L’avènement du gouvernement de l’Alliance du Changement, dans le sillage de la déroute cinglante du Pravind Jugnauth 3.0, fait que l’attente de la population reste à la mesure du score sans appel de 60/0 au scrutin du 10 novembre 2024. Évidente, en effet, la barre psychologique des 100 premiers jours, à la manière de cette déclaration, relevant du folklore électoral, dan san zour mo sanz ou lavi.
Toutefois, la sagesse populaire concède avec pertinence que, pour un mandat de cinq ans, ni plus ni moins aux termes de la Constitution, après cette étape initiale des 100 premiers jours prenant fin ces jours-ci, il restera encore 17 fois 100 jours à compléter. Puis l’électorat sera appelé à se prononcer sur le bilan complété.
En démocratie, tout un chacun est libre de se prononcer à sa façon et à tout moment sur les mesures adoptées, sur les étapes franchies, sur les décisions entérinées ou, mieux encore, sur le rythme du processus de changement initié.
Le 7 mars, avec la fin des débats sur la Motion of Thanks to the Presidential Address, présentée par Babita Thannoo, celle qui a fait tomber le Zorro, qui veut dire renard en espagnol, à Quartier-Militaire/Moka (No 8), le gouvernement disposera d’une Road Map pour le changement avec le titre évocateur A Bridge to the Future.
Mais une première phase cruciale se profile pour les prochains 100 jours. Le gouvernement s’attelle déjà aux préparatifs du premier budget de la nation devant être présenté au mois de juin prochain. Le triptyque annoncé se décline comme suit : reconstruire l’économie, renforcer les finances et restaurer les solides tissus sociaux de la nation.
Entre-temps, au-delà de la traditionnelle Shopping List budgétaire, les partenaires sociaux répondront présents à ce rendez-vous, susceptible de recadrer l’économie de la République de Maurice. À cet égard, l’objectif déclaré à la Treasury Building est que le budget 2025-26 constituera une étape majeure dans les efforts déployés par le gouvernement pour construire un pont vers l’avenir avec un nouveau modèle de développement, étayé par la coopération de toutes les parties prenantes et du public en général.
Vaste projet. Pour reprendre l’une des dix expressions devenues cultes de feu général de Gaulle. Mais les arbitrages budgétaires pourraient s’avérer pointus, avec, au passage, la prochaine mission du Fonds monétaire international pour les Article IV Consultations post-scrutin du 10 novembre.
Toujours au cours de ces 100 prochains jours, la démocratie à Maurice aura connu de nouvelles perspectives avec le début de l’exercice devant mener à un toilettage de la Constitution autour de l’axe patriotique As One People, As One Nation, In Peace, Justice and Liberty.
Ainsi, la composition du Constitutional Review Committee constituera les prémices de cet approfondissement de la démocratie à Maurice. Et pour cause, les attributions de cette instance républicaine baliseront ce nouvel espace où les pratiques démocratiques s’épanouiront. Une occasion de rupture avec ce qui avait été imposé politiquement et unilatéralement il y a 60 ans de cela à la sortie de la conférence constitutionnelle de Lancaster House, se déroulant du 7 au 24 septembre 1965.
Et pourquoi pas, au cours de ces 100 prochains jours, la cerise sur le gâteau de la République de Maurice, soit la fin du processus de décolonisation de Maurice, avec la restitution de la souveraineté sur l’archipel des Chagos, scellée sous forme de traité anglo-mauricien ?
Par contre, déjà, les prochaines élections régionales dans les cinq villes du pays, annoncées pour le 4 mai, représentent un pas décisif dans le rétablissement des droits politiques fondamentaux sur le plan de la démocratie régionale, prise en otage par le précédent gouvernement pour des raisons aussi diverses que fallacieuses.
Mais comment occulter l’une des principales avancées des 100 premiers jours, à savoir l’élimination du garrot des chatwas dans les institutions constitutionnelles du pays ? Une main d’acier dans un gant de velours a remplacé un LoudSpeaker sans réglage, confondant autorité et attitude abusive. L’Office of the Director of Public Prosecutions a retrouvé sa sérénité constitutionnelle dans l’exercice de ses fonctions.
La police et la Financial Crimes Commission, deux instances majeures dans la lutte pour assurer le Law and Order et la bonne gouvernance à tous les plans, sont désormais sous le régime à chacun son métier et les vaches seront bien gardées. Les enquêtes, qui passionnent l’opinion et monopolisent l’actualité, devront en apporter la preuve formelle.
N’empêche que la morale de la fable d’origine indienne Les Aveugles et l’Éléphant peut également être de mise dans ces 17 fois 100 jours à venir. C’est de bonne guerre en toute transparence démocratique…