Le scandale de la Mauritius Investment Corporation Limited est en passe de confirmer sa réputation de bombe à retardement et à fragmentation. Au fur et à mesure que progresse cette enquête initiée sur l’Apavou Deal de Rs 2,4 milliards avec un cas de blanchiment allégué entre Rs 300 millions et Rs 400 millions, et cela, même tardivement par la Financial Crimes Commission, la tendance demeure que la Mauritius Investment Corporation Limited, avec le war chest de Rs 82 milliards puisées de la Banque de Maurice, a été transformée en un pacte de corruption et de money laundering. Jusqu’ici, le silence sournois et têtu affiché par l’ancien Chief Executive Officer de la Mauritius Investlent Corporation Limited, Jitendra Bissessur, et homme fort du système mis en place, se présente en obstacle to unveil the alleged corruption network. Toutefois, l’étape du money trail, rendue possible avec les freezing orders émis par le juge de la Cour suprême siégeant en référé en fin de semaine, s’avère la voie royale menant aux bénéficiaires de cette fraude à grande échelle au préjudice de la Mauritius Investment Corporation Limited. En parallèle, l’interrogatoire under warning de Jitendra Bissessur, qui court le risque potentiel d’être remanded to jail au terme des dispositions de la loi, se poursuit en dépit du fait qu’il exerce son droit constitutionnel au silence.
Parmi les protagonistes ciblés par les procédures de freezing orders sous la Financial Crimes Commission Act à des fins d’enquête, figure la star des entités, proches de Lakwizinn du Prime Minister’s Office de l’ère de Pravind Jugnauth. Ainsi, Verde Frontier Solutions Limited du couple Dirish et Venna Noonaram, dont la présence implacable au sein des institutions, que ce soit le Prime Minister’s Office ou encore des institutions financières de premier plan, notamment la Banque de Maurice, la State Bank of Mauritius, la MauBank et la Financial Services Commission, est dorénavant visible sur le probe radar de la Financial Crimes Commission pour les besoins de ces multiples enquêtes à rebondissements.
Marketing monitoring
En attendant de faire toute la lumière sur le fonctionnement et le mécanisme du Savat Dodo Network, non seulement avec les Rs 45 millions détournées au profit de Pulse Analytics avec des sondages fictifs pour les dernières élections générales et les commissions de Rs 400 millions à la conclusion de l’Apavou Deal de Rs 2,4 milliards le 7 juin de l’année dernière, soit à la veille de la dissolution de l’Assemblée nationale et d’autres referrals à venir sous la Financial Crimes Commission Act, Verde Frontier Solutions Limited se retrouve projetée au premier plan avec un contrat fictif de Rs 15 millions à la Banque centrale.
Les recoupements d’informations effectués par Week-End indiquent que la compagnie incorporée par le couple Noonaram, dans le collimateur des limiers de la Financial Crimes Commission et aussi au coeur de virulentes dénonciations sur les réseaux sociaux depuis longtemps déjà, a été rattrapée à ce jour pour un contrat de Rs 15 millions alloué au nom de la Banque de Maurice sans aucune contrepartie professionnelle.
À ce stade, la documentation officielle et disponible dans les archives informatisées à la Bank of Mauritius Tower laisse que la décision de reconduire ce contrat a été imposée du ministère des Finances à l’Hôtel du Gouvernement et sans l’aval du Board of Directors de la Banque centrale, défiant les règles élémentaires de la transparence et de la bonne gouvernance.
Il n’est pas exclu que dans les jours à venir, l’ancien gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegoolam, déjà sous le coup d’une première inculpation provisoire, soit convoqué au QG de la Financial Crimes Commission à des fins d’interrogatoire under warning au sujet des opérations de remote control enclenchées à partir du ministère des Finances jusqu’au 10 novembre de l’année dernière.
La confirmation de la bouche de l’ancien gouverneur de la Banque de Maurice que Verde Frontier Limited a été imposée politiquement et unilatéralement par le ministère des Finances et sans aucune obligation de services professionnels est d’une importance capitale au titre du Savat Dodo Network. En effet, au cours du dernier mandat du gouvernement de Pravind Jugnauth, avec Renganaden Padayachy au ministère des Finances, Verde Frontier Limited a bénéficié de multiples contrats de marketing monitoring auprès des institutions financières susmentionnées avec des paiements rubis sur ongle. Il y a encore le fait que la société du couple Noonaram avait décroché sa licence de la Financial Services Commission en août 2020, soit moins d’une année après l’installation de Renganaden Padayachy aux Finances.
Evaluation reports
À partir de ce contrat de Rs 15 millions de Verde Frontier Solutions Limited à la Banque centrale, la Financial Crimes Commission devra être en mesure de tie the loose ends du réseau avant d’ouvrir le chapitre de transaction advisor dans l’Apavou Deal avec des commissions et des frais de l’ordre de Rs 400 millions pour une transaction de l’ordre de Rs 2,4 milliards. Dans l’immédiat, la Financial Crimes Commission compte se concentrer sur l’audit trail pour le compte de Verde Frontier Limited avec des disclosure orders à venir avant de procéder à l’interrogatoire du couple Noonaram sur des faits avérés.
À ce stade, les autres protagonistes identifiés pour des audit trails sont l’ancien CEO Bissessur et également le groupe Apavou, bénéficiaire de la transaction financière du 7 juin 2024. Un détail qui saute aux yeux est que les freezing orders de la fin de la semaine écoulée comprennent également deux villas, qui ont toute leur pertinence dans la conjoncture. Les éléments découlant de ces analyses forensic devront établir de preuves des liens entre les différents protagonistes connus déjà ou qui devront surgir lors des prochaines étapes.
Entre-temps, la Financial Crimes Commission est appelée à séparer des documents authentiques et ceux manipulés. Outre le casse-tête des minutes of proceedings falsifiés du Board de la Mauritius Investment Corporation Limited, dossier soulevé lors de l’interrogatoire de l’Independent Non-Executive Director, Louis Rivalland, l’enquête a confirmé une autre anomalie majeure par rapport aux documents officiels dans cette affaire. En fin de semaine écoulée, les enquêteurs ont effectué une descente dans les locaux d’Elevante Property Services Limited à Ébène. Cette société de consultants avaient réalisé trois évaluations des actifs dans le cadre de l’Apavou Deal pour le compte de la Mauritius Investment Corporation Limited.
Or, des trois rapports soumis à cet effet, les dates de l’un des evaluation reports ne sont pas conformes, dans la mesure où l’exercice qui avait eu lieu en mai 2024 a été antidatée à janvier de la même année. Jhamille Couveline, Head of Evaluation d’Elevante Property Services Limited, qui a été entendu et dit avoir collaboré,vendredi sur les aspects techniques des exercices d’évaluation, devra être confronté à ces altérations de dates, l’identité de l’auteur derrière cette démarche ou encore les raisons avancées.
Autant de zones d’ombre susceptibles de confondre les cerveaux ou les mains longues ayant transformé la Mauritius Investment Corporation Limited, dont les attributions étaient de venir en aide aux entreprises stratégiques, mais fragilisées pendant la pandémie de Covid-19, en un pacte de corruption et de blanchiment de fonds au-delà de tout soupçon. Mais les résultats des élections législatives di 10 novembre 2024 ont eu pour conséquence de tout dévoiler sans compromis au grand jour…
En état d’arrestation depuis jeudi
Le fusible Jitendra Bissessur reconduit en cellule policière
L’opération Savat Dodo — Saison II, avec l’Apavou Deal de Rs 2,4 milliards conclu à la veille de la dernière dissolution de l’Assemblée nationale, a débouché cette semaine sur l’arrestation par la Financial Crimes Commission des deux premiers suspects, avec d’autres inculpations provisoires à prévoir dans les jours à venir. Deux anciens Top Guns de la Mauritius Investment Corporation Limited, en l’occurrence l’ancien Chief Executive Officer, Jitendra Bisesssur, et l’ex-Company Secretary, Diya Sewraz, sont passés à la trappe avec des inculpations provisoires de fraude. Cette dernière a passé une nuit en cellule policière avant d’être remise en liberté sous caution, jeudi, par le tribunal de Port-Louis.
Jitendra Bissessur, sur qui pèse une précédente inculpation provisoire dans le détournement de Rs 45 millions au profit de Pulse Analytics de Queenie et Stephane Adam, le Washington Duo, a été reconduit en cellule policière, notamment le Vacoas Detention Centre. La Financial Crimes Commission, représentée par Mes Haruvansh Jeeha et Ghireesh Bundhoo, a objecté à une bail motion logée par Me Shyam Servansingh devant le tribunal de Port-Louis vendredi.
La magistrate Naazish Sakauloo s’est rangée du côté des conseils légaux de la Financial Crimes Commission quant aux risques d’interférence et d’ingérence auprès des témoins ou des exhibits, cruciaux dans cette cette enquête. La Principal Inquiring Offcer, Yolaine Papin, appelée à la barre des témoins, a affirmé que les premiers éléments disponibles confirment qu’en pas moins de trois occasions, des documents officiels, dont des minutes of proceedings, auraient été manipulés frauduleusement sur les instructions du même Jitendra Bissessur.
La représentante de la Financial Crimes Commission a aussi confirmé à la Cour que d’autres suspects de premier plan devront être entendus et des documents, probablement encore plus compromettants, devront être secured. De ce fait, la magistrate siégeant au tribunal de Port-Louis est arrivée à la conclusion que « des risques d’interférence avec des témoins et de manipulation de preuves et de documents existent. Les conditions de remise en liberté sous caution ne suffiront pas à réduire ces risques à un niveau négligeable. »
De ce fait, l’ancien CEO de la Mauritius Investment Corporation Limited est maintenu en détention policière jusqu’à jeudi prochain en dépit des garanties fournies par le suspect et son conseil légal à l’effet que les conditions de bail susceptibles d’être imposées par le tribunal seront respectées invariablement.
Pour sa part, la Financial Crimes Commission poursuit l’interrogatoire du suspect Bissessur, même si celui-ci garde le silence face aux questions et preuves accablantes versées dans le dossier à charge de l’Apavou Deal. À ce stade, le risque de voir l’ancien CEO de la Mauritius Investment Corporation Limited être remanded to jail après le délai initial de 21 jours surgit en raison de la complexité et des ramifications de ce détournement de fonds de l’ordre de Rs 400 millions.
En effet, les indications sont que la convocation des responsables de Verde Frontier Solutions Limited, pivot de la conclusion de la transaction à Rs 2,4 milliards, n’est pas annoncée dans l’immédiat. L’exercice d’audit trail des transferts de fonds à partir du 7 juin de l’année dernière est présenté comme étant time consuming, d’autant que d’autres protagonistes dans le processus de layering devront être sans nul doute entendus.
Dans la conjoncture, la question qui se pose est de savoir jusqu’à quand le fusible Jitendra Bissessur tiendra l’intensité de la pression, qui ira crescendo après les Rs 45 millions de Pulse Analytics, les Rs 400 millions de l’hôtel Apavou ou encore les Rs 225 millions de Kuros Construction et le goodwill fictif de Rs 40 milliards consenti à Airports Holding Limited pour faire sortir Air Mauritius sous administration.
Et il y a encore la justification d’engager la Mauritius Investment Corporation Limited dans des opérations foncières d’envergure comme dans le cas de Médine et d’Omnicane, nullement faisant partie des attributions de cette filiale de la Banque de Maurice.
Autant de poids qui s’ajoute au fardeau sur les épaules de l’ancien CEO de la Mauritius Investment Corporation Limited…
Diya Sewraz, ex-Company Secetary :
L’offre de Rs 2,4 milliards approuvée « unanimously » le 5 février 2024
L’ancienne Company Secretary de la Mauritius Investment Corporation Limited, Diya Sewraz, a juré un affidavit sous forme de mise en demeure pour dresser la chronologie des étapes de l’Apavou Deal et surtout pour soutenir que le montant de 48 millions d’euros, soit Rs 2,4 milliards, a toujours été cité et que tous les membres du board avaient approuvé cette offre lors de la réunion du 5 février 2024. Malgré cette démarche, elle n’a pu échapper à une nuit en cellule policière, après son interrogatoire under warning jusqu’à fort tard dans la nuit de mercredi dernier et d’être remise en liberté contre deux cautions de Rs 300 000 chacune et une reconnaissance de dettes de Rs 5 millions.
Dans cette mise en demeure, dénonçant principalement l’ancien Indepedent et Non-Executive Director, Louis Rivalland, mais également à l’intention des autres stakeholders, Diya Sewraz maintient avec force que « on 5 February 2024, the Board meeting was held as scheduled and the agenda was duly followed. In respect of Item No. VI, namely, “To consider an acquisition of 1596 Class B shares of Eastcoast Hotel Investment Ltd representing 70 % shareholding” ; the Chief Executive summarised the EUR 48 million Proposal and the Transaction was, after discussions by the board members, approved unanimously. All directors, including Mr Rivalland, were present at that meeting, with the exception of the Chairman, Mr Florman. In his absence, the meeting was chaired by Mr Kona Yerokunondu, the then First Deputy Governor of the Bank of Mauritius. »
L’ancienne Company Secretary confirme également que « the transaction with Mr Apavou was completed on 7 June 2024. » Ce détail fait partie des Audited Financial Statements pour l’exercice financier 2024/25 soumis par KPMG. Elle ajoutera que « on 12 September 2024, i.e., less than three months after the Company acquired 70% of the shareholding in EastCoast, the Company’s Board of Directors discussed and approved the sale of 21% of the shareholding in EastCoast to Sun Limited for the consideration of EUR 14,4 million, representing the exact pro-rated purchase consideration price in relation to the price of EUR 48 million paid by the company. »
En tout cas, avec les détails de cet affidavit rédigé par les soins de Me Sivakumaren Mardemootoo, avoué, et les réponses aux questions de l’interrogatoire, les limiers de la Financial Crimes Commission ont du pain sur la planche pour décider laquelle des versions de Diya Sewraz ou de Louis Rivalland sur les Rs 2,1 milliards et Rs 2,4 milliards devra être retenue.
Opération Maradiva Lakaz Mama
Pravind Jugnauth reste motus et bouche cousue
L’ancien Premier ministre et leader du Mouvement Socialiste Militant, Pravind Juguath, inculpé provisoirement avec la saisie de Rs 113, 8 millions en coupures locales et devises étrangères dans trois valises et un sac, a été entendu de nouveau mercredi au QG de la Financial Crimes Commission. Accompagné de ses conseils légaux, Me Raouf Gulbul et Shamilla Sonah-Ori, avouée, il a exercé son droit constitutionnel au silence, soit motus et bouche cousue, face aux questions des enquêteurs pendant au moins trois heures.
Pravind Jugnauth a été confronté aux coupures bancaires placées dans ces trois valises et marquées en tant qu’exhibits auparavant en présence du suspect Josian Laval Deelawon. Le prochain rendez-vous de Pravind Jugnauth a été fixé dans une dizaine de jours. Entre-temps, la Financial Crimes Commission s’attend à des développements par rapport aux montres Cartier et Rolex se trouvant dans les valises avec des documents au nom de Kobita Jugnauth.
Gestion des fonds publics
La FCC mise sur la transparence, la responsabilité et l’intégrité
Au lendemain de la publication du rapport du Directeur de l’Audit sur la gestion des fonds publics, la Financial Crimes Commission souligne l’importance de la transparence, de la responsabilité et de l’intégrité. C’est ce qu’a déclaré le directeur général par intérim, Titrudeo Dawoodharry, à l’ouverture d’un séminaire en fin de semaine écoulée.
« Public funds management can be tainted by corruption and malpractices resulting into financial crimes. Transparency, accountability and integrity remain the pillars of good governance and the foundation of a resilient, equitable and thriving nation. These principles must guide the management of public funds to ensure their judicious use », s’est-il appesanti.
Ce séminaire visait à encourager les participants à discuter des pratiques et des recommandations concrètes visant à améliorer la transparence, la responsabilité et l’intégrité dans la gestion des fonds publics. Il a également permis aux parties prenantes de partager leurs expériences, d’examiner les risques liés à la criminalité financière et de promouvoir la collaboration entre elles.
De son côté, Me Richard Rault, commissaire de la Financial Crimes Commission, n’a pas manqué de commenter le classement de Maurice à l’indice de la perception de la corruption de Transparency International. Il a aussi ajouté que la Financial Crimes Commission se penche actuellement sur 3 000 dossiers, dont quelque 1 100 font l’objet d’enquêtes depuis février dernier. Et cela, en dépit du fait qu’il y a 79 postes vacants.