Braquage à la MCB : Nouveau procès pour Jiaved Ruhumatally, condamné à 40 ans pour meurtre

Le Conseil privé a ordonné un nouveau procès contre Mohamad Jiaved Ruhumatally, un des auteurs du braquage du quartier général de la Mauritius Commercial Bank (MCB) à Port-Louis le 11 février 2005 et lors duquel un employé, Gérald Lagesse, avait été assassiné.

- Publicité -

Ainsi en a décidé les Law Lords dans un jugement rendu mardi dernier (ndlr : 18 juin) par Sir Tim Holroyde au nom du board également composé de Lord Lloyd-Jones, Lord Hamblen, Lord Stephens et Lady Simler. Ils sont arrivés à la conclusion que feu Prithviraj Fekna, qui avait présidé le procès de Jiaved Ruhumatally aux Assizes en 2015, « fell into error » dans ses déclarations aux membres du jury par par rapport aux preuves sur lesquelles ils pouvaient s’appuyer pour établir l’élément de préméditation, ce qui a rendu leur verdict de culpabilité à l’encontre de l’accusé « unsafe ».

Pour les juges du Privy Council, le fait que la ligne de défense de Jiaved Ruhumatally a, tout au long du procès, été qu’il n’avait pas l’intention de tuer la victime et que ce n’était pas un acte prémédité, il était important pour le juge Fekna d’être précis dans son rappel des preuves aux membres du jury, surtout celles qui lient l’accusé à la victime. « Unhappily, the judge fell into error in this regard », note d’emblée le Conseil privé.

Les Law Lords trouvent que le juge Fekna « misstated the evidence » quand, rappelant les preuves contre l’accusé, il a déclaré aux membres du jury que la chemise qui avait été utilisée pour bâillonner Gérald Lagesse « was tied over the nose as well as mouth ». Or, notent les Law Lords, il n’y a aucune preuve qui supporte cette affirmation. Il se sont appuyés sur le témoignage du Dr Gungadin à cet effet. « True it is that Dr Gungadin subsequently referred to the shirt being tied “around his mouth, around his nose” ; but it seems highly likely that he did so only because of the terms in which the judge had just questioned him and in the remainder of his evidence Dr Gungadin consistently referred to the shirt overlying the tape over the mouth but not covering the nose », relèvent les juges.

Cette question de chemise couvrant soit la bouche soit le nez ou les deux revêt toute son importance, car elle est déterminante pour établir si cela a précipité la mort de Gérald Lagesse, qui avait déjà du papier enfoui dans sa bouche et dans sa gorge « up a depth of about 10 cm », selon le Dr Gungadin, ou pour établir l’élément de préméditation, d’autant que selon les premiers témoins, la victime avait été vue bâillonnée avec une chemise au niveau de la bouche seulement.

Pour les Law Lords, toute la question se situe à ce niveau. Étant donné que Gérald Lagesse ne bougeait plus et avait été « cruelly gagged with papers and Sellotape », les membres du jury, le Privy Council, avaient tout à fait le droit de déduire que le seul but de Jiaved Ruhumatally était de « secure and tighten the gag and to reduce yet further Mr Lagesse’s ability to remove it » quand il a décidé de bâillonner la victime au niveau de la bouche.

Les membres du jury avaient aussi tout à fait le droit de déduire, en ligne avec le témoignage du Dr Gungadin, que le fait d’avoir été bâillonné au niveau de la bouche n’a fait que précipiter la mort de Gérald Lagesse. En revanche, s’il y avait des preuves que Jiaved Ruhumatally avait bâillonné la victime au niveau du nez, les membres du jury devaient y tenir compte au moment de déterminer s’il y avait préméditation. Or, les preuves versées au dossier à charge ne démontrent pas que l’accusé avait bâillonné Gérald Lagesse au niveau du nez. Ce qu’elles démontrent, c’est qu’il avait bâillonné la victime au niveau de la bouche de telle manière que les papiers qui y étaient enfouis ne sortent pas. Ce qui, selon les Law Lords, accrédite la thèse de la défense que le meurtre n’était pas intentionnel ou prémédité. Le fait que le juge Fekna ait fait mention dans son rappel des preuves au jury que la victime avait été bâillonnée au niveau de la bouche et du nez et que Jiaved Ruhamatally avait prémédité le meurtre est un « serious error on a matter of central importance », selon eux.

