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COMPLOT CONTRE RAMGOOLAM: MedPoint, la trappe politique du CCID !

Presque trois mois après, l’enquête policière sur des allégations de diffusing false news reproché au leader de l’opposition, Paul Bérenger, a été transformée en un délit présumé portant atteinte à l’État. À ce jour, deux membres de l’opposition, le député et président du MSM, Showkutally Soodhun et le membre du bueau politique du MMM Zouberr Joomaye, ont été inculpés provisoirement par le Central CID de « conspiracy to fabricate false facts against the Prime Minister » dans le cadre du « scandale du siècle », le rachat de la clinique MedPoint au coût de Rs 144,7 millions. Paul Bérenger attend d’être convoqué formellement à ce même sujet. Même si ce rendez-vous est donné pour la semaine prochaine, aucune confirmation officielle n’était disponible en début de week-end.
L’une des premières retombées suite à ces agissements s’apparentant à nul autre chose qu’un « move » politique contre l’opposition reste une levée de boucliers contre le Central CID. Ce département de la police, responsable des enquêtes de nature criminelle, est accusé d’être devenu un instrument politique entre les mains des hommes du pouvoir. Mais les critiques n’émanent pas seulement des milieux politiques. Jeudi après-midi, la police a essuyé un sérieux revers au tribunal de Port-Louis suite à l’objection logée contre la remise en liberté sous caution de Showkutally Soodhun. Après analyse des faits, la magistrate Meenakshi Gayan-Jaulimsing a tout simplement remis en liberté sur parole le député du MSM vu que la caisse de la cour était déjà fermée.
Avec la nouvelle tournure des événements, le document de référence entre les mains du tandem Vuddamalay-Jangi du Central CID pour instruire cette enquête à relent politique de complot visant à déstabiliser le gouvernement de Navin Ramgoolam n’est qu’une déposition en date du 14 août dernier. Le frère de la députée de la majorité et directrice de communications du Parti Travailliste, Nita Deerpalsing, a révélé à la police la teneur d’un échange entre voisins, en l’occurrence le Dr Joomaye, sur le parking de leurs appartements de Floréal ce jour-là.
Dans sa déposition, Nuvin Deerpalsing allègue que le Zouberr Joomaye lui aurait fait comprendre que l’ancien ministre Soodhun allait révéler toute la vérité sur les dessous du scandale MedPoint et que « kan Malhotra pou vini ek pou konfirmé, Navin pou saryé tout ». Les allégations portent également sur des tentatives de débauchage de Nita Deerpalsing en vue de rejoindre les rangs du MMM en prévision des chamboulements politiques à venir.
Même si tous les détails de la déposition à charge de Nuvin Deerpalsing n’ont pas été révélés à Zouberr Joomaye et à ses conseils légaux, Mes Raj Nuckchady, Mamade Bocus et Maneesh Gobin, ils étaient en filigrane de ces huit heures d’audition, lundi et mardi dernier, dans les locaux du Central CID. La tournure de cette enquête policière au sujet d’une affaire de diffusing false news a été une véritable surprise pour le Dr Joomaye, qui s’attendait à être entendu en tant que témoin.
Mais les limiers du Central CID avaient bien dissimulé leur stratégie jusqu’à lundi matin. Néanmoins, dès le début de l’audition under warning du Dr Joomaye, la police avait délimité son champ d’opération à l’effet que « there are gounds to believe that you have agreed with Honourable Soodhun and others to fabricate false facts to destabilise the gouvernment and harm and prejudice the Prime Minister ». La première partie de l’interrogatoire était axée sur les relations entre Zouberr Joomaye et Showkutally Soodhun et la rencontre à la clinique.
Inquisition politique
Tout au long de cette tranche de questioning, qui avait duré jusqu’à 13 heures, le Dr Joomaye a soutenu qu’il avait eu une conversation de nature privée avec l’ancien ministre, dont le sujet était le scandale MedPoint. « Showkutally Soodhun was a minister in the government at that time and I thought that it was a piece of information to be considered seriously ». De ce fait, il n’a vu aucun inconvénient pour partager ces détails avec l’état-major du MMM comme il en a l’habitude de faire sur d’autres dossiers politiques majeurs.
