Son nom était associé au crime de Gros-Billot. Sam Poongavanon était au cœur d’un triangle amoureux et la victime avait été retrouvée avec une balle dans la tête. L’ex-condamné à mort, qui se dit innocent, a été gracié en 2007. Détenteur d’un diplôme en journalisme et d’un doctorat en divinité, son vœu est qu’il y ait un plaidoyer pour la réhabilitation des prisonniers, estimant qu’il est temps de mettre fin à la violence et à la mort lente tout en agissant collectivement pour créer un système qui permette aux anciens détenus de retrouver dignité et espoir. Son nouveau livre, Renaître à l’amour ne reflète point la noirceur d’une vie d’un ex-condamné mais traite de l’importance de la remise en question personnelle pour prévenir les dérives menant à des crimes passionnels.
Vous avez retrouvé la liberté en 2007, après une condamnation en 1987. Racontez-nous comment un crime dit passionnel a changé le cours de votre vie ?
La tragédie a débuté en 1985, lorsqu’un crime passionnel, dont j’étais innocent, a bouleversé ma vie. Cet événement a été un véritable choc, m’enfermant dans un monde d’injustice et de souffrance. Accusé à tort, j’ai non seulement perdu ma liberté, mais aussi la possibilité de vivre selon mes aspirations. Les premières années en prison ont été particulièrement difficiles. J’ai dû faire face à l’angoisse, à l’incertitude et à des conditions de détention précaires. C’est dans cette adversité que j’ai découvert ma passion pour l’écriture, qui est devenue ma bouée de sauvetage.
Passer cinq ans dans le couloir de la mort m’a confronté à ma vulnérabilité, mais cela m’a également appris la résilience et l’importance de garder espoir. J’ai compris qu’il est possible de trouver la force de se relever, même dans les pires circonstances. Ma libération en 2007 a marqué le début d’un nouveau chapitre. J’ai choisi de transformer cette expérience douloureuse en une opportunité de croissance personnelle et d’engagement envers autrui. Mon parcours m’a montré que chaque défi, aussi difficile soit-il, peut devenir une occasion de renaître et de redéfinir sa vie.
Considérez-vous avoir été puni injustement et d’avoir eu à porter cette étiquette de « condamné par amour » ?
Je considère avoir été puni injustement. Être accusé à tort et enfermé pendant vingt-trois ans pour un crime que je n’ai pas commis a constitué une épreuve dévastatrice. L’étiquette de « condamné par amour » que j’ai dû porter a été particulièrement difficile à vivre. Elle a non seulement terni ma réputation, mais a également eu des conséquences durables sur ma vie et celle de mes proches.
Cette étiquette, à mes yeux, constitue une injustice supplémentaire, réduisant une histoire complexe à un simple récit de passion, sans tenir compte des nuances de la vérité. Cette expérience m’a appris que la justice ne se limite pas à une décision judiciaire. Elle englobe également compréhension, réconciliation et guérison.
Je crois fermement que chaque individu mérite une seconde chance et que la société doit s’efforcer de corriger ses erreurs passées. L’injustice peut être un fardeau lourd à porter, mais elle peut aussi devenir un catalyseur de changement. À travers mon parcours et mes écrits, j’espère inspirer les autres à lutter pour la justice et à promouvoir une société plus équitable pour tous.
Vous avez échappé de justesse à la peine capitale, le dernier exécuté étant Eshan Nanyeck en octobre 87. Quand on vit ses dernières heures dans le couloir de la mort et que vous aviez eu la chance de recevoir une grâce présidentielle et de voir votre peine être commuée en 20 ans de prison, quelle leçon tirez-vous de cet épisode marquant de votre vie ?
Échapper à la peine capitale a été un tournant décisif dans ma vie, et cette expérience m’a offert une perspective unique sur la valeur de la vie et la nature de la grâce. Dans le couloir de la mort, chaque seconde compte, et l’angoisse de l’inconnu pèse lourdement. On est confronté à ses propres démons, à ses regrets, et à la fragilité de l’existence humaine.
