Femmes d’aujourd’hui – Karola Zuël : Détabouiser la sexualité

La sexualité des Mauriciennes reste un sujet tabou dans une société encore marquée par des préjugés patriarcaux. Pourtant, les mentalités évoluent et certaines femmes osent revendiquer une sexualité libre et épanouie. Karola Zuël, fondatrice de la plateforme « Koze Karol », s’est donné pour mission de détabouiser le sujet, d’informer et de sensibiliser, notamment sur les réseaux sociaux. Depuis six ans, elle observe de près cette évolution, les avancées comme les résistances, et partage ses constats.

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« Depuis six ans, je remarque une nette évolution chez les Mauriciennes. Elles sont plus ouvertes, plus informées et n’hésitent plus à exprimer leurs idées sur la sexualité, notamment en ligne », explique Karola Zuël. Sur TikTok, les discussions sur la sexualité, la libido et les relations de couple sont de plus en plus courantes. « Elles s’expriment davantage, et avec plus d’assurance, même si cela reste plus facile derrière un écran que dans la vie quotidienne ».

Cependant, cette liberté de parole en ligne ne signifie pas nécessairement une pleine aisance dans l’intimité. « De nombreuses femmes osent parler de sexualité avec leur partenaire, mais il reste encore du chemin à parcourir pour qu’elles se sentent entièrement libres d’exprimer leurs envies et leurs limites ».

L’influence des réseaux sociaux

Karola Zuël souligne que l’évolution des mentalités est aussi due à une meilleure accessibilité à l’information. « Il y a quelques années, on utilisait un langage très scientifique pour parler de sexualité, ce qui rendait le sujet plus intimidant. Aujourd’hui, on parle de santé sexuelle en créole, avec des mots simples, et cela a grandement changé la donne », explique-t-elle. « La Mauricienne est plus à l’aise avec sa sexualité parce qu’elle a plus de ressources à sa disposition. »

Cependant, cette nouvelle visibilité n’est pas sans ses dérives. « Les jeunes, notamment la génération Z, ont tendance à banaliser la sexualité, à la voir comme une simple expérience plutôt qu’une connexion intime », observe-t-elle. Elle note que l’influence des réseaux sociaux pousse certains jeunes à tester des expériences inspirées de la pornographie. « Beaucoup veulent repousser les limites, expérimenter et partager leurs aventures en ligne, ce qui peut être dangereux ».

Un rapport différent selon les générations
Si les jeunes femmes de la génération Z assument plus facilement une sexualité sans engagement, les quadragénaires et quinquagénaires adoptent parfois une approche différente. « Ces femmes, souvent célibataires et actives professionnellement, adoptent la philosophie YOLO (You Only Live Once). Elles cherchent à rattraper les instants perdus de leur jeunesse et profitent de la normalisation de la sexualité pour explorer de nouvelles expériences », raconte Karola Zuël. « Certaines sont discrètes, d’autres assument pleinement leur liberté ».

Un sujet encore tabou dans certaines sphères
Malgré ces avancées, de nombreuses femmes continuent de subir la pression sociale. « Une femme qui revendique une sexualité libre sera toujours jugée plus sévèrement qu’un homme. La société accepte qu’un homme ait plusieurs partenaires, mais si une femme fait de même, elle est stigmatisée », déplore-t-elle. Elle rappelle un épisode récent dans une émission de télé-réalité locale où un homme se vantant de ses nombreuses conquêtes a été applaudis, tandis qu’une femme interrogée sur son « body count » a été ridiculisée.

Un combat personnel pour Karola Zuël
Défendre la liberté sexuelle des femmes n’a pas été sans conséquences pour Karola Zuël. « Au début, les gens pensaient que je cherchais de l’attention, ou pire, que j’étais une prostituée », se souvient-elle. « J’ai reçu des messages insultants, des menaces, et même des propositions tarifées. C’était violent ». Elle a appris à ignorer ces attaques et à se concentrer sur son travail de sensibilisation. « Je refuse de laisser la négativité entrer dans ma vie », affirme-t-elle.

Un message aux femmes : s’éduquer pour mieux s’affirmer
Karola Zuël est convaincue que l’éducation est la clé pour que les femmes puissent revendiquer leur droit à une sexualité épanouie. « Il reste encore trop de Mauriciennes qui ont peur d’assumer leurs désirs, qui n’osent pas parler de sexualité avec leur partenaire », regrette-t-elle. « Certaines femmes ont des fantasmes mais ne peuvent pas en parler à leur mari, alors elles vont chercher ailleurs, parce qu’elles ressentent moins de honte avec un inconnu qu’avec leur propre partenaire ».

Elle encourage les femmes à s’informer et à développer leur estime de soi. « Quand on est éduquée et qu’on sait ce qu’on veut, on est moins vulnérable à la manipulation. La connaissance, c’est le pouvoir, y compris dans l’intimité ».
Si le chemin est encore long, Karola Zuël est persuadée que les mentalités continueront d’évoluer. « La voix des femmes se fait entendre. Il ne faut pas l’étouffer ».

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