« I was merely exercising my freedom of expression. it was only sharing of information without any motivation », devait s’appesantir le Dr Joomaye face aux questions insidieuses des enquêteurs s’évertuant de construire leur thèse de complot politique dont, entre autres, « did you not consider it a sensible issue involving the Prime Minister ? » Les autres questions abordées par le Central CID portaient sur le mécontentement de Showkutally Soodhun suite à sa mutation à un ministère de grade inférieur. « Could you say whether Honourable Soodhun was happy with the change in his ministry ? » voulait également savoir la police.
Au fil de la séance, l’inquisition politique allait devenir plus évidente, dont cette interrogation directe à l’effet que « did you know that the publications of these informations as elaborated by the Honourable Paul Bérenger during his two press conferences in the media could have created an upheaval in the country ? »
Le Dr Joomaye fut confronté aux commentaires du Dr Krishan Malhotra à l’effet que « he never had any meeting with the Honourable Prime Minister in his office or elsewhere during the bid process for the acquisition of MedPoint hospital nor he met him for well over five years ». Le Central CID devait même faire état d’une requête du Dr Malhotra, qui n’a pas fait le déplacement à Maurice, pour une enquête au sujet des allégations proférées à son égard par le leader du MMM.
La succession de questions sur le complot allégué en vue de déstabiliser le gouvernement se fait de plus en plus pressante vers la fin du premier jour d’interrogatoire. Les enquêteurs du Central CID tirent dans leur chapeau la déposition du Premier ministre pour soutenir que « if that information (the identity of the mysterious person who triggered the process of a second evaluation) was confirmed that would provoke serious disturbances ».
Débauchage de Nita Deerpalsing
La dernière question découlant de la déposition de Navin Ramgoolam avant que l’interrogatoire ne déborde sur le volet Nuvin Deerpalsing est encore plus directe.
Central CID : If the Honourable Prime Minister also says that this serious allegation and diffusion of the false news has shaken the very foundation of our democratic state, what do you have to say ?
Dr Joomaye : I have nothing to say.
Le Dr Joomaye a confirmé à la police qu’il est une vieille connaissance de Nuvin Deerpalsing. Très vite, le volet politique est engagé avec la tentative de débauchage de Nita Deerpalsing par l’intermédiaire du frère de celle-ci. Le témoin devenu suspect nie avoir tenté de faire Nita Deerpalsing changer de camp politique.
Central CID : Have you ever told Nuvin Deerpalsing to convince his sister Honourable Deerpalsing to move to the MMM party ?
Dr Joomaye : Mr Deerpalsing met me in the car park of the apartment. The answer to the question is no. In fact the last time we met in the car park he told me that his sister and himself were both very angry and frustrated at that particular period of time.
L’une des raisons de cette frustration des Deerpalsing est qu’en raison de sa caste, Nita Deerpalsing n’avait pas été nommée ministre du gouvernement de Navin Ramgoolam.
Le barrage de questions se porte sur les chamboulements politiques à prévoir dans le sillage des révélations de Showkutally Soodhun au sujet d’une implication présumée de Navin Ramgoolam dans le scandale MedPoint. De manière systématique, le Dr Joomaye répond par un « emphatic no » à ces questions, en l’occurrence :
« N’avez-vous pas déclaré à Nuvin Deerpalsing que le député Soodhun allait soutenir que le Premier ministre avait rencontré le Dr Malhotra au sujet de l’affaire Medpoint ? »
« N’avez-vous pas dit à Nuvin Deerpalsing que le Dr Malhotra allait faire le déplacement à Maurice pour confirmer ces dires et soutenir la version de Showkutally Soodhun ? »
« N’avez-vous pas dit à Nuvin Deerpalsing que ce développement allait déboucher sur une big political evolution avec le MMM prenant le pouvoir après la démission du Premier ministre, Navin Ramgoolam ? »
« N’avez-vous pas dit à Nuvin Deerpalsing que cette évolution anticipée de la situation politique avait été planifiée par le MMM ? »
« N’avez-vous pas dit à Nuvin Deerpalsing que, dans ces problèmes, le Dr Ramgoolam était ciblé et non la famille Jugnauth ? »
Le premier jour d’interrogatoire du Dr Joomaye, déjà sous le coup d’une inculpation provisoire, prendra fin sur cette note vers 14h35 et un nouveau rendez-vous pris pour mardi matin.