Lorsque j’ai reçu la grâce présidentielle qui a commué ma peine en vingt ans de prison, j’ai ressenti un mélange de soulagement et d’incrédulité. Cette seconde chance m’a enseigné que la vie est un cadeau précieux, susceptible de basculer à tout moment. J’ai compris l’importance de vivre chaque jour avec intention et gratitude. La liberté, souvent considérée comme acquise, devient alors un concept d’une immense valeur.
Cet épisode m’a aussi appris la force de l’espoir et de la résilience. Même dans les moments les plus sombres, il existe toujours une lumière à rechercher. J’ai décidé de ne pas me laisser définir par mon passé ou par les étiquettes qui m’avaient été imposées, mais plutôt de me concentrer sur ce que je pouvais apprendre et sur la manière dont je pouvais contribuer positivement au monde qui m’entoure.
Cette expérience a renforcé ma conviction sur l’importance de la compassion et de la justice. J’ai vu de près à quel point le système judiciaire peut être défaillant, et cela m’a inspiré à militer pour des réformes qui empêchent d’autres innocents de vivre le même sort. Je crois fermement que chacun mérite une seconde chance et que la réhabilitation est possible.
Il y a aussi votre rencontre avec Roger de Boucherville, ex-condamné à mort et qui a eu ces mots à votre égard: Kouraz mo garson. Quelle a été votre réaction ?
La rencontre avec Roger de Boucherville dans le couloir de la mort est un moment gravé dans ma mémoire, empreint d’une intensité émotionnelle inouïe. À mon arrivée dans cet endroit sombre et lourd de tension, j’étais assailli par l’angoisse et la peur de l’inconnu. C’est alors que l’interaction avec Roger a été un véritable rayon de lumière.
Roger, bien plus âgé que moi, avait lui-même souffert de la condamnation à mort depuis un an. Malgré son propre fardeau, il a pris le temps de me saluer et m’a encouragé en me disant : « Kouraz mo garson. » Ces mots, chargés de compassion et de solidarité, m’ont profondément touché. Ils m’ont rappelé que même dans les situations les plus désespérées, il est possible de trouver un soutien humain et un lien authentique.
Avant cette rencontre, j’avais entendu parler de Roger et de son histoire, mais jamais je n’aurais imaginé qu’il croiserait ma route. Son courage et sa dignité face à l’adversité m’ont inspiré et m’ont donné la force de continuer à espérer. Dans un lieu où la peur et la solitude règnent, recevoir des encouragements d’un autre détenu a eu un impact considérable sur mon état d’esprit.
Cet échange, bien que bref, a nourri en moi une attitude de résistance et de résilience face aux défis futurs. La mémoire de Roger reste vivante en moi, symbolisant tout ce que j’ai appris sur le pouvoir de la solidarité humaine.
D’une profession d’enseignant pour une histoire d’amour trahi, votre pénitence a été de vous retrouver dans le couloir de la mort. Vous êtes-vous senti en danger face à des prisonniers plus virulents avec un passé trouble ?
Lors de mon arrestation en 1985, j’ai été plongé dans un environnement extrêmement hostile, entouré de détenus impliqués dans des crimes graves, tels que des violeurs et des trafiquants de drogue. C’était une expérience terrifiante, particulièrement accentuée par le contexte de l’enquête de la Commission Rault sur les trafics de drogue à Maurice, qui m’a exposé à la cruauté et à la violence d’un monde dont je n’avais jamais fait partie en tant qu’enseignant.
Les moqueries et les remarques désobligeantes de mes co-détenus ajoutaient une pression supplémentaire à ma situation déjà précaire. Garder ma dignité était un véritable défi dans un milieu où la force et l’intimidation dominaient. J’ai enduré une torture psychologique et physique incessante, me maintenant dans un état d’alerte permanent.
Quel a été votre état d’esprit durant ces 20 ans d’incarcération ?
J’ai dû faire face à une lutte interne profonde. Mon état d’esprit oscillait entre la peur et le désespoir, mais j’ai également découvert en moi une résilience inattendue.
