. Pourtant, il était impliqué dans les achats pharmaceutiques durant la pandémie et faisait l’objet d’un transfert controversé. Sa veuve, Reshmee Kanakiah, affirme qu’il était stressé et reçu un appel d’une “gran madam” la veille de sa mort.

L’aspect financier entre aussi en jeu : un prêt de Rs 3,2 millions, remboursé par l’assurance quatre jours après le décès. La famille avait déjà entamé des démarches à la SBM. Me Bissessur soulève la rapidité suspecte de la réclamation. La veuve affirme ne pas avoir compris les clauses en cas de suicide.

Deux autopsies, une même conclusion : meurtre possible
Dr Gungadin affirme que la mort n’est pas due à la noyade, mais à un traumatisme crânien, causé par un impact violent. Il écarte la thèse d’une blessure auto-infligée. Le Dr Satish Boolell, appelé comme expert indépendant, corrobore ses conclusions et va plus loin : un simple coup bien porté, même sans fracture visible, aurait pu entraîner une hémorragie fatale.

Aucune contre-autopsie n’a été pratiquée, Boolell n’ayant pas reçu de mandat formel. Il critique l’organisation de l’enquête et se heurte à la magistrate lors d’une audience tendue.
La magistrate Ameerah Dhunoo joue un rôle central. Ferme, incisive, elle recadre témoins et policiers, exigeant précision et cohérence. Lors des auditions de Seedanie, Kisoon, ou encore du haut gradé de la NCG Seewoosaha, elle n’hésite pas à pointer les absurdités et les procédures douteuses.

Son attitude tranche avec une police perçue comme complaisante ou inefficace. Elle met aussi en garde contre les témoins absents ou réticents, n’excluant pas des sanctions.

Des avocats combatifs face au silence de l’État

Face au DPP, représenté par Me Damodar Bissessur, rigoureux et technique, les avocats de la famille Kanakiah, menés par Me Rama Valayden et les Avengers (Me Teeluckdharry, Me Goodary), adoptent une stratégie frontale. Ils dénoncent des irrégularités, une possible couverture politique, et revendiquent la transparence.

Me Valayden est le plus vocal, affirmant publiquement que Pravin Kanakiah a été enlevé, assassiné, et jeté à la mer. Il pointe la défaillance du Safe City Network et des services de police, allant jusqu’à comparer cette affaire au cas Kistnen.
Après 24 séances, la version du suicide s’effrite. L’autopsie, les incohérences policières, les pressions professionnelles, les démarches hâtives pour l’assurance et les témoignages de la famille orientent l’enquête vers un acte criminel. Ce que martèle Rama Valayden depuis la mort de ce fonctionnaire sans histoire.

La prochaine audience est fixée au 2 avril 2025. Elle pourrait être décisive. Pour la famille de Pravin Kanakiah et pour l’opinion publique, une seule attente subsiste : que justice soit faite et que les responsables, quels qu’ils soient, répondent enfin de leurs actes.

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