Et le comble de l’interrogatoire sur le complot allégué pour déstabiliser le gouvernement reste cette question du Central CID, mardi matin, à l’effet « if the Honourable Nita Deerpalsing says that on the same night (14th August) she was informed by her brother, Nuvin Koomar Deerpalsing, of your conversation with the latter and therefore she believes that there are some kind of conspiracy between you, Honourable Soodhun, and the MMM party to undermine the government and cause harm to the Prime Minister, what do you have to say ? »
En conclusuion, dans ce que Me Nuckchady confirme comme un strong political statement, le Dr Joomaye a conclu que« the police is a political instrument in the hands of the head of the government of the day. The questions I have been asked are essentially political. There are questions put to me to please their political master ».
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Les principales dates du complot allégué
Les recoupements d’informations effectués par Week-End de sources concordantes permettent d’établir le time line dans cette affaire présentée aujourd’hui comme un complot pour déstabiliser le gouvernement de Navin Ramgoolam. Néanmoins, la genèse reste des allégations de diffusing false news suite à une déposition au Prime Minister’s Office de Navin Ramgoolam contre le leader du MMM, Paul Bérenger.
24 juin 2011 : Showkutally Soodhun, encore ministre du gouvernement de l’Alliance de l’Avenir, croise Zouberr Joomaye à la clinique Darné. La conversation porte sur le « scandale du siècle » et le ministre demande au candidat battu du MMM au N°13 de faire comprendre à Paul Bérenger qu’il fait fausse route dans le dossier MedPoint en accusant Pravind Jugnauth.
Showkutally Soodhun fait état de deux points majeurs : soit une rencontre présumée entre le Premier ministre et le Dr Krishan Malhotra et des directives du premier nommé au Chief Government Valuer, Yodhun Bissessur, pour une deuxième évaluation.
Compte tenu de la gravité des faits allégués, Paul Bérenger veut obtenir une double confirmation et demande au Dr Joomaye d’aller de nouveau à la rencontre du ministre Soodhun.
1er juillet, 15h45 : le ministre Soodhun reçoit le Dr Joomaye et confirme de nouveau les éléments d’informations.
2 juillet : lors du point hebdomadaire, le leader du MMM fait état d’une mystérieuse personne derrière les instructions pour la deuxième évaluation. Mais il garde le suspense.
9 juillet : Paul Bérenger revient à la charge en demandant au Premier ministre de confirmer ou d’infirmer s’il a rencontré le Dr Malhotra en marge de l’affaire MedPoint et s’il est impliqué dans la décision pour une deuxième évaluation de la clinique.
Une heure après, toujours le samedi 9 juillet, Navin Ramgoolam, qui se préparait à recevoir le président congolais, Sassou-Nguesso, convoque la presse au PMO pour démentir ces informations.
14 juillet : en début de soirée, des limiers du Central CID, dont le chef inspecteur Seeballuck, se rendent au PMO pour consigner la déposition de Navin Ramgoolam accusant Paul Bérenger de propager de fausses nouvelles.
16 juillet : le Chief Government Valuer est entendu dans les locaux du Central CID au sujet des directives de la seconde évaluation. Il rejette la thèse des instructions venant du Premier ministre.
22 juillet : des limiers de l’ICAC consignent la première déposition de Paul Bérenger à sa résidence. Le leader du MM se garde de révéler l’identité des sources car l’ICAC n’a pas insisté sur cet aspect de l’affaire.