J’ai appris à puiser dans mes ressources intérieures, à me concentrer sur l’espoir d’une libération future et à utiliser l’écriture comme un moyen d’évasion. Écrire m’a permis de préserver une part de moi-même et de canaliser mes émotions dans quelque chose de constructif.
J’ai compris qu’il était essentiel de garder le contrôle sur mes pensées et mes actions, même dans les moments les plus sombres. J’ai consacré du temps à réfléchir à ma vie, à ce que j’avais perdu et à mes aspirations pour l’avenir. Cette introspection m’a aidé à transformer la souffrance en force, et bien que chaque jour ait présenté son lot de défis, j’ai réalisé que ma survie dépendait de ma volonté.
Mon expérience dans le couloir de la mort a été marquée par des luttes intérieures, mais aussi par la découverte de ma force et de ma capacité à surmonter l’adversité. Ces années m’ont profondément transformé et m’ont préparé à accueillir une nouvelle vie, avec la détermination de partager ma vérité et d’aider les autres à surmonter leurs propres obstacles.
Ne pas avoir d’argent pour présenter votre cas devant le Privy Council, malgré l’aide de sir Harold Walter, QC, votre homme de loi de l’époque, a été un coup dur. Vous y pensiez encore ?
Effectivement, le manque de ressources financières a constitué un obstacle majeur qui m’a hanté pendant des années. Grâce à l’aide de sir Harold Walter, nous avons finalement réussi à rassembler les fonds nécessaires. Cependant, lorsque l’appel a été fixé à Londres, le décès de dir Harold m’a laissé sans défenseur, me plongeant dans un sentiment d’isolement face à cette bataille. C’est alors qu’est intervenu feu Sir Gaëtan Duval, Q.C. Il a généreusement accepté de me défendre à Londres sans exiger un centime. Malgré le fait que les Lords en Angleterre maintenaient la peine capitale à mon encontre, sa présence était réconfortante. Sa détermination à obtenir ma grâce était inébranlable, et grâce à lui, j’ai pu aborder cette épreuve avec courage. Il est regrettable qu’il ne soit plus parmi nous pour voir les résultats de ses efforts.
Être un rejeté de la société, est-ce une marque au fer rouge indélébile pour vous ?
Être perçu comme un rejeté de la société est une épreuve difficile à porter, laissant des marques profondes. Après avoir subi la condamnation à mort et vécu des années d’incarcération, j’ai ressenti le poids de cette étiquette. Cela engendre souvent un sentiment d’isolement et d’incompréhension, où l’on se sent exclu non seulement par le système judiciaire, mais également par la société dans son ensemble.
Je ne crois pas que cette expérience doive constituer une marque indélébile. Au contraire, elle peut servir de catalyseur pour une transformation personnelle. J’ai fait le choix de ne pas laisser cette étiquette définir qui je suis. J’ai décidé de me battre pour ma réhabilitation et de prouver ma capacité à contribuer positivement à la société.
Ce chemin demande un travail acharné sur soi-même, mais je suis convaincu qu’il est possible de surmonter ses erreurs passées et de regagner la confiance des autres. Bien que ce soit un parcours semé d’embûches, chaque pas vers la rédemption constitue une victoire en soi.
Mon engagement à aider autrui et à partager mon récit vise à démontrer que même ceux qui ont été rejetés peuvent retrouver leur place dans la société. Même si les stigmates de mon passé persistent, je refuse de les voir comme un fardeau irréversible. Ils font plutôt partie intégrante de mon parcours, me motivant à œuvrer pour un monde plus juste et compatissant, où chacun a la possibilité de se reconstruire et de se réintégrer, indépendamment de son histoire.
Votre survie, vous le devez à un verset de la Bible : Deutéronome 30:19 «Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité.» Le déclic de choisir de vivre a t-il donné une autre orientation à votre vie ?
Ma survie et ma transformation personnelle sont profondément liées à ce verset biblique, qui est devenu un véritable phare durant les moments les plus sombres de ma vie, en particulier lorsque tout le monde parlait de ma condamnation à mort. Le public, les médias, et même la Cour annonçaient que j’allais être pendu.
