Le principal suspect, Al Madani Hossenally se retrouve en détention et 8 accusations provisoires ont déjà été logées contre lui
Le silence, Sara le portait comme un fardeau depuis deux décennies. Cette mère célibataire a décidé de passer à l’action. L’habitante de Plaine Verte a décidé de prendre son courage à deux mains et de sortir de son mutisme en allant dénoncer son ex-mari. Les faits remontent à 20 ans de cela, alors qu’elle venait à peine de souffler ses 15 bougies. Ayant contracté un mariage religieux de force, la victime que l’on prénommera Sara (prénom modifié) dit s’être retrouvé au piège et ne pouvant qu’accepter son sort. Dès ce jour, la victime a vécu un calvaire quotidien entre 2004 et 2018. Aujourd’hui âgée de 35 ans, Sara se confie dans un entretien exclusif accordé à Week-End sous le couvert de l’anonymat. En sus de ses souvenirs cruels, des vidéos intimes ont commencé à fuiter à travers des médias sociaux. Malgré « l’inaction de certains policiers », cette maman célibataire a su trouver une main tendue auprès d’un haut gradé de la force policière.
4 avril 2025. Une nouvelle vidéo fait surface. C’est la goutte d’eau de trop ! Le frère de Sara lui montre une vidéo sur son téléphone portable. En la visualisant, elle tombe des nues en s’apercevant qu’elle est encore l’actrice principale d’un film érotique amateur. Humiliée, blessée et indignée, elle décide alors de sortir de son silence. Jusqu’ici, elle avait décidé de cacher ce secret bien gardé et n’avait jamais eu le courage de dénoncer son bourreau, le père de ses deux enfants. Elle commence alors son combat acharné. Malgré les refus, la victime décide de tenir tête et de rester droite dans ses bottes en voulant dénoncer ces actes odieux et inhumains. Elle avait essayé de se tourner une première fois vers la police en 2023 en consignant une plainte au poste de police de Vallée Pitot contre Al Madani Hossenally, travaillant comme clerc chez un notaire, pour avoir diffusé ses images intimes. Mais la plainte tombe dans l’oubli et aucune action concrète n’est prise. La police informe Sara que le nécessaire a été fait auprès du suspect. Alors que la victime croyait avoir accompli la tâche la plus difficile en décidant de briser le silence, l’inaction des autorités est décourageante.
Lorsque ses vidéos fuitent à nouveau le 4 avril 2025, Sara décide de tout raconter. Mais à qui ? se demande-t-elle. Elle se dirige alors au poste de police de Plaine Verte et s’en remet à l’ASP Rajesh Moorghen. La victime arrive, enfin, à ses fins en dénonçant son bourreau avec un officier qui prend les choses très au sérieux. L’assistant surintendant de police se saisit tout de suite de cette enquête policière et prend les devants. Il effectue alors un travail minutieux puisque cette affaire date de 20 ans. Pour ce haut gradé de la police, le temps écoulé n’est aucunement une barrière à cette enquête puisque dans le passé, il a réussi à résoudre une autre affaire de ce genre. Rajesh Moorghen avait réussi à élucider le meurtre de Barthélemy Azie, survenu en 1999, à l’île Rodrigues.
La victime se confie enfin complètement et déballe tout sur son passé dans une version plus longue enregistrée dans sa plainte auprès du haut gradé. Elle raconte que le 25 novembre 2004, soit le lendemain de ses 15 ans, l’adolescente se retrouve forcée à se marier. « J’ai vécu dans une famille traditionnelle. Mon père était quelqu’un de très strict et autoritaire. D’ailleurs, j’ai dû arrêter mes études à l’âge de 12 ans alors que j’étais seulement en sixième (Grade 6). Et lorsque Al Madani Hossenally a fait sa demande de mariage, mon père a accepté. Je n’avais pas d’autre choix. Et c’est à partir de cela que tout a commencé, en quittant le domicile familial », relate Sara à Week-End.
