Alors que le transport aérien mondial a amorcé une reprise post-pandémie, Air Mauritius (MK) fait face à une crise financière majeure, conséquence d’une gestion jugée dispendieuse et désastreuse. Lors d’une conférence de presse vendredi, le chairman Kishore Beegoo a dressé un tableau alarmant de la situation, mettant en lumière un déficit de Rs 15,7 milliards.
Bien que la compagnie ait affiché un profit apparent de Rs 100 millions pour 2024, Kishire Beegoo précise que la réalité est toute autre : une perte effective de Rs 954 millions. Cette situation, selon lui, est le résultat d’une gestion hasardeuse sur la dernière décennie, qui a fragilisé l’ensemble des structures organisationnelles de l’entreprise.
Décisions stratégiques erronées
Parmi les erreurs majeures relevées figure la gestion du prêt de Rs 8 milliards accordé par Airport Holdings Limited (AHL) à Air Mauritius en 2022. Ce prêt aurait dû être immédiatement converti en capital, mais est resté sous forme de dette durant deux ans, affectant gravement le credit profile de MK et compliquant ses relations avec les fournisseurs et les compagnies de leasing. Ce blocage a même retardé la validation du bilan financier 2024, finalement signé en février 2025, après qu’AHL ait accepté la conversion.
En outre, la compagnie n’a pas réalisé d’opérations de hedging pour stabiliser ses coûts en carburant, augmentant ses dépenses à un moment où le secteur aérien amorçait une reprise. D’autres décisions stratégiques ont été vivement critiquées, notamment la relocalisation des vols de Heathrow à Gatwick, qui a entraîné d’importantes pertes. Huit des treize routes opérées par MK auraient ainsi accumulé des pertes de Rs 2 milliards.
Une gestion des ressources humaines chaotique
La compagnie a également subi un remaniement du personnel; sous l’ère de l’administration volontaire en 2020 qui s’est avéré préjudiciable. Des employés qualifiés et expérimentés ont été remplacés par des novices, rendant la structure organisationnelle incohérente. Critiquant les décision prises à cette période notamment, Kishore Beegoo dira que l’administrateur aurait traité MK “comme une usine de textile et de savon”, supprimant des postes stratégiques au lieu de préserver des compétences essentielles.
Une politique d’achats hasardeuse
Cette instabilité a entraîné une absence de coordination entre les départements, notamment le secteur commercial, qui vendait des billets à perte faute de suivi sur leur coût réel. Ce manque de contrôle financier a entraîné une inflation des coûts, notamment dans le département technique où les dépenses sont passées de 15% à 19% du budget total, soit Rs 5 milliards par an. Une restructuration est attendue avec le retour de Laurent Recoura en tant que Chief Commercial Officer.
Politisation et abus financiers
L’achat de sept Airbus A350, alors que la compagnie n’avait besoin que de six appareils, est un autre exemple de mauvaise gestion, pesant lourdement sur les finances de MK avec un coût additionnel de 195 millions de dollars. De plus, Air Mauritius a vendu des avions plus jeunes pour en louer de plus vieux et plus coûteux, engageant la compagnie dans des contrats à long terme difficiles à rompre.
Le chairman de MK dénonce également la politique d’achat de pièces détachées qui a conduit à un stock obsolète de Rs 442 millions, aggravant encore les pertes.
Un autre facteur ayant contribué à la dérive de MK est la politisation excessive de la compagnie, avec des responsables non qualifiés occupant des postes stratégiques. Kishore Beegoo cite même le cas d’un médecin donnant des instructions aux pilotes, illustrant le chaos interne.
Les pratiques abusives de distribution de billets gratuits et d’upgrades ont également coûté entre Rs 70 et Rs 100 millions. “Tout cela est cancel”, affirme Kishore Beegoo, annonçant des sanctions sévères pour tout abus futur.
Redressement et perspectives d’avenir
Face à cette situation catastrophique, la nouvelle administration a entamé un vaste chantier de réformes. Un audit forensic externe, sous l’égide d’experts étrangers, sera lancé pour évaluer les erreurs passées et restaurer la crédibilité de la compagnie. L’administration de la compagnie espère que MK atteindra le break-even en un an et renouera avec les bénéfices d’ici deux ans, bien que des efforts majeurs soient encore nécessaires.
Parmi les mesures envisagées, une analyse approfondie de la rentabilité des routes opérées est en cours, ainsi qu’une restructuration des départements financier et technique pour maîtriser les coûts.
La nouvelle administration est consciente des défis et tente de rectifier les erreurs du passé, mais le chemin sera long. Les mois à venir seront décisifs pour déterminer si les mesures entreprises suffiront à restaurer la compagnie comme un acteur majeur du transport aérien.