Le Premier ministre, Navin Ramgoolam, sera ce week-end à Addis-Abeba, en Éthiopie. Il doit s’adresser aux chefs d’État et de gouvernement africains, qui seront appelés à élire un nouveau président de la Commission pour succéder au Tchadien Moussa Faki Mahamat, qui occupe ce poste depuis 2017. Trois candidats sont en lice, à savoir le Kényan Raila Odinga, le Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf et le Malgache Richard Randriamandrato.
Le Premier ministre avait, dès début janvier, retiré son soutien à la candidature de l’ancien ministre mauricien Anil Gayan pour soutenir le candidat du Kenya, Railla Odinga, à la suite de la rencontre au Treasury Building, à Port-Louis. Il avait insisté sur l’importance de renforcer les liens de Maurice avec l’Afrique. Il avait aussi rendu hommage à Jomo Kenyatta, homme d’État et nationaliste africain, qui a été le premier Premier ministre et, plus tard, le premier président du Kenya indépendant. Dans le communiqué publié par son bureau, la participation mauricienne à ce sommet africain témoigne de l’engagement renouvelé du gouvernement mauricien en faveur de l’unité et de la coopération africaine.
La présence de Navin Ramgoolam est donc significative de la volonté de Maurice de renouer avec sa présence active en Afrique. Les pays africains ont joué un rôle majeur dans le développement économique, politique et diplomatique de Maurice. Le pays a, à l’époque, bénéficié du protocole sucre, qui est la base de notre développement économique, grâce au soutien des pays africains au sein du groupe ACP. Le pays bénéficie toujours de l’Accord de partenariat économique avec le soutien de plusieurs pays de la région. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises industrielles, agricoles, commerciales et bancaires ont une présence très fructueuse en Afrique et contribuent de manière significative au développement économique du pays.
Le Premier ministre devrait évoquer le rôle passé, présent et futur de Maurice en Afrique dans plusieurs secteurs, et surtout faire le point sur les négociations entre Maurice et la Grande-Bretagne concernant l’exercice de souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos. Il ne faut pas oublier que c’est au nom de la décolonisation complète de l’Afrique que le dossier des Chagos avait été présenté à la Cour internationale de justice, et c’est à ce titre qu’une résolution en faveur de Maurice a été adoptée à l’Assemblée générale des Nations unies.
Navin Ramgoolam recherchera sans doute encore une fois le soutien des pays africains afin de réaliser l’extra mile nécessaire avant que le deal entre la Grande-Bretagne et Maurice soit signé. À ce propos, il a pris le soin d’inclure dans sa délégation le président du Chagos Trust Fund, Olivier Bancoult, qui aura l’occasion de faire le point sur la situation des natifs chagossiens.
Alors que le dossier des Chagos continue de défrayer la chronique dans les médias internationaux, Navin Ramgoolam a annoncé cette semaine que Maurice a effectué un pas significatif en faveur des États-Unis en acceptant qu’un représentant de l’administration américaine participe aux pourparlers entre la Grande-Bretagne et Maurice. En tout cas, la présence non seulement des dirigeants du gouvernement, dont le Premier ministre et le Premier ministre adjoint, Paul Bérenger, mais également celle de l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth et de l’ancien président Roopun, à la cérémonie de lancement de la biographie d’Olivier Bancoult montrent que tout le pays est solidaire au sujet du dossier Chagos, à quelques nuances près.
Finalement, le déplacement de Navin Ramgoolam à Addis-Abeba a, pour lui, une signification symbolique majeure. C’est en effet la première fois qu’il prend librement l’avion pour quitter le pays, non seulement depuis son come-back comme Premier ministre, mais également depuis 2014. Pendant dix ans, il a en effet été frappé d’interdiction de quitter le pays. La seule fois qu’il a été autorisé à voyager avait été pour se faire soigner du Covid-19 en Inde.
Jean Marc Poché