5 août : le leader de l’opposition est convoqué à l’ICAC au terme des dispositions du Prevention of Corruption Act pour révéler la source des informations sur MedPoint.
12 août : le Dr Joomaye est convoqué par l’ICAC au sujet de cette même affaire. Il révèle le nom de Showkutally Soodhun comme étant la source de ses informations.
14 août : conversation entre voisins à Floréal avec pour effet un twist dans l’enquête du Central CID (voir plus loin).
16 août : l’ancien ministre Soodhun entendu à l’ICAC sur les circonstances dans lesquelles il est parvenu à la maîtrise de ces faits. Il mentionne une rencontre avec le Premier ministre au bureau de ce dernier peu après sa mutation à un autre ministère suite à sa prise de position dans le scandale Betamax.
30 août : le Central CID se heurte à un refus du leader de l’opposition de se rendre à une convocation pour interrogatoireunder warning car, précédemment, ses conseils légaux étaient en consultations avec la police pour établir un calendrier de travail et pour prendre connaissance au préalable des éléments à charge.
1er septembre : la police et la Legal Team du MMM, menée par Me Collendavelloo, parviennent à un modus operandiquant au déroulement de l’enquête.
5 septembre : Paul Bérenger se rend au QG du Central CID avec les responsables de la police communiquant les informations aux hommes de loi. Aucune charge n’est retenue contre le leader du MMM et aucun interrogatoire ne se déroule.
12 septembre : la convocation du Dr Joomaye par le Central CID est annulée in extremis la veille, soit le dimanche 11 septembre. Un nouveau rendez-vous du 20 sera de nouveau reporté.
26 septembre : le Dr Joomaye est entendu under warning et le témoin est transformé en suspect pour le délit de« conspiracy to fabricate false facts against the Prime Minister ». Il a eu à verser une caution de Rs 25 000 et une reconnaissance de dettes de Rs 200 000 pour retrouver la liberté provisoire le lendemain.
27 septembre : l’ancien ministre Soodhun passe également à la trappe politique du Central CID. Il passera vingt-quatre heures à la clinique Apollo Bramwell avant de s’acquitter de sa caution de Rs 25 000 et de sa reconnaissance de dettes de Rs 200 000 en fin de semaine.
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Nuvin Deerpalsing, un frère et un voisin hors du commun
Une solidarité hors du commun lie Nuvin Kumar Deerpalsing à sa soeur, Nita, parlementaire de la majorité et directrice de communication du Parti Travailliste. Le voisin d’appartement, le Dr Zouberr Joomaye, l’a appris à ses dépens en marge du scandale MedPoint. Des échanges entre voisins au parking du bloc d’appartements un dimanche 14 août ont fini pour être les piliers d’un cas référé à la police pour complot en vue de déstabiliser le gouvernement.
Du coup, le directeur de Spazen Co. Ltd., spécialisé dans le Kairali Ayurvedic Spa, qui est également connu dans le réseau de clubs sociaux, sort de l’anonymat politique. Dès la fin de la conversation avec son voisin de médecin ce dimanche, il a accouru pour partager avec sa soeur les détails de ce brin de causette avec pour conséquence qu’une affaire d’État éclate.
Qu’ont pu se dire ces deux voisins avec un background éducatif de niveau universitaire ? Le frère de Nita Deerpalsing a fait des études universitaires en économie à Manitoba (Canada) età l’université de Maurice pour un Master. À ce stade, la police distille les détails de la déposition de Nuvin Kumar Deerpalsing de manière parcimonieuse au fil des interrogatoires.
Le Dr Joomaye, qui tenait jusqu’à tout récemment en haute estime son voisin, rejette de manière catégorique les allégations tendancieuses portées à son égard. « Nuvin Kumar Deerpalsing is politically motivated. I firmly believe that all these statements have been built up to concoct a case of conspiracy against my person in retaliation to the fact that I am a member of the opposition party and the person who gave the information given to me by Showkutally Soodhun to the leader of the MMM », fera-t-il comprendre dans sa déposition.

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