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Économie et finances : La carte de New Delhi face à l’embourbement !

Une ligne de crédits de $ 500 millions, en guise de soutien budgétaire et pour le financement de l’extension du Metro Express au N°8, pas à écarter dans le tête-à-tête Jugnauth-Modi de cette semaine

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  STC : un trou de Rs 2,4 milliards à la fin de mars au Price Stabilisation Account pour l’essence et une autre détérioration financière de Rs 2 milliards d’ici à la présentation du budget en juin

  La BoM Tower prend à contre-pied le Grand Argentier sur la pénurie de devises avec une intervention massive de $ 200 M (Rs 8,6 milliards) après les derniers échanges sur la PNQ au Parlement

Cette première quinzaine du mois d’avril voit un embourbement sur plusieurs fronts, que ce soit des ripple effects de l’invasion de l’Ukraine par la Russie au front de la démocratie régionale, avec le renvoi des élections régionales, sans compter les arrestations et détentions abusives par la police, avec gopia comme simple remarque lancée à l’encontre d’un maire. Toutefois, qu’on le veuille ou non, la claque la plus coûteuse, soit au coût de Rs 8,6 milliards ($ 200 millions), a été administrée au ministre des Finances, Renganaden Padayachy, par le gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegoolam, au sujet de la pénurie jusque-là chronique de devises étrangères au comptoir des banques commerciales. Après les derniers échanges sur la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, sur la politique monétaire et le taux de change de la roupie, à la BoM Tower, les procédures ont été enclenchées pour opérer la single largest intervention sur le marché de change. Une opération de cette envergure, mise à exécution mercredi dernier, ne se décide pas en un tour de main. Pourtant, la veille, le ministre Padayachy s’était évertué à faire état des pratiques de hoarding de devises pour répondre aux pointes acérées du leader de l’opposition.

Dans l’immédiat, les regards sont braqués sur New Delhi, où se trouve le Premier ministre, Pravind Jugnauth, depuis ce matin. En principe, il est l’invité d’honneur de son homologue indien, Narendra Modi, pour la ground-breaking ceremony du WHO Global Centre for Traditional Medicine (GCTM) à Jamnagar, au Gujarat, devant se dérouler mardi. Cet événement verra également la présence du directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Ghebreyesus.

Toujours également au programme de cette visite officielle en Inde, Pravind Jugnauth sera appelé à participer au Global AYUSH Investment and Innovation Summit 2022 à Gandhinagar, au Gujarat, mercredi. Mais ce qui devra retenir l’attention des observateurs politiques et économiques demeure le tête-à-tête Modi-Jugnauth. Un communiqué émis par le Government Information Service note que plusieurs questions d’intérêt commun au niveau bilatéral et multilatéral devront être abordés.

À ce stade, aucune indication officielle n’a transpiré quant à l’agenda de ces échanges indo-mauriciens au plus haut niveau politique. D’aucuns affirment que dans la conjoncture, avec les effets conjugués de la pandémie de Covid-19 et de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a déjà passé le cap de l’escalade militaire, au point où la menace nucléaire se fait de plus en plus sentir, l’économie mauricienne aura bien besoin d’un parachute financier en vue de la présentation du prochain budget, probablement au cours de la première quinzaine de juin.

De ce fait, les discussions bilatérales de cette semaine à New Delhi devront impérativement comprendre un volet finances, d’autant que, récemment, l’Inde n’a pas hésité à mettre à la disposition du Sri Lanka un milliard de dollars pour permettre à cette dernière économie d’essayer de garder la tête hors de l’eau. À la veille du départ de la mission officielle du Premier ministre, des sources autorisées à l’Hôtel du gouvernement n’ont pas voulu anticiper les conclusions de ces discussions indo-mauriciennes cruciales.

« We have no idea », devait-on répondre à Week-End en quête de compléments d’information sur cette mission officielle du chef du gouvernement. Mais d’autres sources avancent qu’il ne faudra pas écarter le fait qu’un éventuel communiqué conjoint résumant les discussions pourrait faire état d’une nouvelle ligne de crédits de New Delhi à Port-Louis. Cette assistance financière pourrait être de l’ordre de 500 millions de dollars américains, soit un peu plus de Rs 20 milliards au taux de change en vigueur en cette fin de semaine. Néanmoins, aucune confirmation n’est disponible à ce jour.

Risques potentiels de déflagration

En cas de confirmation de cette ligne de crédits indienne, deux projets majeurs : une meilleure pénétration du Metro-Express à Quartier-Militaire/Moka (N°8), la circonscription du Premier ministre, et le fly-over du Quai D pour désengorger cette partie de l’axe routier national. La ground breaking ceremony de ce dernier projet s’est déroulée vendredi en présence de Pravind Jugnauth.

Au-delà du financement de ces projets d’infrastructure, démarche susceptible de relancer la polémique sur la pertinence des investissements dans le réseau de mass transit, la disponibilité de ces 500 millions de dollars devra soulager sur le front des devises étrangères. Notamment le temps que l’industrie du tourisme reprenne des couleurs ou encore le secteur manufacturier n’affiche une robustesse retrouvée.

