APRÈS LE KIDNAPPING D’UNE FILLETTE : Gokhoola en émoi

Le village de Gokhoola, à côté de Piton, propulsé à la Une de l’actualité à la veille de la fête Maha Shivaratree, avec le kidnapping samedi dernier d’une fillette de huit ans, Vaishnavi Beeptochurn, se retrouve de nouveau en état de choc à peine huit jours après. La petite victime, qui avait pu regagner saine et sauve le domicile de ses parents vers 1h20 du matin dimanche dernier, n’est pas encore remise complètement de cette expérience traumatisante. Voilà qu’un autre drame frappe ce même village ce week-end. Le présumé ravisseur de la fillette, Vishal Doorga, âgé de 35 ans, est décédé, hier à 10h40, alors qu’il avait été admis à l’Intensive Care Unit (ICU) de l’hôpital de Flacq peu après son arrestation dans l’après-midi de dimanche dernier. Devant ce développement, des proches accusent les autorités d’actes de brutalité alléguée. Du côté de la police, l’on repousse catégoriquement ces accusations car le suspect avait été agressé physiquement par des habitants du village avant d’être livré à la police.
Me Raj Ramsaha, dont les services avaient été retenus par des membres de la famille Doorga au cours de la semaine écoulée, s’interroge sur les conclusions de l’examen post-mortem effectué hier après-midi à la morgue du Princess Margaret Orthopaedic Centre (PMOC). Le Chief Police Medical Officer, le Dr Sudesh Kumar Gungadin, a attribué les causes du décès à un « acute renal failure ».
Dans un rapport préliminaire, le médecin légiste a relevé des ecchymoses, des abrasions et des bleus sur certaines parties de la dépouille mortelle de Vishal Doorga, notamment au genou, sur les bras et corps. Des indications recueillies de sources policières indiquent qu’aucune trace de fracture du crâne ou de saignements internes n’est mentionnée comme étant susceptibles d’être à la base du décès à ce stade dans le dossier d’enquête policière.
Cette autopsie s’est déroulée en présence du Dr Gujjalu, représentant les intérêts de la famille de Vishal Doorga. Après l’exercice à la morgue du PMOC, le Dr Gujjalu a évité de faire de commentaires publics sur le constat qu’il a pu dresser. Il a préféré éteindre son téléphone cellulaire et même Me Ramsaha n’a pas été en mesure de le joindre au téléphone dans la soirée d’hier en vue d’obtenir des premières indications au sujet de sa contre-expertise.
Mais du côté des membres de la famille du suspect présumé, l’on n’écarte pas la possibilité que celui-ci ait été victime d’actes de brutalité policière alléguée. Déjà, depuis jeudi dernier, le commissaire de police, Dhun Iswur Rampersad, est en présence d’une demande formelle d’enquête en vue de faire la lumière sur les blessures que portait Vishal Doorga depuis son hospitalisation à l’ICU de Flacq dimanche dernier.
« Cette affaire d’acute renal failure ne veut rien dire. Certes, mon client avait été placé en urgence à l’ICU depuis dimanche dernier. Il est évident qu’il y a eu une défaillance rénale. Néanmoins, les indications sont que depuis ce même jour, il portait des traces de graves blessures au corps. D’ailleurs, le médecin légiste a confirmé l’existence de ces blessures lors de l’autopsie en attendant d’obtenir confirmation des fractures. Tout cela pointe dans la direction que Vishal Doorga a été tabassé. Mais par qui ? La balle est dans le camp du commissaire de police pour faire la lumière sur cette sinistre affaire », a déclaré à Week-End Me Ramsaha.
Dans sa chronologie des faits depuis dimanche dernier, Me Ramsaha déclare que Vishal Doorga, qui avait déjà commis un acte similaire il y a sept ans sur une autre fillette, avait été livré à la police par des habitants, qui lui ont administré une correction au préalable. « Malgré tout, je constate que Vishal Doorga était en mesure de répondre aux questions des policiers ce dimanche après-midi. Une déposition a été consignée en bonne et due forme de lui. Il devait être en forme. Que s’est-il passé entre son arrestation et son admission à l’hôpital de Flacq. Le commissaire de police a tout intérêt de faire diligence dans cette affaire avec la décision de confier cette enquête à un magistrat », poursuit Me Ramsaha.
