Guerre commerciale: les plateformes d’e-commerce Temu et Shein visées par Trump

La fin des exemptions de taxes pour les petits colis annoncée par Washington risque de porter un coup dur aux géants du commerce en ligne comme Shein et Temu – mais les consommateurs américains en feront aussi les frais, estiment les experts.

L’administration du nouveau président américain Donald Trump a imposé en début de semaine des droits de douane supplémentaires sur les produits importés de Chine, engageant un nouveau bras de fer commercial entre les deux puissances.

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En parallèle, Washington a mis un terme à l’exemption de droits de douane dont bénéficiaient les colis importés d’une valeur inférieure à 800 dollars.

Cette exception a longtemps fait le jeu de plateformes en ligne créées en Chine, comme les géants Shein et Temu.

Ces groupes expédient chaque année des dizaines de milliards de dollars de vêtements, gadgets et autres articles depuis un vaste réseau d’usines en Chine –et les États-Unis en sont un marché clé.

Face à ce bouleversement, ces plateformes « vont probablement s’adapter, mais cela pourrait se faire au détriment de l’accessibilité et de la diversité des produits qui ont fait leur succès », avertit Mingzhi Jimmy Xu, professeur adjoint à l’Université de Pékin.

 

– Modèle économique-

Dopé par cette réglementation favorable, le nombre d’envois exemptés de droits de douane a bondi de 600% sur les dix dernières années aux Etats-Unis, pour atteindre 1,36 milliard de colis l’an dernier.

Parmi les principaux distributeurs figurent plusieurs géants créés en Chine: Shein, Temu ou encore AliExpress (groupe Alibaba).

« Les plateformes chinoises font autant partie du quotidien du consommateur américain que les acteurs installés tels que Walmart, Target ou Amazon » note Laëtitia Lamari, cofondatrice de Brands2Buyers et spécialiste du e-commerce.

Entre 20 et 30% des ventes de Temu sont ainsi réalisées aux États-Unis, et cette proportion grimpe à entre 30 et 40% pour Shein, selon l’experte.

Mais ce modèle économique est depuis plusieurs mois dans le viseur de l’administration américaine, selon qui il rend difficile l’application d’exigences en matière de santé et de sécurité ou des droits de propriété intellectuelle.

Avec l’abrogation de l’exemption de taxes par Washington, « les ventes vont plus probablement se poursuivre aux Etats-Unis à des prix plus élevés, plutôt que subir un coût d’arrêt », estime néanmoins Allison Malmsten, analyste chez Daxue Consulting à Pékin.

– Pas d’alternatives –

L’abrogation décidée par M. Trump signifie que ces entreprises devront non seulement payer des droits de douane, mais aussi se plier à des formalités administratives et des contrôles plus fréquents —au risque de retarder significativement les livraisons.

« Le véritable enjeu se trouve du côté du consommateur » qui refusera de « payer des taxes supplémentaires pour des produits de première nécessité », estime Laëtitia Lamari, spécialiste du secteur.

Or, « le consommateur américain n’a pas beaucoup d’autres alternatives : même Amazon Haul, l’offre low cost d’Amazon proposant des produits à moins de 20 dollars, se fournit … en Chine. »

Conséquence: ce bouleversement « entraînera des coûts d’expédition plus élevés, se traduisant soit par des prix de détail plus élevés, soit par une réduction des marges: deux scénarios qui pourraient fondamentalement transformer les modèles économiques de ces plateformes », note Mingzhi Jimmy Xu.

Et l’impact sera « dévastateur pour des centaines de milliers de petites et moyennes entreprises (PME) du commerce en ligne » en Chine et aux États-Unis, anticipe Sheng Lu, professeur à l’Université du Delaware.

Selon un mémo consulté par l’agence Bloomberg, les revendeurs chinois ont déjà été priés de verser une taxe supplémentaire de 30% à leurs intermédiaires logistiques.

 

– Adaptation –

Les plateformes pourraient cependant créer des entrepôts locaux aux Etats-Unis, ou mettre en place des partenariats avec des distributeurs américains, estiment les experts.

« Temu, par exemple, développe rapidement un modèle semi-géré, où les marchandises sont expédiées en gros vers des entrepôts à l’étranger plutôt que directement aux clients », note ainsi Rui Ma, fondatrice de la newsletter Tech Buzz China.

Mais cette transition, en réalité anticipée par les plateformes, « n’est pas sans risques », avertit le professeur Xu de l’Université de Pékin.

Les investissements dans de nouveaux entrepôts et les coûts de gestion des stocks « pourraient réduire la flexibilité qui a été au coeur de leur succès », ajoute-t-il.

D’autant que d’autres difficultés pourraient émerger ailleurs: la Commission européenne a annoncé mercredi son intention d’imposer de nouvelles taxes sur les importations issues du commerce en ligne dans l’UE, précisant que cette initiative n’était pas coordonnée avec Washington.

aas-reb/jug/eb/lgo

© Agence France-Presse

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