À peine mariée, elle est constamment victime d’abus sexuels et de sodomie par nul autre que son mari. Ce n’est pas tout. Elle soutient qu’Al Madani Hossenally incluait également trois autres hommes qui lui sont proches dans leurs ébats sexuels. En sus de cela, ces rapports non consentis sont filmés par le suspect. « Entre temps, je suis devenue mère de deux fils. L’aînée a pris naissance alors que j’avais seulement 19 ans. Avec le temps, j’ai appris à fixer les limites avec mon mari. En 2018, j’ai commencé à lui dire STOP ! Mais je n’avais aucune part où aller. Ce n’est qu’en 2020 que j’ai demandé à ma mère de me permettre de revenir chez elle. Heureusement que ma sœur m’a aidée à m’en sortir parce que mon mari n’aurait jamais accepté que je quitte sa maison», poursuit Sara.
Cette habitante de Plaine Verte réussit enfin à se libérer de son bourreau en obtenant le divorce le 13 juillet 2022. Le 4 avril 2025, alors que son mari avait la garde parentale sur ses deux fils, Sara dit avoir appris que son fils aîné est victime de brutalités. Cette situation provoque la colère de la mère et elle décide de prendre ses enfants. À peine quelques heures plus tard, les fantômes du passé refont surface avec les sextape sur la toile via une plateforme de messagerie en ligne. Une vidéo est même adressée au frère de Sara.
Ayant pris sa déposition, l’ASP Rajesh Moorghen et ses hommes, dont les Inspecteurs de police Noordally et Mahadoo, commencent alors à enquêter et découvrent des éléments d’information troublants. Le haut gradé responsable de l’enquête prend connaissance de l’ampleur de cette l’affaire et s’aperçoit que le suspect a contracté quatre mariages religieux en tout. La thèse qu’il y aurait d’autres victimes commence alors à être évoquée. Sara, pour sa part est la seule avec qui il s’est marié légalement. Le couple a eu deux fils. Alors que l’enquêteur continue de rassembler les éléments, il interroge une autre des épouses du suspect, habitant Quartier Militaire. Hanna (prénom modifié) décide aussi de briser le silence. Mariée depuis 2022, elle dit avoir aussi été forcée à avoir des relations sexuelles avec un autre individu. Le suspect lui aurait proposé de la conduire chez son ami pour un massage du corps, mais elle dit avoir catégoriquement refusé. Cependant, le suspect est revenu à la charge une nouvelle fois. Cette fois-ci, il décide de la forcer à l’accompagner. Sur place, selon les dires de la plaignante, il la laisse avec un individu qui lui force à avoir des relations sexuelles avec lui. Plus tard, elle dit avoir eu une conversation avec l’individu en question. (Voir le témoignage de Hanna en hors-texte).
Avec cette nouvelle plainte, l’ASP Rajesh Moorghen et ses hommes arrivent à obtenir un mandat de perquisition au domicile du suspect vivant à Pailles. Sur place, les policiers sécurisent plusieurs appareils afin d’être examinés. Un ordinateur portable, un disque dur portable, une smartwatch, quatre caméras, une enveloppe grise scellée, une console de jeu, un téléphone portable, des disques compacts incluant l’un d’eux intitulé « Trafic humain », une taie d’oreiller avec des motifs à fleurs (une taie d’oreiller de ce genre se trouvant sur la vidéo avait circulé), un dossier de contravention PF 194 vierge ainsi qu’un document de la police sont retrouvés. La police informe le suspect qu’être en possession de ce document est un acte illégal. Réplique du suspect : « Mo pa kone kouma sa inn vinn isi. »
Suivant ces deux plaintes, Al Madani Hossenally est, alors, placé en état d’arrestation. Comme une délivrance, Sara lance : « Ce jour-là, je n’y croyais pas. Franchement, c’était impossible pour qu’une telle chose se produise ! Mais à la fin, lorsque j’ai eu la confirmation, j’étais tellement soulagée et contente que je me suis acheté un plat de briani », confie-t-elle en rigolant.
