La campagne pour les prochaines élections générales, dont le départ officiel n’a pas été encore donné, vu que l’Assemblée nationale siège toujours avec un Speaker à trois séances suite au Deal Papa-Piti par Linpost, semble être hantée par un facteur mais avec de multiples ramifications. Les événements intervenus entre le vendredi 16 octobre 2020 et le lundi 19 octobre de la même année, et géographiquement entre l’arrêt d’autobus de la magistrature de Rose-Hill et ce champ de cannes à Telfair, Moka, transitant par La Louise, demeurent toujours un mystère. Bientôt trois ans et dix mois, l’enquête de la police, notamment de la Major Crime Investigation Team (MCIT), initiée en vue d’élucider le mystère du meurtre de Soopramanien Kistnen, alias Kaya, âgé de 52 ans, chef agent du Premier ministre, Pravind Jugnauth, et de ses deux colistiers, la vice-Première ministre et ministre de l’Education, Leela Devi Dookun-Luchoomin, et l’ancien ministre Yogida Sawmynaden, à Quartier-Militaire/Moka (No 8), demeure entier. Aucun suspect de ce crime, commis littéralement en plein jour, n’a été identifié.
Depuis mercredi dernier, Vishal Shibchurn, un ancien du sérail du MSM dans le Sud de l’île, actuellement en détention à la prison de haute sécurité de La Bastille, est venu jeter un pavé dans la mare. Sous la forme d’un affidavit de 12 pages, soit la troisième tentative de verser des éléments d’informations dans le dossier à charge, il est venu relancer le débat au sujet du cas Kistnen avec un complément ténébreux autour de l’assassinat de Manan Fakoo, abattu par coups de feu devant son domicile à la rue Dr Reid, Beau-Bassin, dans la soirée du 20 janvier 2021. La version révélée par le dénommé Shibchurn établit une relation de cause à effet entre ces deux meurtres à relent de crime commandité.
Kistnen Papers
Dans la conjoncture, une première certitude : le meurtre non-résolu (Cold Case) de Kaya Kistnen se présente en toile de fond de la campagne électorale, soit l’ombre du chef agent du MSM au No 8 planant avec l’alliance PTr-MMM-ND de l’opposition, annonçant la couleur dès dimanche prochain avec le meeting se déroulant à La Louise et cette même affaire reprise en boucle lors de différentes étapes menant au prochain scrutin pour les
législatives.
Du côté de l’Hôtel du Gouvernement, le mood est à la contre-offensive en ironisant, dans un premier temps, que Vishal Shibchurn aurait pu accompagner Manan Fakoo lors d’une rencontre décisive avec Basoo Seetaram, un présumé protagoniste de premier plan tirant les ficelles dans le complot visant à éliminer Kaya Kistnen, devenu gênant avec son document des plus compromettants, soit les Kistnen Papers, à l’encontre des élus du MSM au No 8 lors des législatives du 7 novembre 2019.
Tissue of Lies
Or, au paragraphe 30 de l’affidavit, Vishal Shibchurn évoque une rencontre entre lui et Manan Fakoo, d’une part, et Basoo Seetaram à Vacoas au début de janvier 2022. Or, le dénommé Manan Fakoo avait été tué par balles depuis le 20 janvier 2021 à Beau-Bassin lors d’une opération exécutée au millimètre près.
Lors des échanges sur la Private Notice Question (PNQ) de vendredi à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a balayé d’un revers de la main la teneur de cet affidavit en brandissant l’expression Tissue of Lies.
Pravind Jugnauth s’est surtout appuyé sur cette contradiction de dates pour dénoncer le fait que « Shibchurn doit avoir rencontré le fantôme de Manan Fakoo (pour préparer cet affidavit-tissue of lies. » Depuis, cette riposte est reprise en leitmotiv par les apparatchiks du MSM pour contrer les politcal fallouts du meurtre de Kaya Kistnen.
Pour sa part, Me Pazhany Rangasamy, avoué, qui a préparé l’affidavit avec le concours de Vishal Shibchurn les 22 et 29 juillet dernier, évoque une erreur de frappe, devant être corrigée dès le début de cette semaine.
En tout cas, la balle est bien partie avec Lakwizinn du Prime Minister’s Office la saisissant au bond pour tenter de faire taire cette offensive politique.
Findings
Néanmoins, des éléments de réponse fournis par le Leader of the House au Parlement, vendredi, revêtant une importance capitale, confirment que les findings de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath, qui a présidé au tribunal de Moka à une enquête judiciaire sur le meurtre de Kaya Kistnen du 4 décembre 2020 au 21 novembre 2021, avaient dégagé quatre pistes de complément.
De ce fait, dans une correspondance en date du 26 janvier 2022, l’Office of the Director of Public Prosecutions avait recommandé à la police « an in-depth investigation with utmost diligence and professionalism on the death of late Soopramanien Kistnen » sur les bases suivantes :
l « employment of the deceased wife as Constituency Clerk ;
l « alleged malpractices during the last General Elections with reference to ‘Kistnen Papers’;
l « alleged blackmailing by deceased to Hon. Y. S. regarding the award of contracts by STC and other Parastatal Bodies during the COVID-19 lockdown in 2020 ; and
l « the way autopsy was performed over deceased by the Police Medical Officer. »
De ce trois éléments-clés, seul le volet de l’emploi fictif de Simla Kistnen en tant que Constituency Cerk de Yogida Sawmynaden a été dépoussiéré. Le Premier ministre ne s’est pas fait prier pour censurer de manière outrancière le témoignage de Simla Kistnen en Cour en revenant en pas moins de trois reprises sur des extraits du jugement de la Cour intermédiaire donnant gain de cause à l’ancien ministre MSM.
