Face à l’ampleur croissante des menaces numériques pesant sur les enfants, le ministère des Technologies de l’Information et des Communications (Tic) a lancé une consultation publique autour du rapport intitulé Enhancing Child Online Safety, une proposition de politique nationale axée sur la protection des mineurs sur les réseaux sociaux.
Disponible sur le site du ministère, ce document représente une réponse urgente aux réalités numériques qui affectent les plus jeunes utilisateurs. Le pays compte quelque 821 000 utilisateurs de Facebook, dont une part importante serait des mineurs. « Nous avons travaillé de manière concertée sur ce sujet sous la présidence du Deputy Prime Minister, Paul Bérenger, avec des doléances venues de nombreuses instances concernées », a déclaré Avinash Ramtohul, ministre des Tic. « Il y a urgence. Les enfants sont exposés au harcèlement en ligne, à l’agression, au vol d’identité, à la revenge porn, aux arnaques et à des contenus inappropriés. Cela impacte leur santé mentale, provoque de l’anxiété, affecte leurs résultats scolaires et leur développement global. »
Il a souligné que, malgré l’entrée en vigueur de la Cybercrime Act, les incidents se multiplient : « Depuis 2018, 5 400 cas de harcèlement en ligne ont été enregistrés. Il était donc juste et approprié de constituer une équipe dédiée à ce sujet. » Parmi les recommandations majeures du rapport figurent la révision du cadre légal pour mieux encadrer les comportements nuisibles en ligne, l’établissement d’une autorité de protection de l’enfance numérique et la promotion de la “digital literacy” à travers le système éducatif.
Pour Arianne Navarre-Marie, ministre de l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille, ce rapport « marque une étape importante dans notre engagement collectif ». Elle a évoqué de récents cas troublants : « Mon ministère a remis à la police un dossier concernant des groupes Telegram diffusant des images de femmes et d’enfants. » Elle a aussi rapporté des abus commis en classe par des élèves utilisant leur portable à des fins malveillantes. « Les actes d’intimidation, d’insultes ou de diffusion de rumeurs sont en pleine expansion. Ils ont des conséquences psychologiques graves, » a-t-elle insisté, appelant à une réponse multisectorielle.
Pour sa part, Kaviraj Sukon, ministre de l’Enseignement supérieur, a mis en garde contre le danger de politiser la question : « Il faut mettre la politique de côté. Ce problème est très grave. » Il a insisté sur le rôle crucial des enseignants et des parents : « Ces cas sont souvent détectés trop tard. Il faut identifier les signaux dès les premières étapes. » Il a aussi soulevé la question délicate de l’anonymat en ligne : « Faut-il décliner son identité sur Facebook ? La question mérite d’être posée. »
Mahend Gungapersad, ministre de l’Éducation, a pour sa part rappelé le rôle de l’éducation dans cette lutte : « Parfois, nos enfants commettent l’irréparable. La prévention et la vigilance doivent être absolues. » Il a annoncé une révision du programme scolaire pour y intégrer des notions de cybersécurité et de protection personnelle.
Intervenant, le ministre Ramtohul a invité le public à réagir activement au rapport : « Nous avons voulu une démarche consultative. La consultation publique sur maya.mu est ouverte. C’est ensemble que nous devons bâtir des solutions durables. » Cette initiative s’inscrit dans une dynamique globale, plusieurs pays ayant déjà légiféré sur la question. Maurice espère se doter d’un cadre plus adapté pour répondre aux défis numériques de demain. « Ce rapport est un appel à l’action », a résumé Arianne Navarre-Marie. « Il faut un effort de tout un chacun. »
Cyberharcèlement, sextorsion, revenge porn…
Le rapport met en lumière l’exposition croissante des enfants à des menaces en ligne telles que le cyberharcèlement, la sextorsion et le revenge porn, l’exposition à des contenus explicites et des impacts négatifs sur la santé mentale, incluant l’anxiété, l’isolement social, ainsi qu’une baisse des performances scolaires.
En s’inspirant des meilleures pratiques internationales – notamment celles du Royaume-Uni, de la France, du Canada, de l’Australie et de l’Allemagne -, le rapport insiste sur la nécessité urgente d’aligner les lois nationales telles que la Children’s Act et le Cybersecurity and Cybercrime Act, sur les réalités numériques contemporaines.
Dix axes stratégiques d’action sont proposés, dont des réformes juridiques pour obliger les plateformes numériques à retirer les contenus nuisibles ; le renforcement des systèmes de vérification d’âge ; la création d’une National Child Protection Authority ; une collaboration accrue avec des organisations internationales telles que l’UNICEF, l’IWF et la WePROTECT Global Alliance ; l’empowerment des parents, notamment par la mise à disposition gratuite d’outils de contrôle parental via les fournisseurs d’accès à Internet ; la promotion de la “digital literacy” à travers les écoles et les programmes communautaires ; l’amélioration du système national de signalement (MAUCORS+), avec une capacité renforcée pour gérer les incidents impliquant des enfants.
À ce stade, les données recueillies via MAUCORS+ sont révélatrices : plus de 19 000 incidents ont été signalés entre 2018 et 2024, incluant des cas de cyberharcèlement, de vol d’identité, et de sextorsion. Ces chiffres illustrent l’ampleur du phénomène à l’échelle nationale.
Le ministère des TIC invite l’ensemble des acteurs – parents, éducateurs, jeunes, ONG, entreprises technologiques, et grand public – à partager leurs idées, avis et suggestions sur la stratégie proposée. Le Draft Report est accessible via la plateforme en ligne maya.mu. Par ailleurs, pour toute menace en ligne, le public est encouragé à appeler le 139.