Le Ward 3 de Beau-Bassin/Rose-Hill clôture notre périple dans les agglomérations englobant les quartiers et les principales artères de la ville de Rose-Hill. Cet arrondissement débute précisément à la frontière entre Belle-Rose et la ville, aux abords du stade Sir Gaëtan Duval, de la magistrature et du NPF Building. Il s’étend jusqu’au centre de Rose-Hill, Vandermeersch, la route Hugnin, Buckingham et le gymnase du Quorum, à Plaisance.
Il sera intéressant de décortiquer les décisions qui seront prises par la future administration pour transformer le centre-ville de Rose-Hill et ses alentours, comme jadis, en des lieux dynamiques, durables et inclusifs, tout en préservant les ressources naturelles. Pourquoi ne pas effeuiller la marguerite du temps et recomposer avec le passé dans l’optique de faire revivre les beaux souvenirs ?
Lors des premières élections organisées à Maurice en 1886, qui ne concernaient qu’une infime partie de la population, sir Célicourt Antelme est élu député des Plaines-Wilhems avec 407 voix devant Povah Ambrose (premier président du conseil municipal des villes sœurs en 1896). Ces deux illustres personnages portent les noms des deux rues les plus connues à Rose-Hill, au même titre que les rues Edward VII et Hugnin. Après avoir démissionné du Conseil législatif, en 1896, et passé quarante ans au sommet de la vie politique, sir Célicourt Antelme passe les dernières années de sa vie à Stanley, où se trouve son domaine sucrier.
Après sa mort en 1899, les successeurs de sir Célicourt Antelme créèrent The Stanley Sugar Estate Co. Ltd. Le domaine s’étendait sur près de 2 404 arpents de terre. Pendant un temps, une partie du domaine se situait au cœur de Rose-Hill, entre les rues Ambrose, Royale, Inkerman et Hugnin et l’autre partie entre les rues Abattoir (Ratsitatane, Plaisance), Hugnin, Boundary et la montagne Corps-de-Garde. L’usine cesse toute activité en 1903. Ses vestiges sont encore visibles dans la cour de la maison Édition de l’Océan Indien Ltd, à Stanley. Tout cela sommairement résumé pour rappeler que les anciennes terres de sir Célicourt Antelme font partie intégrante du Ward 3 qui se prolonge jusqu’au quartier de Plaisance, où sir Herbert James Read, gouverneur de Maurice de 1925 à 1929, avait procédé à l’inauguration d’un abattoir en 1929, emplacement qui sera converti en un gymnase (Le Quorum), en 1991.
Le Ward 3 a beau se classer en cinquième position en termes de nombre d’électeurs (sur les six Wards), soit 11 617 potentiels votants, il n’existe nul autre endroit que le petit quartier commercial de Buckingham et son prolongement jusqu’à l’église Notre-Dame de Lourdes, le Plaza et la gare d’autobus pour restituer le cœur de Rose-Hill dont l’évocation des restos-bars, juke-box, des promenades sécurisées en famille et autres concerts au Plaza suffit pour saisir la diversité culturelle et renvoyer l’image d’un temps qui s’écoulait au compte-gouttes.
Les lieux incontournables pétris de souvenirs disparaissent les uns après les autres. Cela semble dans l’ordre des choses. Avec les années, certains bars et restaurants fétiches ont fermé leurs portes. Témoin d’une époque quasi révolue. La fermeture du resto-bar Coin Idéal s’ajoutera bientôt à la longue liste d’établissements mythiques qui ont disparu du paysage des villes sœurs au cours de ces 40 dernières années, à l’instar de Café de Chine et du restaurant Hollywood. « Rose-Hill et ses établissements étaient des lieux où l’on faisait des rencontres en tout genre, la nuit, en famille, en se délectant de bons petits plats chinois, tout en se rafraîchissant le gosier. Elle est aujourd’hui une ville morte. La faute aux personnages peu recommandables qui déambulent aux heures indues. Il faut se rendre à Beau-Bassin pour revivre ce passé révolu », confie un habitant de la rue Edward VII.
