Du Tac au Tac : Simla Kistnen :« Lorsque la vérité éclatera, elle chamboulera la vie politique de Maurice »

Week-End est allé à la rencontre de Simla Kistnen, hier après-midi, pour connaître son état d’esprit après la publication du rapport de l’enquête judiciaire de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath, qui affirme sans contestation possible que son mari Soopramanien Kistnen a été assassiné et que l’enquête policière a été bâclée et l’autopsie dirigée pour soutenir la thèse du suicide. Elle nous attendait sur sa terrasse, où avaient été fêtés hier, dans la sobriété, les 18 ans de leur unique fils.

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Des trémolos dans la voix, elle nous confie « momem mama, momem papa. » Sur la réserve au début, elle se lâche au fur et à mesure de nos échanges, alternant tristesse et colère. Elle raconte comment son mari en voulait aux trois députés de la région : « Sim, mo’nn fatige ar zot. Zot inn tro servi mwa, aster mo pou al de lavan. » Elle n’a aucun doute aujourd’hui que son mari a été « victime d’un crime politique » et déplore l’indifférence des dirigeants du MSM et des députés de la circonscription, dont le PM, Pravind Jugnauth, qui n’a pas assisté aux funérailles de son mari et n’est jamais venu la voir, mais a disculpé Yogida Sawmynaden… avec qui son mari avait eu une houleuse discussion quelque temps avant sa mort !

l Aujourd’hui, 16 octobre, cela va faire deux ans que votre mari vous a quittée. Comment vivez-vous cette perte ?

Il y avait déjà un grand vide. Sivom (ndlr : Soopramanien Kistnen) nous manque énormément. Mon fils a fêté ses 18 ans vendredi et ce vide était encore plus grand. Nous avons beaucoup pleuré, car mon mari a tout le temps dit qu’il ferait une grande fête pour l’anniversaire de notre fils. C’est très dur, car Sivom manque beaucoup à son fils. À moi aussi. Heureusement que nous avons la famille qui nous soutient et qui a organisé cette célébration pour mon fils. Pour en revenir à ces deux ans passés, nous vivons avec l’espoir que la vérité va éclater. Pendant deux ans, j’ai fait le va-et-vient en cour. Il y a toutes les preuves, mais jusqu’aujourd’hui il n’y a eu aucune arrestation, aucun développement pour élucider ce crime. Je suis triste et en colère, car pendant ces deux ans, la police n’a rien fait. Pourtant, le DPP a rendu son rapport, me lapolis li, li pa pe trouv narye. Chaque jour qui passe, mon coeur est lourd et je veux connaître la vérité. Mon fils prend part actuellement aux examens. Pour lui, je dois être forte, mo bizin debout. Momem mama, momem papa. Me li pas fasil kan ou pe lager pou laverite.

l La mort de votre mari revient au premier plan de l’actualité avec la publication du rapport de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath, qui avait présidé les travaux de l’enquête judiciaire. Quel est votre sentiment sur ce rapport ?

Je suis triste et très en colère, car la police n’a pas fait pas son travail. Quand j’ai écouté l’émission à la radio vendredi soir, j’ai été choquée. Je me dis que dimounn kinn pran mo misie so lavi, li pe marse libreman e lapolis pa pe fer narye. Lapolis pa pe trouv narye. Soit elle n’a pas envie d’aller de l’avant, soit il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Je ne comprends pas pourquoi rien ne se passe, alors que d’autres cas, pe fini gagn kamera, pe fini gagn bann kriminel, mais pour mon mari, rien. Heureusement que mes avocats font du bon travail. Autrement, cette affaire aurait été considérée, comme le voulaient certains, comme un suicide.

l On a donc voulu vous faire croire qu’il s’était suicidé ? Racontez-nous cet épisode…