Al Madani Hossenally a ainsi comparu à plusieurs reprises, cette semaine, devant la Cour de Port-Louis et celle de Pamplemousses. La police a objecté à sa remise en liberté conditionnelle. Craintive, Sara reste, toutefois, sur ses gardes et redoute que son ex-mari soit à nouveau libéré, avec les représailles potentielles d’avoir raconté son martyre. « J’ai peur pour ma vie et celle de mes deux enfants. Que va-t-il se passer s’il arrive à s’en sortir ? », se demande-t-elle, inquiète.
Pour l’heure, l’enquête est toujours en cours. Quatre suspects sont dans le viseur de la police.
Nouveau mariage, nouvelle victime, nouveau témoignage
Hanna, (mentionné plus haut) mère de deux adolescentes de 13 et 15 ans a aussi contracté un mariage religieux avec Al Madani Hossenally depuis 2022. Dans un entretien accordé à Week-end, la victime présumée âgée de 38 ans, habitante de Quartier Militaire dit avoir rencontré le suspect en question sur les réseaux sociaux. « J’ai malheureusement été manipulée par son image et son apparence. Il avait une bonne réputation tout comme sa famille qui est pieuse. Il a su comment faire pour me tromper et malheureusement, j’étais amoureuse de lui », dit-elle en larmes. Alors qu’Hanna continue de se confier, sa voix devient de plus en plus enrouée. La trentenaire dit avoir appris que ses photos intimes avaient été partagées avec un autre individu. Ce n’est qu’au cours de ce mois d’avril 2025 qu’elle a eu le courage de dénoncer tous les actes qu’elle a subis de la part du suspect.
Après plusieurs coups reçus, une plainte pour violence domestique avait été consignée par Hanna le 19 février 2024 au poste de police de Pailles. Les agents des forces de l’ordre étaient intervenus et avaient placé le suspect en état d’arrestation. Après sa comparution devant la justice, il a retrouvé la liberté conditionnelle le lendemain. « Il a partagé ma vie pendant un an et 8 mois en tout. À un moment donné, j’ai même aperçu des photos intimes de plusieurs autres femmes sur son téléphone portable. Il avait envoyé ces photos à ses amis. J’espère que les autres victimes vont également venir de l’avant et dénoncer ces actes. »
Après avoir quitté le toit d’Al Madani Hossenally, Hanna a dû retourner chez ses parents avec ses deux filles. Je fais un appel aux autorités. « Tout comme Sara, je suis également mère célibataire. Nous avons tous les deux un travail puisque nous devons prendre soin de notre famille. Mais nous vivons avec nos enfants dans une maison de location. J’espère que notre appel à l’aide sera entendu », conclut-elle.
Une autre victime brise le silence et dénonce l’inaction policière
Suivant deux textes publiés sur cette affaire sur notre site internet lemauricien.com au cours de cette semaine, une mère de deux enfants, aujourd’hui âgé de 51 ans a également pris contact avec l’un de nos journalistes affirmant avoir porté plainte pour ‘revenge porn’. Une plainte au Cybercrime Office de la police avait d’ailleurs été consignée depuis 2022. Joint au téléphone, elle dit préférer garder l’anonymat et allègue que son ex-mari a envoyé ses photos intimes à plusieurs individus. Ce qui nuit entièrement à sa réputation. Cependant, bien que cette affaire ait été rapportée aux autorités concernées, aucune action concrète n’a été prise. « Personne ne m’a jamais contacté après que je sois allée chercher de l’aide », nous affirme-t-elle avant de lancer un appel aux autorités : « J’ai besoin que quelqu’un entende mon appel à l’aide. Il faut que le coupable soit puni pour ce qu’il a fait. »