Cependant, dans mon esprit, j’avais fait le choix de la vie. Cette décision a été cruciale, car choisir la vie ne signifiait pas seulement survivre physiquement, mais aussi s’engager à embrasser l’espérance et la résilience. Cela m’a ouvert les yeux sur la possibilité de redéfinir ma vie, de trouver un sens même dans la douleur, et de me reconstruire pas à pas.
Aujourd’hui, vous êtes président de Youth for Christ Maurice, directeur de Member Care pour le continent africain et coach de vie certifié. Parlez-nous de cette foi retrouvée ?
J’ai l’honneur de partager ce message d’espérance et de choix avec les jeunes et les communautés. Mon rôle consiste à accompagner ceux qui traversent des épreuves similaires, en leur montrant qu’il existe toujours une voie vers la rédemption et la paix intérieure.
Ma foi retrouvée est donc ancrée dans la conviction que chacun a le pouvoir de choisir sa destinée, indépendamment de son passé. En tant que coach de vie certifié, je m’efforce à inspirer les autres à faire des choix audacieux, à transformer leurs luttes en force, et à bâtir une vie remplie de sens et de passion.
Ma foi dépasse le simple domaine spirituel, elle s’est intégrée dans chaque aspect de ma vie. Elle me pousse à avancer avec détermination et à œuvrer pour un monde meilleur, où chacun peut choisir la vie, tant pour lui-même que pour les générations futures.
Vous aviez inspiré plus d’un en prison en obtenant votre diplôme de journalisme, et, en 2023, vous avez obtenu un doctorat en divinité. Pensez-vous que l’écriture et cet engagement holistique de foi ont été des exutoires qui vous ont permis de vous raccrocher à la vie ?
Absolument, je suis convaincu que l’écriture et mon engagement spirituel ont été des exutoires essentiels tout au long de mon parcours, notamment durant mes années en prison. L’obtention de mon diplôme de journalisme a constitué une étape cruciale, me permettant de canaliser mes émotions et réflexions. Écrire m’a offert une plateforme pour exprimer mes pensées, mes luttes et mes espoirs, me maintenant ainsi en lien avec mon humanité et celle des autres.
Il est important de mentionner qu’en 1998, j’ai reçu une distinction à l’Académie Francophone en France pour ma nouvelle intitulée Enfance Brisée. De plus, ici à Maurice, j’ai obtenu une mention au concours Arthur Martial en 1995 pour ma nouvelle Chute Libre.
En 2003, j’ai eu l’honneur de devenir le premier détenu à publier un livre intitulé Condamné Amour, fragment d’une vie, aux Éditions Les Printemps. Je tiens à remercier l’ex-ministre de la Sécurité sociale, Samioullah Lauthan, pour son soutien. En 2005, j’ai poursuivi cette aventure littéraire avec un second ouvrage, Enfance Brisée, publié aux Éditions de La Tour. Je souhaite également exprimer ma gratitude à Sedley Assonne, qui a facilité la publication, ainsi qu’à Vine Ramnauth, journaliste à Le-Mauricien à l’époque, pour son livre L’enfer d’un condamné à mort, qui a mis en lumière mon histoire en 1989.
Ces expériences m’ont permis d’inspirer d’autres détenus et de prouver qu’il est possible de transformer sa réalité par l’écriture, même dans des conditions difficiles. Cette passion est devenue un véritable instrument de changement et de rédemption. Mon engagement holistique dans la foi a également été un pilier fondamental, donnant un sens profond à ma vie. L’obtention de mon doctorat en divinité en 2023 a marqué l’apogée de ce parcours spirituel, me permettant d’approfondir ma compréhension de la foi et de son impact sur les vies. J’ai ainsi réalisé que ma foi ne se limitait pas à un ensemble de croyances, mais agissait comme un moteur d’action, de compassion et de transformation.
