Candlelight à Chrysalide — Laurence : « Ce n’est plus le VIH qui tue, mais la stigmatisation »

Un rassemblement public – avec des artistes engagés, des associatifs et des représentants du gouvernement – est prévu le 18 mai à la lueur des bougies. C’est au Caudan, à Port-Louis, que sera en effet marqué l’International AIDS Candlelight Memorial en hommage aux personnes décédées de causes liées au VIH et aux survivants. À Maurice, où la hausse des nouvelles infections est passée à 44% de 2023 à 2024, de plus en plus de personnes sont concernées. Pour contribuer à la prise de conscience, le centre Chrysalide a tenu son Candlelight le 16 avril à Bambous. Une cérémonie intime, empreinte d’émotions, marquée par des témoignages de survivantes qui ont expliqué comment elles affrontent le virus et les regards.

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« Aujourd’hui, cela fait huit ans que je vis avec le VIH. Au début, j’avais du mal à accepter cela. Je me disais : Non ! Impossible, pas moi ! Pourquoi moi ? » témoigne celle au nom d’emprunt  Laurence. La stature haute, la voix claire, cette élégante femme de 40 ans ajoute : « J’avais envie de mourir. Je ne pouvais pas aller prendre le traitement parce que j’avais honte. Que diraient les gens à mon sujet ? Comment réagirait ma famille ? »

Il lui a fallu du courage et le soutien que lui a accordé le centre Chrysalide pour qu’elle arrive à s’assumer. « J’ai fini par apprendre à vivre avec, à faire face à la réalité. Certes, comme le diabète et le cancer, c’est une maladie incurable. Mais grâce au traitement, je peux vivre avec », poursuit-elle sous la véranda du centre de Bambous, qui est balayé par les derniers rayons de soleil. Dans quelques minutes, avec les autres résidentes de cette ONG qui encadre des femmes souffrant de dépendance aux drogues, Laurence allumera une bougie à partir du foyer placé au centre.

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Un geste symbolique fort, destiné à rendre hommage aux personnes mortes des conséquences liées au VIH et à exprimer la solidarité à ceux qui sont infectés et affectés. « Je sais comment combattre ce virus. Le traitement renforce mes anticorps pour que je continue à vivre, et c’est ce qui fait que je suis devant vous. »

Mais malgré les avancées, la souffrance et les morts persistent à cause du regard des autres : « Ce n’est plus le virus qui tue, mais la stigmatisation et la discrimination. J’ai tellement d’amis qui n’ont pas eu la même chance que moi et qui ont été rejetés. Si la société pouvait les lapider, elle l’aurait fait. Pourquoi ? » se demande-t-elle encore, avant de rapprocher sa bougie de la flamme.

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« La lutte n’est pas terminée »

Il y a quelques jours, l’émotion était palpable à Chrysalide, qui a tenu son Candlelight avant le grand rassemblement prévu le 18 mai au Caudan, à Port-Louis. Pour Laurence, les résidentes et animatrices du centre et leurs invités, le moment se voulait sobre et solennel. « Ce soir, que ces lumières fragiles et puissantes nous rappellent que la lutte n’est pas terminée », dit Mélanie Babet, animatrice du centre. « Continuons à briser le silence, à combattre la stigmatisation et à bâtir un monde où vivre avec le VIH ne signifie plus devoir vivre dans la peur et l’isolement ! » ajoute-t-elle.

Un message qui fait écho aux observations rapportées dans le People Living With HIV Stigma Index suivant une enquête étendue menée à Maurice et à Rodrigues. Dans les grandes lignes, elle indique que 78% des personnes vivant avec le VIH craignent de parler de leur statut sérologique. Par ailleurs, 10% ont subi des violences physiques, 18% ont fait l’objet de rumeurs. Tandis que les violences verbales ont touché 16%. 5% ont été socialement exclus et 8% ont été rejetés par leur famille.

Et ce n’est pas tout : 36% ont subi des remarques discriminatoires et 19% ont vécu la stigmatisation sur leur lieu de travail. 12% ont été privés de soins dans les centres de santé. Cet environnement peu inclusif provoque chez certains de l’auto-stigmatisation et divers troubles. De même, 22% ont perdu confiance en eux-mêmes et 37% ont plus de mal à gérer leur stress.

Les intervenantes à la cérémonie de Chrysalide ont mis l’accent sur l’importance du traitement, qui est dispensé gratuitement. À ceux qui se font suivre médicalement malgré les contraintes, Mélanie Babet souligne : « Il ne faut pas abandonner. Car derrière le traitement, il y a une promesse : celle de vivre mieux, plus longtemps, et de rester en contrôle. »

Malgré toutes ces avancées médicales, il est à souligner qu’une moyenne de 200 personnes meurt chaque année des causes liées au VIH, plusieurs ayant abandonné le traitement à cause de la stigmatisation.

CAUDAN | Le 18 mai : Musique, bougies et recueillement

Blakkayo, Sayaa, Richard Beaugendre et Christopher adopteront un ton de circonstance dans leurs chansons sur la scène du Caudan Waterfront pour marquer l’International Aids Candlelight Memorial le 18 mai. Ces artistes ont répondu favorablement à l’appel des organisateurs pour que l’hommage aux personnes décédées et aux survivants marque les esprits et les cœurs.

Cet événement, ouvert au public, est organisé par les organisations AILES, CAEC, Centre de Solidarité, Chrysalide, CUT, DRIP, ECO-Sud, LakazA, OUT Maurice, PILS et YAQ. Plusieurs ministères et membres du gouvernement s’associeront à cette activité observée à travers le monde.

Le but sera aussi d’attirer l’attention sur la situation du VIH à Maurice, où une hausse dans les nouvelles infections a été constatée. Les 549 tests positifs de 2024 affichent en effet une augmentation de 44% comparativement à 2023. 50% de ces nouvelles infections ont été occasionnées lors de rapports sexuels non protégés entre hétérosexuels.

Par ailleurs, 45% concernent les usagers de drogues par voie intraveineuse. Ces nouvelles infections sont surtout observées chez les jeunes de 24 à 34 ans.

Le thème du 18 mai sera Ase ! Un cri qui viendra fustiger le silence, l’ignorance et le jugement.

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