La dernière édition du rapport sur la Governance Mo Ibrahim Foundation — 2024 IIAG se présente comme un invité inattendu à la campagne menant aux prochaines élections, devant se dérouler le dimanche 10 novembre. Ce rapport, rendu public en fin de cette semaine, dresse un constat des plus accablants sur la bonne gouvernance à l’encontre de la république de Maurice, qui perd sa première place en Afrique au profit des Seychelles. Ce bilan sans appel porte sur la période des dix dernières années, soit à partir de 2014, coïncidant avec l’avènement du gouvernement dirigé par le Mouvement Socialiste Mauricien (MSM) après les élections de 2014, et est accompagné par la remarque que Maurice, en termes de bonne gouvernance, a épousé la courbe descendante, notamment Deteriorating. Mais cette tendance à la détérioration est plus préoccupante par rapport à la Security and Rule of Law. Et ce, avant le déferlement des Missie Moustass Leaks avec les enregistrements des écoutes téléphoniques illégales. Pourquoi cette évaluation sur les dix dernières années et aujourd’hui ? Le choix revient à la Mo Ibrahim Foudation, l’institution internationale la plus chérie de l’Hôtel du Gouvernement de ces dernières années.
La Mo Ibrahim Foundation affirme par rapport à Maurice que cette descente aux enfers, engagée depuis dix ans déjà, a connu une nette accélération au cours du dernier mandat du Premier ministre, Pravind Jugnauth, notamment les cinq dernières années. La citation dans le rapport, consacrée à Maurice, est édifiante à plus d’un titre: « Mauritius’s Overall Governance score has deteriorated over the last decade (2014-2023) and has done so at an accelerated pace over the most recent five years (2019-2023). Mauritius has deteriorated in all four IIAG categories since 2014. Mauritius has deteriorated the most in Participation, Rights & Inclusion, driven by decline in the sub-categories Participation, Rights and Inclusion & Equality. »
Plus loin, le rapport ajoute que « between 2014 and 2023, Mauritius has deteriorated in 11 out of the 16 IIAG sub-categories. It has deteriorated in all sub-categories of the Security & Rule of Law category. The category to have seen the most sub-categories improve is Foundations for Economic Opportunity. In 2023 Mauritius does not rank below the continental average for any sub-category and ranks among the top ten for 15 of the 16 sub-categories. »
D’un point de vue général au tableau de la Good Governance, Maurice a perdu quatre points, ce qui classe le pays dans la catégorie, regroupant onze pays sous la rubrique With Increasing and Worsening Deterioration, dont le Botswana, le Burkina Faso, l’Eswatini, la Guinée, le Mozambique, le Nigeria, le Sénégal, le Soudan, la Tunisie et l’Ouganda. Vraiment des Strange Bedfellows pour Maurice au tableau de la Good Governance. « These countries are home to almost 1/3 (29.3%) of the population, there has been deterioration since 2014 and the pace of this is even worsening over the second part of the decade. »
Par contre, à côté de Maurice, dans l’océan Indien, l’archipel des Seychelles connaît le printemps de la bonne gouvernance, de la démocratie et du respect des droits fondamentaux. Par contraste, avec un bond de dix points, la république des Seychelles déclasse Maurice de la première place. Comme susmentionné, parmi les indicateurs les plus touchés, Maurice a été sanctionnée par une baisse drastique dans les domaines de la sécurité et de la sûreté, ainsi que dans le respect des droits, de la participation, et de l’État de droit.
« This concerning overall trend is driven by the ongoing deterioration of Security & Rule of Law, which has been the most deteriorated category since 2014 (-1,6 points), as well as, to a lesser extent, by the irregular trajectory of Participation, Rights & Inclusion, ending with a loss of -0,2 points between 2014 and 2023. For both categories, the pace of deterioration has even worsened in the latest five years. Deterioration is worst in the Security & Safety and Participation sub-categories, with a substantial loss of -5.0 and -4.5 points respectively, while Rights (-2,8) and Accountability & Transparency (-1,4) also decline, but to a lesser extent », affirme l’analyse de la Mo Ibrahim Foundation.
Cette notation au titre de la Good Governance est établie sur la base d’une série de critères. « Mauritius scores below the continental average for six of the 96 IIAG indicators. Mauritius improved in 32 out of the 96 indicators between 2014 and 2023, and declined in 55. No change was registered in five indicators », fait ressortir le rapport, qui laisse voir que les libertés personnelles, considérées comme le point d’orgue de la démocratie à Maurice, ont essuyé des contrecoups de manière substantielle, de même que la perception publique de la liberté d’expression et l’accès aux services publics. Situation identique pour la protection contre la discrimination.
Ainsi, les progrès enregistrés à Maurice en ce qui concerne l’accès à Internet et aux facilités technologiques, n’ont pas été suffisamment solides pour faire le contrepoids aux atteintes à la démocratie, soit la sécurité et aux droits humains à Maurice. Comme pour mieux résumer la chute vertigineuse de Maurice, le Main Report de la Mo Ibrahim Foundation souligne que « four top 10 countries –Botswana, Mauritius, Namibia and Tunisia –also feature among the top 10 most deteriorated countries over the decade. »
Cette détérioration dans les pratiques de bonne gouvernance à Maurice suscite de vives inquiétudes dans des milieux autorisés, compte tenu des répercussions potentielles. C’est ce que laisse entendre la Dr Adeelah Kodabux, membre du panel d’experts de Mo Ibrahim Foundation et directrice de la recherche à Maurice. Elle met en garde contre cette tendance de la détérioration et les conséquences sur le long terme au chapitre de la démocratie et réclame des mesures d’urgence et d’envergure en vue de redresser la barre.
Pour l’ensemble des pays d’Afrique, l’un des points les plus préoccupants du rapport est la détérioration de la sécurité et de la protection sociale, ainsi que la montée des inégalités. Les auteurs indiquent que malgré des avancées dans certains domaines, la perception des citoyens révèle une insatisfaction croissante. Cette frustration est alimentée par la pauvreté persistante et l’inefficacité des gouvernements à répondre aux besoins essentiels.
Malgré le tableau général sombre, Mo Ibrahim reste optimiste quant à l’avenir du continent, en grande partie grâce à la jeunesse africaine. Il estime que les jeunes sont mieux informés et déterminés à changer les choses. Ce dynamisme pourrait être la clé pour surmonter les obstacles actuels et redynamiser la gouvernance en Afrique.