À votre sortie de prison, vous donnez une nouvelle aura à votre vie avec un premier article dans 5-Plus Dimanche, mais avec un casier judiciaire, le ministère de l’information vous refuse une carte de presse et vous créez votre propre journal, Liberté-Plus. Cette envie d’être un électron libre et de ciseler vos émotions à travers des articles était viscérale. Vouliez-vous à ce moment précis faire entendre votre voix d’ex-condamné et être le porte-parole de ceux en milieu carcéral, privés de liberté d’expression ?
À ma sortie de prison, j’étais déterminé à redéfinir ma vie et à faire entendre ma voix. Mon premier article dans 5-Plus Dimanche a marqué un tournant important, mais j’ai rapidement découvert que le ministère de l’Information refusait de me délivrer une carte de presse en raison de mon casier judiciaire. Ce refus a été un coup dur, mais il a également renforcé ma détermination à ne pas laisser mon passé conditionner mon avenir.
C’est ainsi qu’en 1987, j’ai fondé le magazine mensuel Liberté-Plus, qui existe aujourd’hui en version en ligne. Lorsqu’un détenu sort de prison, il doit souvent faire face à de nombreux défis, tels que le manque d’emploi, l’absence de logement, et parfois même des ruptures avec sa famille.
Dans mon cas, je tiens à exprimer ma profonde gratitude envers ma famille, mes amis ici et à l’étranger, notamment en Belgique, qui ont été des piliers de soutien tout au long de mon parcours. Leur amour et leur aide ont été essentiels pour ma réintégration dans la société. Grâce à eux, j’ai pu reconstruire ma vie et retrouver ma place dans le monde.
Cette aventure m’a permis de transformer mes défis en opportunités, et je crois fermement en la puissance de l’écriture pour inspirer, élever et redonner espoir à ceux qui en ont besoin. Écrire et publier des articles m’ont permis de revendiquer non seulement ma propre dignité, mais également celle de tous ceux qui se sentent invisibles et oubliés. C’était une manière de lutter contre l’injustice et de sensibiliser le public aux conditions de vie en prison. Mon engagement dans cette voie a été à la fois cathartique et libérateur, me permettant de transformer mes expériences personnelles en un message d’espoir et de solidarité. À travers Liberté-Plus, j’ai non seulement trouvé ma propre voix, mais j’ai également cherché à inspirer les autres par le pouvoir de l’écriture, faisant ainsi un pas vers ma réintégration dans la société.
Avec votre nouveau livre Renaître à l’Amour est-ce aussi essentiel de se remettre en question pour éviter des crimes passionnels ?
Oui, Renaître à l’Amour traite également de l’importance de la remise en question personnelle pour prévenir les dérives pouvant mener à des crimes passionnels. Dans cet ouvrage, j’explore comment l’amour, lorsqu’il est mal compris ou mal géré, peut parfois donner lieu à des comportements destructeurs.
La remise en question est cruciale pour prendre conscience de nos émotions, de nos motivations et de nos réactions. Elle nous aide à mieux comprendre nos propres besoins ainsi que ceux de notre partenaire, tout en favorisant une communication ouverte. Cette introspection permet d’identifier les signaux d’alarme avant qu’ils ne dégénèrent en conflits violents ou en actions regrettables.
Votre passé en prison, le reniez-vous ou en faites-vous un combat de tous les jours ?
Je suis fier de ma réhabilitation et de mon parcours professionnel, mais je ne renie en aucun cas mon passé en prison. Au contraire, j’en fais un combat quotidien. Mon expérience carcérale, bien que difficile, m’a enseigné des leçons précieuses sur la résilience, la compassion et la force intérieure.
Plutôt que de considérer mon passé comme un fardeau, je choisis de l’accepter comme une partie intégrante de mon identité. Cela me permet non seulement de rester ancré dans la réalité, mais aussi de me souvenir d’où je viens et de l’importance de donner une voix à ceux qui se trouvent dans des situations similaires. Mon passé m’inspire à travailler au service des autres, en partageant mon histoire pour sensibiliser le public aux défis rencontrés par les anciens détenus.
Chaque jour, je m’efforce de transformer mes expériences en un message d’espoir et de rédemption. J’utilise ma plateforme pour encourager ceux touchés par le système pénal à croire en leur potentiel de changement. Mon passé en prison n’est pas un sujet de honte, mais plutôt un point de départ qui nourrit ma détermination à promouvoir la justice et à aider les autres à se reconstruire.