D’ailleurs, en cette première quinzaine d’avril, il y avait urgence à calmer le marché de change. En effet, depuis le 11 mars dernier, le taux de change de la roupie vis-à-vis du dollar américain avait épousé la courbe ascendante, passant de Rs 44.35 pour s’installer au-dessus de la barre des Rs 45, soit Rs 45.13 le 7 avril. 24 heures après, une première intervention routinière de la Banque de Maurice avait apporté une accalmie, avec des risques potentiels de déflagration devant survenir à tout moment.

Devant la pression sur la demande pour des devises étrangères de la part des opérateurs économiques, sans compter la prise de risques des cambistes-spéculateurs, la Banque centrale a littéralement débordé le ministre des Finances sur ce plan. Ce dernier soutenait à cet effet à l’Assemblée nationale : « Jusqu’à présent, à part certains — et là je tiens bien à le dire — qui sont en train d’essayer à un jeu spéculatif sur la valeur de la roupie et qui retiennent des devises sur leurs comptes, et c’est pour cela que vous avez des banques qui refusent de leur vendre des devises, mais, en général, la Banque centrale est en train d’approvisionner les devises. » Un peu comme pour dire que tout va très bien, Mme la Marquise !

Mais le lendemain, la Banque de Maurice faisait voler la thèse se voulant rassurante du ministre des Finances, avec une single largest intervention en devises étrangères sur le marché local, soit 200 millions de dollars, dont 175 millions dollars en faveur des banques et 25 millions pour le compte de la State Trading Corporation (STC) pour assurer le financement des importations des denrées stratégiques, comme les produits pétroliers.

Toutefois, il est un secret de Polichinelle que la STC, brassant un chiffre d’affaires s’approchant des Rs 40 milliards, a basculé en zone rouge en dépit de sa générosité avec Rs 1,7 milliard de procurement lors de la première vague de Covid-19 à partir d’avril 2020. En marge de ce prêt de Rs 4 milliards consenti par le gouvernement pour repousser après le prochain budget tout nouvel ajustement des prix des produits pétroliers, la STC est engagée déjà dans la voie de la banqueroute.

Avec les Rs 4 milliards avancées en juin 2021 par le gouvernement pour le versement de la compensation du litige Betamax, la STC n’a pas été en mesure de rembourser la somme de Rs 2,4 milliards. En sus de cela, la STC n’a pas encore versé dans les caisses publiques un montant de Rs 1,6 milliard sous forme de Collection of Levies and Contributions in the Price Structure of Petroleum Products.

D’autre part, le montant des subventions sur les prix de vente au détail du riz, de la farine et du gaz ménager est de l’ordre de Rs 5 milliards annuellement. Sauf que le levy sur produits pétroliers perçus par la STC n’a rapporté que Rs 2,1 milliards, laissant un trou de Rs 2,9 milliards à combler.

« Significant uncertainty »

Et pour en venir aux prix pétroliers, le Price Stabilisation Account, qui était en déficit de Rs 1 milliard à décembre de l’année dernière, était en territoire négatif pour un montant de Rs 2,4 milliards à la fin de mars dernier. Pour le dernier trimestre de 2021-22, soit au 30 juin prochain, le déficit de la STC à être financé des fonds publics devra atteindre les Rs 4 milliards.

Dans cette équation budgétaire, cette hypothétique ligne de crédits de 500 millions de dollars de l’Inde devant être négociée par le Premier ministre « would be most welcome » par le ministre des Finances pour boucler le prochain exercice budgétaire. Et cela, même au mépris de la fleeting remark du directeur de l’Audit, qui souligne que la dette est devenue la principale source de revenus du gouvernement, soit Rs 47 sur chaque Rs 100 de recettes, bien devant les impôts, directs ou indirects.

Cette assistance financière susceptible de provenir de l’Inde pourrait également se présenter en anticipation au fait que « the global economy is now facing significant uncertainty over the Russia-Ukraine war. » Une étude en date de ce mois de l’ODI Emerging Analysis portant sur l’impact de la guerre sur des low and middle-income countries sur le continent africain classe Maurice à la 8e place des économies les plus vulnérables par rapport aux répercussions économiques et financières de la guerre en Ukraine.

« The most vulnerable African countries are those that have the highest indirect economic exposure to the global effects of the war combined with the lowest economic resilience. These countries include Cabo Verde, Comoros, The Gambia and Sudan, followed by Burundi, Djibouti, Lesotho, Mauritius, São Tomé and Principe and Sierra Leone. Among these countries, only Sudan has a direct economic exposure to Russia (i.e., 13 % of Sudan’s total good imports are from Russia) », lit-on à la page 25 de cette étude signée Sherillyn Raga, Reseach Fellow à l’ODI, et Laetitia Pettinott, Senior Research Officer à cette même institution internationale.

Une façon de rappeler — pour ne pas dire kas somey — aux Top Chefs de Lakwizinn du Prime Minister’s Office qu’avec l’absence de visibilité à l’horizon et en dépit de la conclusion des négociations au sujet de cette ligne de crédits de l’Inde, les perspectives pour un retour du feel good factor se présentent comme relativement aléatoires…

 

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