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Accident tragique dimanche dernier : « Se pa enn fami ki finn detrir. Se trwa », pleurent les proches

  •   Jean-Luc et Vanessa Bonnelame laissent trois orphelins

À Iris Lane, Morcellement Corps de Garde, Camp Levieux, depuis une semaine maintenant, le temps s’est arrêté brusquement vers 6h dimanche dernier. En un instant, la vie de non pas une, mais trois familles a basculé. D’abord celles des enfants, Shawn, 17 ans, Mary-Dawn, 14 ans et Hermione, 10ans. Ensuite, celle des Jean-Louis. Et également celle des Bonnelame. Un arrêt tragique avec la mort de Jean-Luc, 53 ans, et Vanessa Bonnelame, 38 ans, les parents de ces trois enfants. Le couple, sur le point de marquer 18 ans de vie commune le 18 décembre, mais aussi les 54 ans de Jean-Luc le même jour, a été cruellement arraché à la vie dans un accident de la route d’une intensité inouïe à Medine, Bambous, laissant derrière lui un néant insurmontable  pour leurs proches, plongés dans la désolation.

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«Se pa enn fami ki finn detrir. Se trwa. Nou tou ti viv enn sel. Se en vid enorm. Enn extra douler», dit Bryan Jean-Louis, le frère de Vanessa Bonnelame. Dans la modeste maison familiale, les Jean-Louis et les Bonnelame sont réunis autour des enfants de Vanessa et Jean-Luc. «Kouma sa bann zanfan la pou fer? Kouma kapav releve dan sa dram-la. Enn sel kout perdi mama, enn sel kout perdi papa», dit Claude Jean-Louis, le père de Vanessa. Bernard Bonnelame, le petit frère de Jean-Luc, le rassure : «Nou tou nou pou lamem. Nou bizin kontinie parey, nou rest ini, nou ser nou koud, nou diboute pou lavenir sa bann zanfan-la».

Shawn et Hermione, eux, sont silencieux. Ce jeudi matin, lorsque les proches de Vanessa et Jean Luc Bonnelame nous accueillent dans leur maison à Camp-Levieux, la petite sœur Mary-Dawn n’est pas là. Elle a accompagné sa grand-mère maternelle pour des démarches administratives. «So paran pa’nn resi felisit li. Li finn bien travay. Li pou mont dan Grade 8 direk», dit Bernard Bonnelame. Shawn, le fils, approuve de la tête. «Nos parents avaient beaucoup de projets pour nous», dit-il le regard perdu dans le vide.

« Mo pe ale », a dit Jean-Luc

Un vide poignant qui se ressent dans toute la maisonnée depuis dimanche dernier. «Li pa fasil pou nou. Enn sel kout tou finn arete», dit le frère de Vanessa, Bryan. Il a encore les dernières paroles de son beau-frère en tête, dit-il. C’était ce tragique dimanche matin. Lui revenait de sa fête d’anniversaire qu’il avait organisée un peu plus loin dans la région. Vanessa et Jean-Luc Bonnelame y étaient aussi présents. Mais ils sont rentrés beaucoup plus tôt, vers minuit, car Vanessa, chef de partie dans un hôtel à Flic-en-Flac, devait se rendre à son travail ce dimanche matin. Lorsque Bryan Bonnelame est rentré chez lui à Iris Lane, Jean-Luc était en train de mettre sa moto en marche. «Vanessa ti pe pare. Mo pa’nn trouv li, me Jean-Luc ti deor. Li dir mwa : Mo pe ale». Des mots qui sonnent comme un au revoir. Mais Bryan Jean-Louis était loin de se douter du drame qui allait se jouer quelques minutes plus tard.

C’est en effet aux alentours de 7h qu’un appel téléphonique alertera toute la famille. «Dabord il y a eu une bonne amie Roxanne, qui m’a téléphoné pour me dire que mon frère avait fait un accident», raconte Bernard Bonnelame. Il est loin de se douter que sa belle-sœur aussi est victime. Il se doute encore moins de l’ampleur du drame. Alors qu’il entreprend des démarches pour savoir où l’accident a eu lieu et ce qu’il en est, l’amie téléphone à nouveau et lui annoncer que lorsqu’elle a appelé sur le portable de Vanessa, c’est un policier qui a répondu. Parallèlement, un autre frère de Jean-Luc qui est arrivé sur les lieux a reconnu la moto de son frère. Il a aussi vu une partie du corps de Jean-Luc sur le bas-côté, dans les champs. Un véritable choc pour lui. Il n’arrive pas à y croire. Son frère, dit-il, était un conducteur très prudent. «Zame li roul vit. Zame li roul brit», dit-il. Désiré alerte alors tous les autres membres de la famille. Sa belle-sœur et son frère n’étaient plus. Ils n’ont pas survécu à l’impressionnant impact de la voiture qui a percuté leur moto.

L’autopsie pratiquée par le Dr Sudesh Kumar Gungadin, chef du service médico-légal, a révélé que le couple a succombé à de multiples blessures. À la suite de cet impact, le conducteur de la voiture qui les a percutés, âgé de 21 ans, a pris la fuite, abandonnant son véhicule. Il s’est rendu dans une clinique par la suite pour se faire soigner. Ce n’est que le lendemain que la police a pu le retracer. Il a par ailleurs refusé de se soumettre à un alcotest.

