Il y a des appels qui se font plus insistants et dont la réponse est évidente, tant les portes s’ouvrent et la voie se dessine sans encombre. C’est ainsi qu’avec trois autres femmes, je me suis envolée pour un pèlerinage audacieux parcourant des centaines de kilomètres en voiture en Italie.
Nous commençons notre aventure à Rome, une ville où l’histoire de la foi chrétienne prend vie à chaque coin de rue. Entre les ruines du passé çà et là et les pierres de la basilique Saint-Pierre, le pèlerin s’imprègne de la grandeur spirituelle et temporelle de cette ville.
La majesté de la basilique Saint-Pierre subjugue ou dérange. Je me sens privilégiée d’être là, au cœur même de la cité éternelle. Chaque pierre, chaque fresque, chaque statue porte le poids de l’histoire, invitant, à qui veut, à s’oublier dans la prière. Le silence s’y impose souvent de lui-même malgré les bruits de la vie courante.
De Rome, nous traversons la mer Adriatique pour quelques jours à Medjugorje, en Bosnie-Herzégovine. Ce lieu où la terre semble toucher le ciel éveille en moi une sensation étrange et profonde. Ce village est connu depuis juin 1981 lorsque six jeunes affirment alors avoir vu la Vierge Marie. Les décennies ont passé et, selon les “voyants”, les apparitions continuent quotidiennement.
Je foule les rues désertes de ce village au visage banal et je sens que chaque pas me rapproche davantage de l’essentiel et de cette quête intérieure que l’on cherche parfois sans vraiment savoir ce que l’on cherche. J’entrevois aussi les réponses aux questions que je me pose inconsciemment au plus profond de moi. Il y a dans ce lieu quelque chose d’irrationnel, de surnaturel, une force invisible qui va au-delà des mots.
Après avoir gravi la colline des Apparitions, la descente se fait dans un recueillement particulier face à l’étendue du paysage à l’horizon. C’est alors que nous sommes toutes interpellées par une famille qui monte en récitant ses prières. En tête de file, le père tenant par les mains deux garçons en bas âge et, en fin de fil, deux adolescents. Au milieu, la mère, le regard résolu, a un bébé souriant attaché sur sa poitrine. Elle monte avec une force, une détermination et une telle foi que c’en est désarmant ! Ses pieds sont nus, remplis de boue et ses orteils s’accrochent avec fermeté aux roches pour ne pas glisser. Nous nous arrêtons et observons cette scène avec émerveillement et stupéfaction. Un témoignage de foi indescriptible. La nôtre semble alors tellement frêle.
De retour en Italie, nous rejoignons Manoppello, un village discret où se trouve le célèbre Voile de la Sainte Face. Cette relique, selon la tradition, porte l’image du visage du Christ, une image énigmatique et fragile. Le voile m’interpelle et j’entrevois comme un pont entre le passé et le présent. Serait-ce le souvenir tangible du Christ vivant ? Devant cette relique, je suis saisie par la simplicité qui se dégage. Il n’y a pas de beauté particulière, pas de bruit, pas de foule, juste une lumière douce et un silence profond.
La route nous mène ensuite à Lanciano, petite ville italienne de la région des Abruzzes, célèbre pour son miracle eucharistique dans la première moitié de l’année 700. Elle abrite une basilique où l’hostie s’est transformée en chair et en sang. Là encore, nous ne pouvons que nous recueillir et accueillir ce que nos yeux voient. Ici, foi et raison s’entrechoquent.
Puis, direction San Giovanni Rotondo, où l’ombre de Padre Pio imprègne le monastère. Devant son corps dit intact, je ressens la force de sa prière et son amour pour Dieu. Ce saint, qui a vécu dans la souffrance, parle d’une foi qui dépasse les épreuves de la vie. Je ferme les yeux. Tout de Padre Pio parle de Dieu. Face à sa dépouille, c’est vers le Tout Puissant qu’il me retourne inlassablement.
Nous poursuivons notre chemin vers Assise, la ville de saint François, et arrivons peu avant le coucher du soleil. Perchées dans un couvent sur la colline, face à la Basilique, nous ne pouvons que nous extasier comme des enfants devant ce paysage saisissant. L’oranger qui colore l’horizon réchauffe notre cœur par des températures frôlant les huit degrés. La beauté transcende notre être, révélant ainsi l’œuvre du Divin : la Création. C’est si beau, si simple ! Pourtant, si complexe.
En me promenant dans les églises et en parcourant les histoires de la vie de Saint François et de celle de Sainte Claire, je suis frappée par la force du vœu de pauvreté qu’ils ont choisi. La paix ultime émanerait-elle de la simplicité du dépouillement ?
Assise, vide de touristes à cette période, est une petite merveille avec ses routes pavées qui montent et descendent. Nos jambes et notre souffle sont mis à contribution pendant nos balades. Cela rappelle que les choses inestimables ne se gagnent pas par la facilité, mais par la sueur.
Cet endroit me réjouit, les religieuses m’interpellent et la vie des saints me remet considérablement en question. Je me plonge dans un long recueillement devant le Bienheureux Carlo Acutis (qui sera bientôt fait saint) mort à 15 ans en 2006. Les émotions se heurtent entre larmes, apaisement et reconnaissance face à ce jeune corps exposé.
Nous terminons notre aventure à Cascia, où repose Sainte Rita, sainte des causes impossibles. En me recueillant dans la Basilique, tout se bouscule : une grande sérénité m’envahit et se mêle à la raison pour laquelle j’ai répondu à l’appel de ce pèlerinage. Les souffrances de cette belle femme vivant dans les années 1400, sa foi inébranlable et son amour pour Dieu me rappellent que, même dans les moments les plus sombres, il existe toujours une lumière. Tout se bouscule dans ma tête, mais rien ne bascule. Au contraire, je me sens encore plus enracinée, affermie même, et la vision de la femme (solide) sur la colline à Medjugorje ne cesse de me hanter.
Tel un dernier souffle de bénédiction, Cascia, baigné de silence et de quiétude, met un point final à notre voyage spirituel. Notre recueillement, éclairé par les merveilles auxquelles nous avons été témoins, n’en sera désormais que plus profond…
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