Des trois autres dossiers, les deux plus importants sont encore des live issues. Les Kistnen Papers, révélés par le groupe Le Mauricien à la fin de décembre 2020 et repris par Rezistans & Alternativ dans une correspondance à la Commission électorale en date du 9 janvier 2021, font toujours l’objet d’enquête. « The letter referred to alleged breaches of some provisions of the Representation of the People Act, more specifically with regard to expenses incurred by some candidates and election agents during the National Assembly Elections of 2019. The case is still under investigation and so far, 11 statements from 9 persons have been recorded », concédera officiellement le Premier ministre.
Pour ce qui est du scandale des contrats au cours de la pandémie du Covid-19, alloués en 2020 par la State Trading Corporation et d’autres corps parapublics, Pravind Jugnauth reconnaît que « the case which had been referred to the then ICAC for investigation, has now been taken over by the Financial Crimes Commission. Investigation into the matter is ongoing. »
« Swearing false affidavit »
Au chapitre des détails dans l’affidavit de Vishal Shibchurn, le Premier ministre a indiqué que deux des protagonistes, sans les nommer, en l’occurrence Yogida Sawmynaden et Basoo Seetaram, ont déjà saisi la police pour le délit de swearing false affidavit.
«Let me also restate in unequivocal terms that I will see to it that the rule of law prevails and that any individual or group of persons who directly or indirectly have conspired to tarnish the image and reputation of innocent people or institutions through this case will have to assume their responsibilities and bear consequences of their action», dira-t-il encore comme pour confirmer que l’affaire Kistnen empoisonnera davantage l’ambiance de la prochaine campagne électorale.
Extraits des Findings de l’enquête judiciaire : « Possibility of foul play blatantly overlooked by the police »
Dans ses findings de l’enquête judiciaire, après des délibérations s’échelonnant du 4 décembre 2020 au 21 novembre 2021, la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath, siégeant au tribunal de Moka, dresse un catalogue de « very obvious facts which would have alerted any reasonable enquiring officer to the possibility of foul play but which have been blatantly overlooked by the police in the present case ». Vu le public interest dans cette sinistre affaire, Week-End récapitule l’essentiel des extraits verbatim qui ont déjà fait l’objet de fuites dans la presse.
La scène du crime :
« The body was found on its back which was unburnt and the front exposed part of the body was burnt. The only way that is possible is when the reason who is on fire is either already dead or not in a state to try to put out the fire. Therefore, it stands to reason that the deceased was either dead when the fire was put to him or he was unconscious. It has been stated in court that the Deceased had meperidine drug in his blood which when used in excess is capable of sending a person in a comatose state. »
« Only a small area of the sugarcane field was burnt when the body was found. However, two days later a larger area was burned down. This should have alerted any reasonable enquiring officer to the possibility of attempts being made to dispose of evidence in relation the case. »
« The Forensic Science Officer who conducted the forensic examination, there was no sign of struggle or disturbance in the area surrounding the body. The position in which the body was found was not consistent with a body struggling during fire. The fire debris were all in close proximity and not scattered around. This lead the witness to infer that the deceased was either unconscious or dead at the time of the fire. »
« The sugarcane plants around the body were still standing. There were no drag marks which indicated that the body was carried to that particular spot and in this case at least two people would have been involved in the carrying exercise. This lead the witness to infer that this was a secondary scene of crime. »
Les effets personnels de la victime :
« Kaya Kistnen had burnt paper clutched in his hand which according to witness no 7 was a prescription. However, according to witness no 2 nothing was retrieved from his hand. The police did not look for this document nor did they question its disappearance when enquiring. »
« Kaya Kistnen had two phones. However only one phone was recovered on the locus and that too without any sim card or memory card. This element based on the circumstances the body was found should have raised red flags. »
« The scissors found on the spot did not belong to the Kaya Kistnen and had blood on it. »
Kaya Kistnen’s backpack was found some 30 cm from his body as per photo B16 and yet same has not been secured as an exhibit.
« Although at page 6, the Forensic Examination report mentioned that Exhibit N. M1/2020 contained a full male DNA profile which did not match the DNA profile of the Kaya Kistnen, the police did not deem it for to have a DNA comparison done with the potential suspects in the presence case until the issue arose in Court. »
« The partially burnt phone which was secured from underneath the body of the Kaya Kistnen was sent to be examined by the police IT Unit instead of being sent for examination at the Forensic Science Laboratory. The phone was only sent for examination after the issue was raised in court. By then any evidence of forensic value had been destroyed. »
« The body was sent for autopsy to Dr Jeetoo hospital. The police could not explain why the body was taken to Dr. Jeetoo Hospital for autopsy instead of Victoria Hospital as instructed. »
CCTV Footages :
« Although the police were in possession of CCTV footages showing the Deceased leaving Telfair there was no footage of him ever coming back to Telfair. This should have raised the obvious question of who brought the body back. The enquiry fell well below the standards expected in such a case when the police decided not to verify all the CCTV footages in relation to the movement of the D-deceased on the 16th of October 2020. »