Pour les proches de Vanessa et Jean-Luc, à la douleur se mêle la colère. «Ki er li’nn sove ? Kifer zot dir homicide involontaire. Si li pa le fer alkotest, ki savedir?» demandent-ils. Tous sont anéantis, car Vanessa et Jean-Luc, «zot ti bann dimoun extra». Ils étaient toujours accueillants et serviables, disent les membres de la famille. C’était un couple uni. «Tou letan zot ti ansam. Tou seki zot fer, zot ti fer li a-de», disent unanimement leurs proches. «Zot ti bien debrouyar, ek ant zot, pas ti ena zom-fam, zot ti partaz zot latas parey, sakenn ed zot kamarad. Zot ti fer tou pou zot avanse ek ki zot zanfan pa mank narye», ajoutent-ils. Jean-Luc, qui était employé municipal à Beau-Bassin/Rose-Hill, faisait aussi quelques autres menus travaux dans la région, pour pouvoir joindre les deux bouts.

Retour précipité des enfants dimanche soir

Hermione, la petite dernière de Jean-Luc et Vanessa, sort soudain du mutisme. «Zot ti anvi nou parti ansam», dit-elle, la voix brisée par un sanglot. Des rêves, le couple en avait effectivement beaucoup pour leur famille. C’est pour cela que mari et femme travaillaient dur pour pouvoir économiser et améliorer la vie de leur famille. D’ailleurs, à force d’économies, ils avaient pu envoyer leurs trois enfants ensemble à Rodrigues, avec le groupe de scoutisme en ce début de décembre. Mais le séjour de Shawn, Mary-Dawn et Hermione qui devait durer une semaine a été écourté. C’est dans la précipitation qu’ils sont revenus dimanche soir, sans savoir la tragique nouvelle qui les attendait.

« Mo finn tom a-zenou devan zot »

«Nous avons été informés qu’il y avait un problème familial et qu’il fallait rentrer à Maurice au plus vite», confie Shawn. Si déjà à Rodrigues quelques personnes, sans se douter qu’ils n’étaient pas encore au courant du drame, leur a présenté leurs condoléances, les enfants ne se doutaient pas de l’ampleur du drame. C’est lorsqu’ils ont atterri à Maurice qu’ils ont appris la tragique nouvelle. C’est leur oncle Bernard qui la leur a annoncé à l’aéroport. Ce fut un moment très pénible, confie-t-il. «Pa ti fasil pou dir zot sa. Pa ti fasil pou dir zot mama, papa, inn fini. Ils ont crié et pleuré», dit Bernard Bonnelame, revenant péniblement sur ces instants.

«Mo pa ti pe krwar kan mo’nn tann sa nouvel-la», confie Shawn. Le cœur lourd, il rentre ainsi chez lui à Camp Levieux, avec ses deux sœurs. Et c’est le choc. Les enfants doivent se rendre à la réalité : ce sont leurs deux parents, sans âme, qui sont installés sur le canapé. Shawn raconte que «mo finn tom a-zenou devan zot. Mo leker ti pe desire». Hermione, elle, se tait. Elle regarde son frère, avec attendrissement, comme pour lui dire «nous sommes seuls maintenant». Mais ce ne sera pas le cas. Désormais, c’est entourés de leurs proches que ces enfants vont grandir. Sans doute sous la responsabilité des grands-parents. «Nou pou fer tou pou zot. Me li pa pou fasil», disent-ils conscients de la tâche qui leur incombe désormais. Outre l’organisation à mettre en place pour les enfants de Jean-Luc et Vanessa, il faudra aussi que leurs proches s’organisent pour reprendre la tâche de Jean-Luc qui s’occupait de son frère, Vivian Bonnelame, alité, victime depuis deux ans d’une attaque cérébrale avec plusieurs séquelles, le rendant invalide totalement.

Heureusement, suivant le témoignage de Bernard Bonnelame à la radio, après le décès de Jean-Luc et Vanessa, au cours duquel il s’est élevé contre les services hospitaliers qui ont toujours refusé une pension à son frère Vivian, les choses ont aujourd’hui évolué.

Vivian Bonnelame devrait être pris en charge par la Sécurité sociale et bénéficiera d’une pension et d’une aide pour que ses proches puissent s’occuper de lui. Avec le brusque départ de Jean-Luc, la famille espère désormais trouver un moyen pour que Vivian ne soit pas livré à lui-même durant la journée. Si cet issue représente une bonne nouvelle pour la famille, le vide laissé par le décès tragique de Vanessa et Jean-Luc est énorme pour leurs proches, qui sont en colère «kont sa bann sofer ki pa kone kouma kondir. Ki pa realize ki ena papa, mama, zanfan kapav soufer akoz zot». Ils demandent aux autorités d’être fermes avec les chauffards et d’être plus consciencieux «avek kisannla zordi zot pe donn lisans pou lor laroute, parski pa tou dimoun ki konn kondir».

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