En somme, mon parcours, avec ses hauts et ses bas, constitue une source de motivation. Je continue à faire de mon passé un combat quotidien, non seulement pour redéfinir ma propre vie, mais aussi pour inspirer et soutenir ceux qui cherchent à se réhabiliter.
Peut-on dire que la prison a été une rude école, mais aussi une école d’enseignement de la vie ?
La prison a été une véritable école de la vie, à la fois exigeante et formatrice. J’y ai acquis des leçons d’humilité, de réflexion et de résilience. Cette période difficile m’a contraint à affronter mes propres démons, à reconnaître mes erreurs et à comprendre les conséquences de mes actes. J’ai donc pu considérer ma détention comme une école divine, où chaque épreuve représentait une occasion de grandir et de me transformer.
Votre statut d’écrivain est-il un atout pour devenir scénariste pour un documentaire plus approfondi sur la vie en milieu carcéral ?
Mon statut d’écrivain me permet de partager des histoires et des expériences qui ouvrent des dialogues sur des sujets souvent tabous. J’ai à cœur de montrer que chacun mérite d’être entendu et compris, quelles que soient ses circonstances. Quant à l’idée de devenir scénariste pour un documentaire sur la vie en milieu carcéral, cela serait une aventure passionnante.
Je crois qu’un tel projet pourrait offrir une perspective plus profonde sur les réalités de la détention et de la réhabilitation. Si j’avais l’opportunité de participer à une telle initiative, je m’efforcerais de le faire avec respect et sensibilité, en mettant en avant les voix de ceux qui vivent ces expériences.
Je considère la littérature et le cinéma comme des outils puissants pour sensibiliser et encourager la compréhension. Mon souhait est de contribuer modestement mais significativement à ces conversations essentielles. Je donne également des cours sur le leadership et le développement personnel selon John C. Maxwell. J’ai proposé d’introduire le programme Au-delà du Succès dans les prisons mauriciennes. J’ai déjà écrit au commissaire des prisons il y a environ deux ans, mais je n’ai pas reçu de réponse. Je représente également John C. Maxwell à Maurice et dans l’océan Indien. J’espère qu’avec le nouveau gouvernement, des opportunités s’ouvriront.
Êtes-vous un homme apaisé, dont le nom n’est plus associé au crime de Gros-Billot, et comblé en amour, car personne ne sort indemne du couloir de la mort?
Je me sens plus apaisé, bien que mon passé me suive toujours. Malgré mon innocence, la Cour m’a déclaré coupable, et je suis conscient des tragiques conséquences de mes actes. La mort de cet homme, qui était un père, a laissé des enfants orphelins et une femme veuve. Ce sont des réalités que je porte chaque jour, et je ressens une profonde compassion pour la souffrance qu’ils ont traversée.
Je remarque qu’encore quarante ans après les faits, les médias continuent de faire référence à mon passé, souvent sans tenir compte de l’évolution de ma vie. Cela soulève la question de la véritable réintégration dans la société. Il est difficile de se reconstruire quand les échos du passé demeurent omniprésents, et je m’interroge sur le rôle que jouent les médias dans la réhabilitation des personnes ayant commis des erreurs graves.
En ce qui concerne l’amour, je suis reconnaissant d’avoir pu établir des liens significatifs dans ma vie. L’amour a été un moteur essentiel de ma transformation personnelle, et je crois fermement en la possibilité de changement. J’ai appris que la sérénité et l’épanouissement viennent de l’intérieur, et qu’il est crucial de chérir les moments de bonheur et de connexion avec autrui. Même si mon passé fait partie de mon histoire, il ne définit pas qui je suis aujourd’hui. Je m’efforce de vivre chaque jour avec compassion, gratitude et espoir, tout en reconnaissant les blessures que j’ai causées et en gardant à l’esprit l’importance d’un dialogue continu sur la réhabilitation et le pardon.
Propos recueillis par Corinne Maunick