Ils trouvent encore plus regrettable que le juge Fekna n’a pas corrigé son erreur dans son summing up aux jurés à la fin du procès. Bien autre contraire, « he compounded the error » quand il a refait référence à la thèse que la victime avait été bâillonnée au niveau de la bouche et du nez, alors que cette thèse n’avait été suggérée dans un échange avec le Dr Gungadin quand ce dernier témoignait à la barre. « Regrettably, this passage of the summing up would unintentionally have had the opposite effect : because it quoted only part of the relevant exchange (ndlr : avec le Dr Gungadin), it gave the impression that Dr Gungadin had volunteered evidence that the shirt was tied over both the mouth and the nose », alors que c’est le juge lui-même qui avait suggéré cette thèse.

Troisièmement, contrairement à ce qu’avait dit le juge Fekna aux membres du jury, il n’y a aucune provision dans les lois mauriciennes qui stipulent qu’une personne est présumée connaître les conséquences de ses actes. En utilisant les termes « must be taken to intend », « the law will reject » ou encore « the law will assume », dans ses directions aux jurés il y a de fortes chances, estiment les Law Lords, que ces derniers ont interprété ceux-ci comme des instructions qu’ils devaient absolument arriver à la conclusion que Jiaved Ruhumatally connaissait les conséquences de son acte quand il a bâillonné la victime avec une chemise. Pour le board, « this direction took away from the jury an issue which only they could properly decide. »

Finalement, les Law Lords trouvent que le juge Fekna s’est trompé quand il a direct le jury sur l’élément de préméditation. Si préméditation il y avait, estiment-ils, elle concernait le braquage, pas le meurtre. Les Law Lords en tient pour preuve le statement que Javied Ruhumatally avait donné under caution au tout début de l’enquête, soit le 16 mars 2005, à l’effet qu’il avait été convenu par tous les protagonistes, lors de l’élaboration du plan de braquer la banque, que personne ne serait blessée ou tuée lors de l’opération.

Pour toutes ces raisons, le Conseil privé a trouvé que la meilleure option est d’ordonner un nouveau procès contre Jiaved Ruhumatally vu que le verdict de culpabilité prononcé à son encontre par le jury était unsafe (peu sûr) au regard des irrégularités qui ont entaché son procès.

Pour rappel, Jiaved Ruhumatally avait été trouvé coupable du meurtre avec préméditation de Gérald Lagesse lors du braquage du quartier général de la MCB à Port-Louis le 11 février 2005. Le Customer Service Supervisor avait été laissé pour mort dans la chambre forte (vault) de la banque, ligoté et bâillonné et l’autopsie, pratiquée par le Dr Gungadin, avait attribué le décès à une asphyxie. Jiaved Ruhumatally, qui avait plaidé non-coupable, avait été trouvé coupable et condamné à 42 ans de prison, réduit à 40 ans en appel. Ses deux complices, Steve Monvoisin et Laval Sambacaille, avaient plaidé coupables d’une charge réduite d’homicide volontaire (manslaughter) et avaient été condamnés à 16 ans de prison chacun le 15 mars 2013. Plus de Rs 51 millions avaient été emportées lors de ce braquage, dont seulement Rs 3 millions furent retrouvés sous un pont à Réduit. Le reste du butin est demeuré introuvable à ce jour.

Jiaved Ruhumatally, qui est actuellement en prison, avait retenu les services de Me James Prusram Ramdhun, des Clapham Law Chambers, assisté de Me Zaredhin Jaunbaccus, tandis que l’État était représenté par Me Rashid Ahmine, Directeur des Poursuites publiques, assisté de Mes Jagganaden Muneesamy, Assistant Director of Public Prosecutions, et Bhavna Bhagwan, State Counsel.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -