Farhad Aumeer est le seul parlementaire de l’actuelle Assemblée nationale à avoir obtenu une décoration à l’occasion de la fête nationale cette année. Une reconnaissace qu’il a accueillie avec émotion et philosophie. « Cela démontre clairement que j’ai la haute considération du Premier ministre. Je prends cette décoration avec humilité, et cela m’encourage à poursuivre ma carrière médicale en tant que gynécologue avec beaucoup de passion » affirme-t-il.
Dans l’interview qui suit accordée à Le-Mauricien, il retrace sa carrière professionnelle et se dit prêt à assumer toute responsabilité qui lui serait confiée et qui se trouve dans les périmètres de ses compétences. Il rappelle qu’en tant que responsable du dossier Santé alors qu’il était dans l’opposition, il avait réussi à mettre le ministre Kailesh Jagutpal en difficulté. Il dédie cette décoration à sa famille, à l’équipe médicale qui l’accompagne et à ses collègues.
« L’annonce de cette décoration mercredi m’a comblé de joie. Cette distinction est pour moi le couronnement de 33 ans de pratique professionnelle dans le domaine médical, particulièrement en obstétrique et en gynécologie »
« En tant que porte-parole du dossier Santé, j’ai eu l’occasion d’interpeller le ministre Jagutpal en mettant en lumière les failles au niveau du ministère et les abus qu’on a vu durant la pandémie de Covid. J’étais chargé de préparer la partie Santé dans le programme électoral »
« Le grand problème au niveau des services de santé réside dans le manque de ressources humaines. Toutes les cliniques dépendent des étrangers pour fonctionner, surtout en ce qui concerne les infirmiers et infirmières. La grande question est de savoir comment résoudre ce problème. Il nous faut avoir davantage de formation et attirer les jeunes sortant des collèges avec des salaires raisonnables »
Comment avez-vous accueilli la décoration que vous avez reçue pour les fêtes nationales ?
Je ne m’y attendais pas personnellement pour la simple et bonne raison qu’il y avait beaucoup de personnes, y compris au sein du gouvernement, qui sont plus qualifiées que moi pour obtenir cette prestigieuse décoration. C’est avec émotion que j’ai reçu un appel du Premier ministre pour m’annoncer qu’il avait une surprise pour moi et me dire que la médaille de GOSK me sera octroyée. Je l’ai remercié sur le coup. L’annonce de cette décoration mercredi m’a comblé de joie. J’étais très content. Cette distinction est pour moi le couronnement de 33 ans de pratiques professionnelles dans le domaine médical, particulièrement en obstétrique et gynécologie.
Parlez-nous de votre carrière…
J’ai eu beaucoup de chance dans ma vie. D’abord, j’ai été lauréat de la petite bourse en 1976. J’ai été admis au collège Royal de Port Louis où j’ai fait mes études secondaires. J’ai été reçu avec succès aux examens du SC et du HSC. En 1986, je suis parti à Dublin pour mes études en médecine pendant une période de six ans. Je suis fier de dire que je n’ai jamais été recalé.
J’ai passé certains modules with honours. Je termine en 1982. Dans ma promotion, il y avait 20 étudiants. Les Irlandais étaient privilégiés pour avoir leur internat dans les hôpitaux de Dublin ou en dehors. Pour les étrangers, il fallait faire des demandes et attendre les résultats. Grande a été ma surprise après mes résultats lorsque le Dean m’a convoqué pour m’annoncer que j’ai été assigné pour être à Dublin dans une unité spécialisée en médecine respiratoire et dans une unité chirurgicale hors de Dublin. Puisque j’avais eu une mention en obstétrique et gynécologie, je suis allée voir le professeur Colm 0’Herlihy, un des grands experts en obstétrique qui m’a donné une bonne recommandation.
Par la suite, les démarches en vue de me spécialiser en gynécologie ont abouti et j’ai été admis au Liverpool Maternity Service pour un Rotating Scheme en 1993-1994. Je me marie la même année et mon épouse me suit en Angleterre. En décembre, j’ai eu le premier choc de ma vie en apprenant que mon frère était décédé à Bordeaux. Il était de deux ans plus âgé que moi et faisait de la médecine intensive. Il fallait annoncer la nouvelle à ma famille et mon père me demande de rapatrier son corps Maurice.
Je dois vous dire que c’était très dur de livrer le cercueil à mon papa. Cette perte m’a beaucoup bouleversé. Je suis retourné en Angleterre après deux mois. J’ai travaillé très dur, j’ai fait mes examens et j’ai été reçu avec fierté pour la Part 1, et par la suite, la Part 2. Peu après, j’ai eu un deuxième choc lorsque mon ami Omar Uteem m’a appelé pour me dire que mon père n’allait pas bien et il est décédé peu après. J’ai dû partir précipitamment. C’est grâce à l’aide de l’ex-président Cassam Uteem que je suis arrivé à temps au cimetière à Maurice pour assister à l’enterrement de mon père.
Après ces deux chocs en cinq ans, j’avais décidé de ne pas retourner en Angleterre. C’est sur l’insistance de ma mère, qui voulait que je termine mes études, que j’y suis retourné en compagnie de mon épouse. J’ai réussi à compléter mes études et à devenir gynécologue. Je suis rentré à Maurice en 2001 et j’ai pris de l’emploi dans le service public. J’ai eu l’occasion de mettre au point le programme de dépistage du cancer du col de l’utérus, la caravane de santé. J’ai introduit la surveillance fœtale. J’ai également introduit la Minimal Invasive Surgery en gynécologie. J’ai fait plusieurs choses jusqu’en 2007, année où j’ai décidé d’exercer dans le privé. En 2008, j’ai été élevé au rang de FRCG.
Quand a commencé votre engagement dans le social ?
J’étais engagé dans diverses activités de part et d’autre. En 2009, j’ai été nommé à la présidence du Centre culturel islamique et du Haj Committee par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, et j’ai occupé ce poste jusqu’en 2014. J’ai une expérience enrichissante et j’ai pu apporter plusieurs changements qui ont par la suite été améliorés.
Lors de l’arrestation de Navin Ramgoolam que j’ai vécue en direct de la maison maternelle de la rue Desforges qui surplombe la résidence de SSR, j’ai vu comment il avait été bousculé et victime de vandalisme par certains. Je me suis dit que Navin Ramgoolam m’avait donné une certaine visibilité dans ce pays à travers l’ICC. J’ai décidé d’aller le rencontrer pour lui dire que je voulais le soutenir parce que j’étais convaincu qu’il était la victime d’un complot à haut niveau. Il m’a demandé de faire attention car on pouvait me faire du mal. C’est ainsi qu’a démarré une grande amitié entre lui et moi.
En 2019, il m’a donné l’investiture dans la circonscription No 2. Après mon élection, il a m’a confié le dossier de la Santé dont je me suis occupé en 2024. J’ai eu l’occasion d’interpeller le ministre Jagutpal en mettant en lumière les failles au niveau du ministère et les abus qu’on a vus durant la pandémie de Covid au niveau de son ministère. J’étais chargé de préparer la partie santé dans le programme électoral.
Par la suite, il m’a redonné une investiture au No 2. Je me souviens que Pulse Analytics avait mené campagne contre moi parce qu’un des directeurs de cette organisation controversée aujourd’hui voulait prendre ma place. J’ai été élu et j’effectue aujourd’hui mon travail comme Backbencher avec beaucoup de sérieux et d’enthousiasme. L’octroi de la médaille par le président de la république à la demande du Premier ministre montre que je suis sur la bonne voie.
En vérité, vous êtes le seul parlementaire à avoir été décoré cette année….
C’est vrai. Je suis pleinement conscient que je suis le seul à avoir été honoré cette année. Cela montre clairement que j’ai la haute considération du Premier ministre. Je prends cette décoration avec humilité et cela m’encourage à poursuivre ma carrière médicale en tant que gynécologue avec beaucoup de passion. J’ai beaucoup de réalisations à mon actif. Récemment, j’ai fait une reconstruction de l’utérus pour éviter l’ablation. J’ai eu l’occasion de traiter des cas très compliqués.
Je profite de l’occasion pour affirmer que l’ancien ministre Jagutpal s’est servi de l’immunité parlementaire avec la complicité de l’ancien Speaker pour dire des faussetés à mon encontre. Je n’ai jamais été épinglé par le Medical Council. Je suis connu pour ma régularité et ma discipline au travail. Je dédie cette décoration également à mes collaborateurs et mes collègues. J’ai été accompagné de toute une équipe du personnel médical pour arriver là où je suis.
Vous attribuez votre décoration plus à vos activités professionnelles et médicales qu’à vos activités politiques ?
Certainement, aux activités professionnelles mais aussi à mes activités sociales associées à la politique. Le social m’a toujours intéressé et je pense que j’ai toujours été attentif aux problèmes des pauvres. Moi-même, je viens d’une famille de la classe moyenne. Mes parents étaient éducateurs. Nous avons toujours aidé les personnes en difficulté Pendant le Ramadan, nous sommes très actifs sur le terrain.
Lorsque je suis entré en politique, j’avais une ambition. Après avoir vu ce qu’a subi Navin Ramgoolam pendant dix ans, je me suis dit qu’il est de mon devoir de tout faire afin qu’il retrouve son poste de Premier ministre. Ma volonté s’est accomplie. Mon ambition n’était pas de devenir ministre coûte que coûte.
Étiez-vous prêt à mettre votre profession en veilleuse pour occuper un poste ministériel ?
Oui, j’aurais pu le faire, mais ce n’était pas une condition absolue. Je n’aurais jamais mis le couteau sous la gorge de Navin Ramgoolam pour avoir quoi que ce soit. Pour moi, mon travail continue de plus belle, que ce soit sur les plans politique et professionnel. Si d’aventure je suis appelé à prendre des responsabilités, il me faudra faire un choix entre la carrière professionnelle et ce qu’on me demande à faire. Il faut continuer à faire notre travail au Parlement.
Certains souhaitent que les choses aillent plus vite, mais la priorité du gouvernement consiste à mettre de l’ordre et à reconstruire le pays. Il est de notre devoir d’apporter tout notre soutien dans ce domaine à ce gouvernement. Nos ambitions personnelles doivent obligatoirement passer au second plan pour continuer à nous occuper de notre circonscription et répondre aux attentes de nos mandants.
Quel regard jetez-vous sur la situation actuelle au niveau de la santé dans le pays ?
Lors de l’inauguration de la Premium Care Clinic à Phoenix, j’ai eu l’occasion de dire ce que je pensais. J’ai évoqué les règlements que le gouvernement compte introduire concernant la qualité des soins. L’importation parallèle des médicaments ne doit pas profiter qu’à ceux qui sont proches du gouvernement comme cela avait été le cas sous l’ancien gouvernement, mais à tous ceux qui ont une connaissance et une licence d’importation dans ce domaine. Il y a de gros projets à venir.
On parle de la construction d’une unité spécialisée en gynécologie et pédiatrie. On parle également de l’introduction du Pharmacare. Par ailleurs, les patients qui n’arriveront pas à obtenir les médicaments appropriés dans les services médicaux publics auront la possibilité d’aller les chercher dans les pharmacies privées. Les procédures auront à être mises en place.
Lors de mon passage à Londres récemment, j’ai rencontré le senior vice-président du Royal College of Obstetricians and Gynaecologists, responsable des affaires internationales. Ce dernier m’a annoncé que le président allait me recevoir. Il m’a remis un certificat. J’ai eu l’occasion en tant que député de présenter les projets de gouvernement en termes de construction d’institutions spécialisées. Le ministre de la Santé pourra assurer le suivi.
Comment accueillez-vous la multiplication de cliniques privées à Maurice ?
Lorsque j’étais entré au pays en 2001, le pourcentage des patients privés était estimé à 20%. Ce taux a atteint 28% à 30% aujourd’hui parce qu’il y a une sensibilisation concernant les assurances médicales. Que le veuille ou non, la perception qu’on est plus à l’aise dans une clinique privée est très forte. Les gens estiment qu’ils peuvent avoir un service spécialisé. On a des cliniques privées partout, que ce soit dans les villes ou les villages. Ce n’est pas le nombre de cliniques qui est important pour la qualité des soins. Il faut est très rigide et discipliné à ce sujet. Je suis en faveur des établissements spécialisés, mais il faut que la qualité soit là.
Notre grand problème réside dans le manque de ressources humaines. Toutes les cliniques dépendent des étrangers pour fonctionner, surtout en ce qui concerne les infirmiers et infirmières. La grande question est de savoir comment pallier ce problème. Il nous faut avoir davantage de formation. Il faut qu’on puisse attirer les jeunes qui sortent des collèges à travers des salaires raisonnables. De plus, il faut en finir avec le népotisme et la promotion pour les petits copains.
Il est important de créer une pépinière de jeunes infirmiers, infirmières et femmes sages. On doit encourager les jeunes à prendre un BSc en Nursing qui se fait en trois ans. Je ne suis pas contre l’arrivée des étrangers dans le secteur, mais il faut savoir que la communication avec les patients est très importante. Un malade doit pouvoir comprendre clairement et communiquer facilement avec les personnes des cliniques. Ce qui peut poser un problème pour les travailleurs étrangers.
Comment voyez-vous votre avenir ?
Je suis un professionnel satisfait, je suis un professionnel qui a gravi tous les échelons de mon métier. Mes deux fils sont légistes alors que ma fille est à Londres et travaille dans une firme privée. Mon épouse a été l’épine dorsale de ma carrière. Elle s’occupe de toutes mes affaires. Mon seul regret est que mon père ne soit plus là et ma mère est partie sur la pointe des pieds. J’anticipe l’avenir sereinement et positivement. Je suis prêt à assumer n’importe quelle responsabilité que me confierait le Premier ministre à l’avenir.