Controverse du cyclone Belal : l’ex-directeur de la Météo, conteste le PM en cour

Dans une confrontation inédite avec le gouvernement mauricien, Ram Dhurmea, directeur-général des Services Météorologiques de Maurice (MMS), a entrepris une action en justice pour contester ce qu’il décrit comme une mise à la retraite injuste et prématurée. Ce développement, qui se déroule près de sept mois après le passage dévastateur du cyclone Belal, tourne autour d’une série d’événements qui ont ébranlé à la fois les services météorologiques et les plus hautes sphères du gouvernement.

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Le 15 janvier 2024, alors que le cyclone Belal frappe l’île avec des pluies torrentielles, le Premier ministre Pravind Jugnauth annonce publiquement à la télévision nationale que Ram Dhurmea a démissionné de son poste. L’annonce est faite lors d’une diffusion sur la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC), au milieu d’une situation déjà tendue et chaotique dans la capitale, avec des inondations et des perturbations généralisées.

”Je n’ai jamais démissionné…”
Cependant, la version des faits de Ram Dhurmea présente un tableau très différent. Dans un affidavit soumis à la Cour suprême, il nie catégoriquement avoir démissionné ou quitté son poste. « Je n’ai jamais démissionné de mon poste, ni soumis ma démission », affirme-t-il, ajoutant qu’il avait simplement demandé deux jours de congé après le passage du cyclone. Son affidavit vise à contester le récit présenté par le PM et à corriger ce qu’il considère comme une grave déformation des faits.

La controverse trouve ses racines dans des allégations selon lesquelles le chef des services météorologiques et son équipe auraient fourni des prévisions inexactes avant l’arrivée du cyclone Belal, ce qui aurait conduit à des préparatifs insuffisants et aggravé l’impact de la tempête. Une enquête a rapidement été lancée par le ministère des Collectivités locales et de la Gestion des Catastrophes, sous la supervision du vice-PM Anwar Husnoo. Les conclusions de cette enquête – qui auraient mis en évidence des erreurs dans la prévision de la trajectoire du cyclone et de l’intensité des précipitations – ont conduit la Commission de la Fonction publique (PSC) à recommander la mise à la retraite anticipée de Ram Dhurmea, une décision qu’il conteste désormais vigoureusement par le biais d’une révision judiciaire.

Dans son affidavit détaillé, Ram Dhurmea décrit la séquence des événements et des communications qui ont eu lieu pendant les jours critiques du 13 au 15 janvier. Il affirme avoir tenu les principales personnalités du gouvernement – y compris le PM, le vice-PM et le Secrétaire du Cabinet, Premode Neerunjun – pleinement informées des risques potentiels posés par le cyclone Belal. Ces communications, dit-il, ont été faites lors d’une série de réunions du Comité National de Crise (CNC), de messages WhatsApp et de briefings directs.

L’affidavit de l’ex-chef de la météo nationale met en lumière trois réunions clés du CNC, tenues durant le week-end du 13 et 14 janvier, et le matin du 15 janvier. Lors de ces sessions, il a présenté des analyses détaillées des trajectoires potentielles du cyclone, soulignant que la plus grande menace ne résidait pas dans la vitesse des vents du cyclone, mais dans les fortes pluies qu’il apporterait. « Même si le centre du cyclone Belal devait s’éloigner de Maurice, la menace posée par les fortes pluies associées persisterait, entraînant des conditions torrentielles », se souvient Dhurmea d’avoir averti le comité.

Prévisions de pluies torrentielles
Malgré ces avertissements, le météorologiste soutient que son message a été déformé dans les communications publiques. En particulier, il critique la MBC pour n’avoir diffusé que ses déclarations concernant l’alerte cyclonique, tout en omettant ses avertissements cruciaux sur les pluies imminentes. Cette présentation sélective, affirme-t-il, a créé un récit trompeur qui minimisait la gravité de la situation.

L’affidavit de Ram Dhurmea éclaire également sa communication avec Kavish Pultoo, un responsable des communications au bureau du PM (PMO), et d’autres membres du CNC. Il décrit comment, tard dans la nuit du 14 janvier et au début de la matinée du 15 janvier, il a relayé des mises à jour sur la direction changeante du cyclone et la nécessité de maintenir ou d’escalader les niveaux d’alerte cyclonique. Il dit avoir informé le PMO de l’intention d’émettre un avertissement cyclonique de Classe II à 10h et de l’élever à la Classe III à 13h le 15 janvier, en fonction de l’évolution des conditions météorologiques.

Cependant, la situation a pris un tournant après la réunion du CNC à 11h30 le 15 janvier, où Ram Dhurmea a réitéré ses prévisions de pluies torrentielles. Peu après, il a été informé par le Secrétaire du Cabinet, Premode Neerunjun, que le PM était mécontent de la façon dont les événements s’étaient déroulés et qu’il lui était demandé de démissionner de son poste. Dhurmea a refusé,mais démissionné, se disant choqué par la déclaration télévisée du PM par la suite.

L’action en justice initiée par Ram Dhurmea remet également en question l’équité et la rigueur de l’enquête menée par le ministère des Collectivités locales et de la Gestion des Catastrophes. Il soutient que l’enquête était viciée, reposant sur des dossiers incomplets et ne lui donnant pas une audience complète et équitable.

Alors que Ram Dhurmea demande une révision judiciaire pour suspendre les procédures à son encontre, des questions sur le rôle de l’influence politique dans la gestion des services publics, en particulier dans le contexte à haut risque de la réponse aux catastrophes.

Laver son honneur
Ram Dhurmea dénonce également ce qu’il considère comme des excès de l’administration. Il demande à la Cour suprême d’annuler la décision du 23 juillet et de l’autoriser à présenter ses explications, avant que toute mesure disciplinaire ne soit prise à son encontre. Selon lui, le processus décisionnel a été injuste et déraisonnable.

Ce procès pourrait bien faire jurisprudence en matière de licenciement dans la fonction publique, d’autant plus que Dhurmea – fort de son parcours impressionnant dans le domaine météorologique – ne compte pas se laisser faire. Titulaire d’un PHD en modélisation climatique de l’Université de Maurice, d’un Master en météorologie appliquée de l’Université de Reading et d’une solide formation en météorologie, Ram Dhurmea a consacré sa vie à la science du climat. Aujourd’hui, il se bat non seulement pour sa réputation, mais aussi pour la justice dans la gestion des affaires publiques et pour l’intégrité plus large des services météorologiques et de la gestion des catastrophes à Maurice.

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