L’actualité du week-end est marquée par les funérailles du pape François. Que l’on soit croyant ou pas, il serait malséant de ne pas reconnaître qu’il a choisi d’aller au-delà de sa stricte mission de diriger l’Église catholique. Ce pape a été présent sur tous les fronts : sociaux en évoquant des sujets délicats en essayant de garder la doctrine de l’église, tout en pratiquant une certaine ouverture. Il n’a pas été avare de commentaires sur les guerres sanglantes qui traversent notre période. Il reste désormais à savoir si son successeur apportera un coup de jeune au Vatican et s’il impulsera un souffle nouveau à un culte déclinant et en crise de vocations.
La mort du pape ne devrait toutefois pas nous éloigner de ce qui fait notre vitalité démocratique retrouvée. On entend, ici et là, une drôle de petite musique selon laquelle les prochaines municipales seraient sans intérêt. Elles emboîtent le pas à ceux qui, digérant difficilement encore leur débâcle historique aux dernières élections générales, ont choisi la fuite en avant en avançant des prétextes fallacieux pour expliquer leur non-participation à ce scrutin qui, faut-il le souligner, intéresse 400 000 de nos concitoyens.
Ces élections ne seraient apparemment pas crédibles et ce ne serait donc un détail, une banalité à ignorer. Non, une élection est toujours importante en démocratie et celle du 4 mai l’est davantage, parce que ce droit acquis a été refusé depuis 10 ans aux habitants des villes, tandis que ceux des villages avaient été conviés depuis novembre 2020. À peine le confinement interrompu.
On peut aisément comprendre quel était alors le calcul. Ces élections intervenaient une année après les élections législatives de 2019. Il fallait battre le fer pendant qu’il était encore chaud et mobiliser un électorat que le MSM voyait acquis, mais il avait déjà été désavoué dans au moins deux conseils de district, ceux de Grand-Port où, malgré tous les moyens exécrables employés par le gouvernement de Pravind Jugnauth pour destituer le travailliste Rajiv Kumar Jangi, celui-ci tient toujours bon, tandis qu’à Savanne, le marchandage institutionnalisé des mafieux avait finalement eu raison du militant Ravin Jugurnauth, qui a néanmoins pris une belle revanche contre ses tombeurs en se faisant élire dans ce qui était supposé être le fief d’Alan Ganoo.
Il ne peut pas y avoir deux catégories de citoyens dans un même pays, ceux qui ont le droit de voter parce qu’ils habiteraient une région particulière et d’autres qui seraient moins qualifiés pour exercer leur droit démocratique alors même qu’ils ont jusqu’à récemment été les seuls à payer une taxe immobilière.
Quels sont les arguments qu’utilisent ceux qui se sont assigné la mission de démobiliser l’électorat urbain ? C’est un scrutin sans saveur ni enjeu parce que le MSM, le PMSD et quelques autres partis qui composaient l’attelage gouvernemental de triste mémoire n’y participent pas.
Ce sont des fadaises. Que les grands battus du dernier épisode de 60/0, très échaudés, ne veuillent pas se mouiller de peur de prendre une seconde raclée, cela peut se comprendre. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il n’y a pas de bataille pour la conquête ou la reconquête des villes si malmenées et si appauvries depuis des années. Les partis qui forment la majorité gouvernementale auront en face d’eux ceux de la mouvance extraparlementaire, ça suffit pour apporter un peu de piment à cette joute.
Dire que l’absence de quelques formations historiques enlève tout enjeu à ces élections est une forme de mépris pour ceux qui participent, d’où qu’ils viennent, qu’ils soient de formation récente, des regroupements ou des indépendants. Il y a même un petit côté fascisant à tenir de ce genre de propos.
Qu’il y ait un petit calcul dans la tenue de ce scrutin six mois après les générales et quelques semaines avant le budget, c’est certain. L’objectif est visiblement de capitaliser sur le succès électoral obtenu en novembre 2024 et miser sur le triste spectacle du défilé des malfrats de l’ancien régime à la Financial Crimes Commission pour garder les troupes mobilisées.
Il s’agit aussi de profiter de la période de grâce qui s’achève. Et mettre toutes les chances du côté des candidats de la majorité avant peut-être les quelques pilules amères à administrer dans le prochain budget pour redresser les finances du pays dont l’état est calamiteux. On a, cette semaine même, témoigné de l’ampleur des budgets supplémentaires requis pour couvrir les extravagances irresponsables de l’ancien régime.
Quant aux réformes que certains réclament à cor et à cri alors que le ministère des Administrations régionales s’est déjà engagé dans un exercice de consultations en vue de recueillir les vues les plus larges possible avant de procéder à un nouveau Local Government Bill, elles sont de mauvaise foi.
Ce n’est pas que le gouvernement chôme depuis novembre. Tout est prioritaire et, les urgences, nombreuses. L’Assemblée nationale vient de voter l’importante loi sur la drogue et sur la réhabilitation des toxicomanes. D’autres législations importantes ont déjà été introduites et adoptées. Le conseil des ministres a approuvé, vendredi, la décision de confier au bureau de l’Attorney General la confection de la nouvelle loi sur la violence intrafamiliale qui continue de faire tant de victimes, le Domestic Abuse Bill. C’est dire que l’on ne peut pas tout faire en même temps.
La nouvelle loi-cadre de l’administration régionale devrait, comme la dernière ébauche de 2003, aller vers la municipalisation du pays. On espère qu’elle mettra fin à cette opposition dépassée villes/villages et que tous, y compris ces smart cities cossues, qui bénéficient de tous les services, voirie, éclairage et des meilleurs tronçons routiers, seront appelés à participer financièrement à la vie de leur quartier.
On est à une semaine du scrutin. La meilleure chose que les citadins ont à faire c’est de participer pour ne pas ensuite nourrir de regrets de ne pas avoir fait le bon choix pour leur ville. Il vaut mieux avoir une élection basée sur une loi régionale imparfaite que pas d’élection du tout. Il faut voter. C’est là tout le sens du scrutin de dimanche prochain. Aux urnes citoyens…