La coïncidence veut qu’au cours des prochains jours, la préoccupation sur le plan national se conjuguera à l’éducation et à la lutte contre la drogue. Deux dossiers d’importance stratégique. Évidemment, les déboires avec la Financial Crimes Commission (FCC) de celui qui se targue d’avoir tutoyé les grands, non seulement à La Sorbonne, mais aussi au sein de l’OCDE, voire même au FMI, avec un Dominique Strauss-Kahn de sinistre mémoire, peuvent revendiquer la Une de la chronique quotidienne.
Mais le déballage, encore plus patibulaire, pour ne pas dire indécent, autour des centaines de millions de la Mauritius Investment Corporation Limited, relève du passé. Effectivement, l’électorat, dans sa sagesse, a déjà actionné la guillotine démocratique contre ceux qu’il juge coupables de trahison de sa confiance. Ou, mieux : l’électorat, dans sa maturité populaire, est arrivé à la conclusion qu’ils ne méritent pas ce troisième mandat tant convoité. Désormais, cette balle, teintée de pratiques abusives, encore au stade des allégations, pour reprendre le buzzword de celui-là, est dans le camp d’institutions régies par un cadre bien établi de bonne gouvernance et de droiture. Puis, ne dit-on pas que « rien n’est plus aveugle que la justice, sauf peut-être un homme en amour » ? Trêve de commentaires pour faire l’économie d’atteintes à l’intégrité des enquêtes en cours, ou encore du risque de trial by the press. Dans la conjoncture, contentons-nous de cet adage : « Cobbler, keep to your last, and the cows will be well guarded ».
La pertinence des débats annoncés en marge des Assises de l’Éducation, et consacrés au National Agency for Drug Control Bill, inscrit au nom du Premier ministre, Navin Ramgoolam, est qu’ils détiennent la faculté de projeter la société mauricienne vers l’avenir. « Bizin to gagn ledikasion pou to lavenir ! » Qui sont ceux, aujourd’hui en fin de carrière professionnelle, peu importe le domaine, qui n’ont pas entendu ce conseil sorti de la bouche d’un aîné d’alors ? Ainsi, les dividendes récoltés sont à la mesure des efforts déployés dans les circonstances données.
Les Assises de l’Éducation devront dépasser le simple cadre du constat d’échecs du système. Les éléments jonchant ce vaste chantier en désuétude ne manquent pas, qu’il s’agisse des cas de violence dans les écoles ou du taux de déchets dans le cycle scolaire complet, suffisants pour dire « Non » aux discours-fleuves s’apparentant à une autopsie de l’échec. Mais les Assises de l’Éducation se doivent de donner les moyens de réconcilier chaque enfant avec le rêve qu’il fait avant tout partie de la nation mauricienne. As One People, As One Nation. Ou encore qu’à n’importe quelle étape de son éducation, il bénéficiera du même regard, de la même attitude, de la même considération, et, mieux, de la même chance, « without discrimination by reason of race, place of origin, political opinions, colour, creed or sex ». Comme le dit si bien cet extrait de la clause 3 de la Constitution.
L’éducation doit pouvoir reconnaître aujourd’hui la valeur intrinsèque de chaque enfant mauricien pour que, demain, ceux qui ont pu profiter du système ne décident pas de s’envoler vers d’autres cieux dans le fol espoir que l’herbe est plus verte ailleurs. Cette dernière réalité éclate au visage de Maurice depuis des années, sans réaction effective. Sauf des déclamations oratoires.
Du moins, le côté glamorous comme satisfaction. Mais l’envers du décor est encore plus dramatique. Des indications sont que les cours de récréation sont ciblées comme des testing grounds du trafic de drogue. Cette démarche machiavélique vise à exploiter cette jeunesse qui vit ce quotidien de marginalisation et d’exclusion. Pour ne pas dire une aliénation totale du système, privilégiant l’élitisme et occultant toute dimension de l’inclusion. Un marché facile à prendre et déjà en voie d’exploitation par les trafiquants de drogue. Les ravages du fléau de la drogue au sein des foyers mauriciens en sont la preuve flagrante. La campagne avec des pancartes « Non à la drogue », distribuées à tour de bras le temps d’une opération de Bat Lestoma, comme ce fut le cas l’année dernière, a montré ses faiblesses fondamentales.
Oui ! La lutte contre la prolifération de drogue commence à l’école. Non pas avec des slogans frivoles, mais avec une attitude des aînés de tous bords favorisant l’appartenance de chaque enfant à la nation mauricienne, une démarche ouvrant la porte à son épanouissement total et à la reconnaissance authentique de sa contribution potentielle à la nation arc-en-ciel. Alors, cet enfant, en grandissant, portera en lui les racines de ce mauricianisme tant réclamé au plus profond de chacun, qui est né lor later Lil Moris.
Avec les Assises de l’Éducation prenant des airs d’aggiornamento de l’écosystème prévalant depuis l’indépendance en dépit des réformes, surtout mettant l’accent sur l’éclosion des talents de chaque enfant, reléguant du même coup au second plan — non pas éliminant — la course folle à la réussite, une autre République de Maurice émergera à l’horizon. Chacun se sentira à sa place. Et alors, l’urgence des mesures préconisées dans le National Agency for Drug Control Bill pourrait s’avérer aléatoire. Et pourquoi ne pas revenir, en tant que nation, au concept de Mens sana in corpore sano…