Le 16 octobre 2020, comme d’habitude, aux alentours de 6h, mon mari est sorti pour aller travailler. Il m’a dit : « Sim, mo pe ale. Mo pe al travay ». Le soir, vers 21h, j’ai commencé à m’inquiéter, car il n’était pas encore rentré. Je me suis dit qu’il allait sans doute arriver d’ici une heure. Mais une heure après, toujours pas de Sivom. Je lui ai envoyé des messages. Je l’ai appelé également, mais le téléphone ne répondait pas. J’ai pensé qu’il avait peut-être un problème de batterie. Je suis restée éveillée à l’attendre, mais il n’est jamais rentré. Il y a bien une fois où Sivom avait déjà passé la nuit dehors, mais il m’avait prévenue. Toute la journée de samedi également, il n’a pas donné signe de vie. J’ai cherché auprès de ses amis… s’ils savaient quelque chose. Mais personne ne savait quoi que ce soit. Samedi soir, j’ai pensé à aller faire une déclaration à la police et j’ai préféré attendre encore jusqu’à dimanche. Mais, dimanche matin, vers 8h, un ami de mon mari qui habite Telfair m’a appelée pour me dire qu’on avait découvert un corps près de chez lui. Il m’a demandé quels vêtements Sivom portait quand il avait quitté la maison et aussi s’il avait une bague. Quand je lui ai décrit la bague ovale qu’il portait, il m’a dit de venir le rejoindre à Telfair. Nous y sommes allés. Mais je ne savais pas que mon mari était encore là-bas, dans les champs de canne. Sinon mo ti pou al get so lekor. Mo ti pou al idantifie li. Mais au fond de moi, mo ti fini kone limem sa. Après une heure environ, la police m’a appelée pour me dire de venir au poste de Moka où les policiers m’ont demandé des détails sur les vêtements de mon mari, etc. Et là, un policier m’a dit : Ou misie inn swiside.

l Une thèse que vous n’avez pas acceptée ?

J’ai dit que c’était impossible que mon mari se soit suicidé. Car le matin lorsqu’il a quitté la maison, il était bien. Il m’a parlé et rien ne semblait anormal. Le policier a insisté. Je suis alors rentrée à la maison et le lendemain, mon neveu est allé identifier le corps de mon mari. Je n’ai pas pu y aller, car j’étais en état de choc. Je suis partie voir par la suite et j’ai vu la moitié de son corps. Li ti extra brile. Mo pa ti pe rod krwar, car vendredi encore, je l’avais vu, il était bien et partait travailler. D’ailleurs, il n’avait pas d’argent sur lui et je lui ai donné Rs 200. Me li’nn ale enn sel ale pa’nn retourne. Heureusement que les Avengers sont venus vers moi, car je n’ai jamais cru dans cette thèse de suicide. J’ai toujours dit que c’était faux. C’était impossible.

l On a même voulu salir votre réputation d’épouse avec des photos pour décrédibiliser vos certitudes que votre mari avait été assassiné…

Certaines personnes ont tenté de me détruire alors que j’étais anéantie par la perte de mon mari. Heureusement, j’avais et j’ai le soutien de mes proches et des Avengers. Je n’ai pas faibli, car je crois dans le combat que je mène pour que la vérité éclate.

l Visiblement, votre mari a été tué parce qu’il en savait trop sur les contrats fictifs, le financement de la campagne électorale et le vote lors des élections générales ? Était-il menacé ?

Oui, maintenant, je pense qu’il devait  avoir reçu des menaces. Mais quelques semaines avant le décès de mon mari, il m’avait dit : Sim, mo’nn fatige ar zot. Zot inn tro servi mwa, aster mo pou al de lavan. Je ne savais pas pour quelles raisons. Il ne me parlait pas de ses problèmes. Quand j’ai voulu en savoir plus, il m’a dit : Bann-la, sa trwa depite-la inn servi mwa. Je lui ai dit : Twa to enn ti-dimounn twa. Bann-la gran, to pa pou kapav fer narye.

l Aller de l’avant voulait dire quoi pour lui ?

Il m’a dit qu’il avait l’intention d’aller à l’ICAC. Je lui ai répété que “to enn ti-dimounn, to pa pou kapav ar zot. Et il m’a répondu : To pa ankor kone ki apel mwa. J’ai pris ses paroles à la légère. Je ne pensais pas que sa vie était en danger.

l Étiez-vous au courant de son altercation avec le ministre Sawmynaden ? Vous a-t-il dit qu’il était en danger de mort ?

C’est à travers un de ses amis que j’ai appris, après le décès de mon mari, qu’il avait eu une vive discussion avec Yogida. Peut-être que c’est à partir de là que tout a changé et qu’il est devenu une menace. Je ne saurais dire. C’est tout cela qu’on demande à éclaircir.

l Depuis la mort de votre mari, avez-vous eu la visite des hauts gradés du MSM, le PM Pravind Jugnauth ? La VPM Leela Devi Dookhun ? L’ex-ministre Sawmynaden ? Ont-ils assisté aux funérailles de votre mari ? Que vous ont-ils dit ?