De son côté, Geeta Ramlollsingh, âgée de 55 ans, mère de Vishal Doorga, le coupable de la mort de son fils est tout désigné. « Il a été remis à la police et il était bien. Il marchait. Tout s’est joué lors de sa détention », déclare-t-elle en substance. Dans l’immédiat, il est extrêmement difficile de lui faire changer d’avis. « Mo ti pé atann mo garson retourné, c’est so kadav ki pou vinn lakaz ! » ne cesse de marmonner Geeta Ramlollsingh, recroquevillée dans une chaise, la tête penchée, les traits tirés. Elle continue à fixer obstinément le canapé recouvert d’un drap blanc et parsemé de pétales de roses sur lequel sera placée la dépouille de son fils. Elle est entourée de voisines venues lui témoigner de leur soutien. Accablée par un chagrin indicible qui habite son coeur, elle accepte néanmoins d’engager un semblant de conversation avec Week-End.
Il ne faut pas longtemps pour se rendre compte que la vie n’a pas été tendre à son égard. C’est le deuxième être qu’elle perd de manière tragique. Geeta Ramlollsingh a perdu son jeune époux alors âgé de 25 ans lorsqu’elle était enceinte de sa fille dans un accident de la route. Vishal Doorga était âgé d’environ un an. Elle a dû se battre en travaillant comme ouvrière dans une usine pour faire vivre ses deux enfants. Elle y travaille toujours pour subvenir à ses besoins. Absente par moment, elle confie que c’est à l’âge de 15 ans que son fils Vishal a manifesté des troubles psychiatriques et a dû avoir recours à des soins. Elle n’en dira pas plus. Elle ne s’explique pas non plus son geste de samedi dernier et restera muette. Pour elle, son fils était « enn bon garson. »
La dernière fois qu’elle l’a vu remonte à samedi dernier, peu avant la disparition de Vaishnavi Beeptochurn. « Nous avons tous deux partagé le repas offert par le shivala pour la fête de Grand-Bassin. Il m’a ensuite dit qu’il allait faire un tour et il n’est pas revenu », relate-t-elle avec un regard perdu. Outre l’angoisse d’une mère de savoir que son fils est traqué pour un délit présumé de pédophilie, Geeta Ramlollsing apprendra qu’il avait été appréhendé vers 14h dimanche dernier.
« Je peux comprendre qu’on veuille bien infliger des coups à un suspect mais de là à l’envoyer dans le coma et le tuer est simplement inacceptable ! » fulmine au même moment Hema Nugessur, 34 ans, soeur de Vishal Doorga. « Il est mort des suites des blessures infligées par la police. Comment peut-on frapper quelqu’un jusqu’à lui casser les côtes, lui abîmer les reins et lui perforer ses poumons ? Quelle est donc l’ampleur des coups et blessures infligés ? » poursuit-elle sous l’emprise de la colère.
« Lorsque j’ai rendu visite à mon fils mardi, il faisait peine à voir. Il était inconscient, branché à toutes sortes de fils reliés à des machines. Son visage était boursouflé et ses yeux noirs », raconte la mère. « C’est un meurtre qui a été commis contre un suspect certes, mais il est avant tout un être humain et il a une famille pour qui il compte », renchérit sa soeur, qui espère que justice sera rendue.
La mère de Vishal Doorga était consciente de l’état critique de son fils pendant la semaine car elle avait été aux renseignements sur la nature des blessures auprès des services compétents à l’hôpital. Mais elle était loin de croire qu’à 10h40 hier, des policiers viendraient frapper à la porte des voisins pour chercher les « papiers » de Vishal Doorga, qui avait succombé à ses blessures alors qu’elle allait se préparer à lui rendre visite à l’ICU de Flacq dans l’après-midi d’hier…

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