La morphologie assez souple du centre-ville a offert des possibilités originales de reconversion et de transformation pour les activités commerciales, toujours concentrées dans les mêmes espaces urbains. Certes, le bâti s’est renouvelé et modernisé en profondeur depuis la dernière décennie, il n’en demeure pas moins que de nombreuses façades sont négligées. Avec l’arrivée du métro, les propriétaires des bâtiments de la ville avaient pourtant intérêt à se mettre au diapason. « De nombreux commerces affichent un visage pâle et délabré du fait du vieillissement de la peinture appliquée. D’autres magasins en tôle, en bois ou en pierre taillée font peine à voir. La réalité ternit profondément l’image reluisante que devrait refléter l’environnement urbain. D’où la nécessité pour le futur Conseil de lancer un programme de conscientisation assorti d’une aide financière, pour aider les propriétaires des commerces à embellir, repeindre ou rénover leurs édifices », confie un commerçant.
Le retard considérable dans l’exécution des travaux de l’Urban Terminal, censé moderniser la ville et promouvoir l’intermodalité avec l’avènement du métro, en 2020, mérite qu’on s’y attarde. Ce projet qui repose sur des partenariats public-privé placés sous l’égide du ministère des Collectivités locales a été rangé dans le tiroir des projets fantômes. « Le succès entourant le Victoria Urban Terminal de Port-Louis, dont l’attraction principale demeure la nouvelle configuration de l’ancien bâtiment en pierre taillée de la National Transport Authority qui a retrouvé un second souffle après une restauration exemplaire, doit convaincre le nouveau gouvernement de donner un coup d’accélérateur au terminal urbain de Rose-Hill, avec des facilités de parkings et des espaces verts. Ce sera un énorme boost pour toute la ville », souligne Myriam, gérante d’un fast-food, jouxtant le bâtiment délabré Atrium, où le projet devrait être orchestré. « La nonchalance des autorités face aux marchands ambulants et l’absence de la police dans les rues ont contribué à la chute du commerce dans ces deux villes », déplore-t-elle.
À la lumière des images publiées dans les colonnes de Week-End, le 6 avril, montrant des taches de moisissure recouvrant progressivement le toit bleu ciel du l’Hôtel de ville de Curepipe, les futurs élus devraient aussi envisager l’élaboration d’un plan d’action visant à conserver le Plaza…et éviter qu’un nouveau projet de rénovation, engloutissant des centaines de millions de roupies, voie le jour durant leur mandat !
La délocalisation du bazar, un dossier à suivre
Le projet de construction du nouveau marché central de Rose-Hill, sur deux parcelles de terre identifiées, en 2023 (7 300 m²), derrière le stade Sir Gaëtan Duval, sous l’ancien régime, va-t-il se concrétiser ? Ce dossier sera scruté avec attention dans les semaines à venir, d’autant qu’il est loin de faire l’unanimité parmi les habitants d’Hansa Lane, rue Boundary. « In our opinion, this project will cause a major disturbance in our daily lives. Noise and air pollution, traffic problems regarding access, both entry and exit, for the residents are major issues », peut-on lire dans une lettre adressée par 13 pétitionnaires aux autorités.
L’option d’une délocalisation du marché au complexe sportif du Mauritius Sports Council, sur la route Royale, avait été envisagée en 2017 lorsque Ken Fong occupait le fauteuil mairal. La Traffic Management and Road Safety Unit voyait d’un bon œil cette éventualité, dans la mesure où le site serait moins exposé aux congestions routières, contrairement aux deux parcelles de terre se trouvant derrière le stade de Rose-Hill. Sauf que le ministère de la Jeunesse et des Sports avait opposé une fin de non-recevoir à la démolition de ce haut lieu de manifestations sportives.
Il était aussi question de la sauvegarde du bazar, construit dans les années 1930. Car au-delà de sa valeur symbolique, le marché de Rose-Hill est avant tout un lieu chargé d’histoire, un patrimoine vivant. D’où son importance culturelle. Ainsi, il sera intéressant de savoir ce que la municipalité décidera. Quid des composantes en pierres taillées (mur de clôture et pavés), au cas où le projet irait de l’avant ?