Personne n’est venu me voir. Yogida Sawmynaden est passé cinq minutes pour les funérailles. Dès que le corps est arrivé, il est parti. Mme Dookun a passé une quinzaine de minutes chez nous. Mais le Premier ministre n’est jamais venu. Mon époux a pourtant travaillé pour ces personnes. J’ai été étonnée de cette indifférence, alors qu’il a travaillé nuit et jour pour eux. J’aurais peut-être apprécié qu’ils me rendent visite après les funérailles. Mais ils ne l’ont pas fait. Personne. Aujourd’hui, je ne veux voir personne.

l Et pourtant, vous étiez la Constituency Clerk de Yogida Sawmynaden…

Soi-disant. Constituency Clerk lamem mo pa kone ki ve dir sa. Enn travay ki mo pa kone sipa ekziste mem… Il a dit que j’ai travaillé pour lui, mais je n’ai jamais travaillé.

l Et depuis, est-ce qu’il y a des gens du MSM qui sont venus vous voir ?

Personne jusqu’aujourd’hui. Et je ne suis en contact avec personne du MSM. Je ne souhaite d’ailleurs rien à voir avec le MSM. Si vremem zot ti anvi kone kisanla inn touy mo misie, zot ti pou al de lavan, zot ti pou donn koud’me. Mon mari était très impliqué dans le MSM. Il parlait souvent, comme de vieux amis, aux députés. Mais personne n’a levé le petit doigt pour chercher à connaître la vérité. Nous n’avons eu aucun soutien du MSM, pour qui pourtant mon mari a tout donné. Dans tout cela, c’est nous, mon fils et moi, qui souffrons.

l Vous vous sentez abandonnés, votre fils et vous ?

Heureusement que j’ai mes proches et je sais que la population croit dans mon combat pour la vérité aux côtés des Avengers. Mais j’aurais pensé que le Premier ministre aurait voulu lui aussi connaître la vérité sur l’assassinat de enn so bann azan ki finn travay pou li jour et nuit ek ki li pa ti pou res trankil. Me li pa’nn rod fer narye. Li dir ou li’nn fini fer so lanket. Li mem dir ki li fer konfians Yogida. Me zordi rapor-la pe dir sa lamor la li akoz politik. Se enn krim politik. E mo ti pou kontan dir Pravind Jugnauth 2-an inn pase, mo fami pe soufer, nou pe atann. O-mwin enn ti eklersisman ti pou permet avanse. Me mo met tou dan lame Bondie.

l Avez-vous une idée de qui a pu tuer votre mari et pourquoi ?

Je ne peux accuser personne, mais les preuves ont été déposées en cour. Si la police fait son enquête, on trouvera la vérité. Pour moi, il est évident que c’est un crime politique. Aujourd’hui, je laisse tout entre les mains de la justice et entre les mains de Dieu.

l Est-ce parce qu’il avait rencontré Navin Ramgoolam ou remis des documents à Bruneau Laurette ?

Mon mari m’a confié qu’il avait rencontré Navin Ramgoolam. Je lui ai demandé pourquoi, et il m’a dit qu’à partir de “maintenant”, il allait quitter le MSM. Je l’ai même charrié lui disant : Ki to pou kit MSM ? To pou mor dan MSM. Je n’ai pas de réponse exacte à ce qui a conduit à son malheur. Peut-être les documents qu’il avait, car une à deux semaines avant sa disparition, il avait mis tous ces documents dans un sac qu’il transportait où il allait. Mais lorsqu’on a découvert son corps, il n’y avait ni sac, ni son carnet de chèques, ni son portable, ni ses chaussures…

l Quel message voulez-vous adresser à la population mauricienne ?

J’aimerais dire à d’autres femmes qui se retrouvent dans la même situation que moi, si elles ont un doute quant au décès de leur conjoint, de leur père ou de leur frère, ne restez pas tranquilles. Venez de l’avant. Les crimes doivent être punis. En unissant nos voix, on peut faire bouger les choses. Si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain: la vérité triomphera. Je garde espoir que nous allons connaître la vérité sur l’assassinat de mon mari et lorsque l’a vérité éclatera, elle chamboulera la vie politique de Maurice.

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