Eh oui, les tangues sont de sortie. Il y a comme une soudaine agitation chez des politiques qui se morfondaient dans le karo kann où ils avaient été sommairement expédiés par un peuple excédé par les dérives en tous genres d’un pouvoir tentaculaire, divisionniste et autocrate, incarné par le MSM et ses soutiens. Avec les municipales en vue, même ceux qui ont lâchement fui le rendez-vous avec l’électorat urbain pensent pouvoir, au gré des apparitions publiques, se refaire une santé. Tablant, sans doute, sur une amnésie populaire.
Lorsqu’on est en démocratie, il est dans l’ordre des choses de favoriser la confrontation des voix contraires. Mais que ceux qui viennent d’obtenir leur bon de sortie du pouvoir se posent en donneurs de leçon, c’est faire preuve quand même d’un sacré culot ! Et lorsqu’on constate qu’ils sont nombreux à défiler en ce moment même devant la Financial Crimes Commission pour des délits d’une extrême gravité et pour un pillage inégalé de deniers publics, il y a de quoi s’étonner de tant d’audace déplacée.
Il est vrai que la critique est essentielle à la vitalité d’une démocratie. Et il y a, certainement, des décisions du gouvernement qui méritent d’être dénoncées. On peut, par exemple, citer l’étrange entreprise de recyclage d’anciens proches du MSM qui, en plus, collectionnent de gros squelettes dans leurs placards.
Il en est ainsi des récentes nominations dans les secteurs sensibles et exigeants en terme de qualité et d’intégrité des recrues. Cela met en tout cas plutôt à mal les engagements pris pour plus de transparence, de méritocratie et de bonne gouvernance. Il n’est, d’ailleurs, pas trop tard pour revoir certains choix pour dire le moins malheureux.
Mais de là pour des dirigeants du MSM “of all people” à se poser en gestionnaires vertueux et à se croire autorisés à admonester un gouvernement qui n’est installé que depuis six mois, il y a définitivement quelque chose d’indécent dans leur posture. Il semble, d’ailleurs, qu’un genre de mot d’ordre ait été passé pour tenter de montrer un visage plus combatif face aux tuiles que prennent en pleine figure la plupart des dirigeants du parti.
Cela a commencé avec l’arrestation du grand chef Pravind Jugnauth, puis de plusieurs autres dirigeants en vue du MSM. Si Renganaden Padayachy, doublement épinglé cette semaine, apparaissait esseulé et lâché par ses anciens collaborateurs au début de ses visites à la FCC à Réduit, des instructions ont visiblement été données pour que quelques unes des figures les plus vocales et contestées du parti se manifestent.
Ce qui a abouti au spectacle loufoque du tandem Deepak Balgobin et Bobby Hureeram devant la Cour intermédiaire, cette semaine, pour soutenir leur collègue, l’ancien ministre des Finances. Plus que la présence obligée pour présenter un front solidaire, c’est le discours qui a choqué. Selon celui qui craignait que “laptop eklate” en marge de l’affaire de “sniffing”, le défilé des membres de l’ancien gouvernement à la FCC ne serait, selon lui, que l’œuvre d’une machination et de la “persécution politique”.
Pour donner un semblant d’existence à un MSM terrassé par un 60/0, amplement mérité, le leader de l’opposition, accidentel mais à la parole cependant légitime de par sa fonction constitutionnelle, a, lui aussi, été envoyé au front. C’est flanqué des candidats battus de son parti que Joe Lesjongard a essayé de ressusciter un parti incapable de se présenter aux prochaines municipales.
Ils parlent comme si les dossiers scrutés par l’agence de répression des crimes financiers reposaient sur du vent et que des milliards ne se seraient pas volatilisés pour atterrir dans certaines poches. Comme si des proches n’avaient pas obtenu des facilités, des contrats et des faveurs scandaleuses comme des taux d’intérêt préférentiels pendant que des petites et moyennes entreprises paient le prix fort.
Il est des moments où se taire ne devrait qu’être la seule issue respectable pour ceux qui ont été si violemment rejetés par la population. Non, certains pensent pouvoir vite retrouver leur verbe guerrier et leurs injonctions stériles. Pourtant, ils pourraient essayer d’être là où ils sont vraiment attendus.
Après la publication du document sur l’état réel de l’économie, Renganaden Padayachy aurait pu, par exemple, venir expliquer à la population ce qu’il entendait lorsqu’il déclarait péremptoirement, juste avant les dernières élections générales, que le pays était “en plein boom économique”.
Il y a tant de choses sur lesquelles ils devraient répondre au lieu de jouer les victimes d’une persécution imaginaire. Qui osera venir expliquer comment cette prolongation de la ligne du tramway de Rose-Hill à Réduit au coût de Rs 4,5 milliards a plombé les finances déjà peu reluisantes de MEL ?
Seraient bienvenus quelques mots sur le dernier rapport du directeur de l’audit ou sur les chiffres aussi abyssaux qu’effrayants évoqués par le Premier ministre, mardi dernier, à l’Assemblée Nationale, sur le dossier de Airport Holdings Ltd, avec des actifs évalués à Rs 5 milliards mais qui a néanmoins réussi à obtenir Rs 25 millards de la Mauritius Investment Corporation (MIC), encore elle, pour distribuer ensuite quelques Rs 12 milliards à Air Mauritius.
C’est là qu’ils sont attendus. Et ce qu’ils feignent d’ignorer c’est que, pendant qu’ils dénoncent la persécution, le peuple, enragé contre le régime qu’ils ont incarné, veut les voir à Melrose direct. Ils ont tellement martyrisé la population que celle-ci va jusqu’à souhaiter que l’État de droit soit contourné pour permettre une justice expéditive exécutée par un tribunal populaire.
Et pendant que ceux qui opposent pour opposer se fendent de critiques parfois complètement injustifiées à l’encontre du nouveau régime, pas toujours exempt de failles, il est vrai, c’est sans doute les propos de l’évêque de PortLouis, prononcés lors de la messe chrismale, jeudi, sur les signes encourageants repérés dans l’assainissement en cours des institutions qui constitue la réponse la plus puissante aux vociférations creuses.
JOSIE LEBRASSE