Après le Festival International Kreol (FIK) à la fin de l’année dernière, un rendez-vous incontournable dans la promotion du tourisme et la valorisation de la culture mauricienne, le nouveau ministre du Tourisme et leader des Nouveaux Démocrates, Richard Duval, prend la mesure d’un secteur économique stratégique, qui a permis à l’économie de sortir la tête hors de l’eau avec la période post-Covid. Dans cet entretien à bâtons rompus avec Le-Mauricien en ce début d’année, Richard Duval dresse un constat de la situation et pose les jalons pour les étapes à venir en replaçant dans leur juste perspective « les quatre axes clés : séduire le marché indien avec des offres aux petits oignons, positionner Maurice comme un Hub MICE (Meetings, Incentives, Conferences and Exhibitions) de référence en Afrique, développer notre secteur croisière avec la modernisation des infrastructures portuaires, et la mise en place d’un programme d’incitation innovant pour attirer de nouvelles compagnies aériennes. »
Quelle est votre vision pour le secteur touristique à Maurice, et quelles sont vos priorités pour ce mandat ?
Avec 1,36 million de visiteurs en 2024 représentant 97% de nos niveaux de 2019, nous faisons pâle figure : nous sommes encore loin du compte par rapport à nos concurrents comme les Seychelles et les Maldives, qui ont déjà dépassé leurs chiffres pré-Covid. Loin de me décourager, cela me motive à faire encore mieux.
Nous allons transformer structurellement le secteur avec une refonte de la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA), avoir des stratégies ciblées pour pénétrer les nouveaux marchés émergents et une modernisation ambitieuse de nos infrastructures touristiques. Et comme les Mauriciens le savent, je suis allergique à la routine : il faut sortir des sentiers battus, surtout en basse saison, pour équilibrer les flux touristiques toute l’année.
Après les défis récents, comme la pandémie de Covid-19, quelles mesures immédiates allez-vous mettre en place pour relancer le tourisme ?
Les défis, c’est comme un bon curry mauricien : épicé, mais ça donne du goût. Nous devons nous adapter à ce que veulent les touristes post-Covid. Notre relance repose sur quatre axes clés : séduire le marché indien avec des offres aux petits oignons, positionner Maurice comme un Hub MICE (Meetings, Incentives, Conferences and Exhibitions) de référence en Afrique, développer notre secteur croisière avec la modernisation des infrastructures portuaires, et la mise en place d’un programme d’incitation innovant pour attirer de nouvelles compagnies aériennes. Le tout, bien sûr, pour dynamiser nos périodes creuses.
Envisagez-vous de diversifier l’offre touristique en développant des secteurs comme l’écotourisme, le tourisme culturel ou médical ?
Absolument. Nous avons trois piliers : d’abord, l’authenticité mauricienne avec des circuits patrimoniaux et un tourisme communautaire qui sent bon la gastronomie et l’artisanat local. Ensuite, notre position à renforcer au sein des Îles Vanille et pas juste avec une belle affiche, mais avec des budgets et des actions concrètes ! Enfin, il importe de développer le tourisme médical en collaboration avec des experts internationaux, surtout indiens. Faire de Maurice une destination médicale de l’océan Indien ? Oui, c’est possible.
Quels sont vos projets pour promouvoir de nouvelles expériences comme le tourisme d’aventure, sportif ou de bien-être ?
Il faut penser grand. Le bien-être sera au cœur de notre offre avec des expériences holistiques et des pratiques traditionnelles locales. Le tourisme d’aventure mettra en valeur nos paysages uniques – avez-vous déjà gravi une montagne au lever du soleil ? Vous devriez. Et le développement de circuits combinés innovants dans le cadre des îles Vanille.
Malheureusement, certaines initiatives ont été ralenties par des complications administratives, notamment au niveau de l’EDB pour les circuits combinés dans les îles Vanille. Nous travaillons activement à simplifier ces processus pour faciliter le développement de nouvelles expériences touristiques. Il nous faut de vraies marinas, et pas seulement des ponts flottants qui ne satisfont que quelques privilégiés propriétaires de villas.
La destination mauricienne est devenue extrêmement chère. Comment rendre le séjour plus accessible sans compromettre la qualité ?
Maurice, ce n’est pas « plus cher », c’est « plus précieux ». Mais blague à part, nous savons qu’il faut ajuster. Nous allons diversifier l’offre pour chaque segment de clientèle, soutenir les petits établissements pour enrichir l’hébergement et optimiser le rapport qualité-prix avec les acteurs du secteur. L’idée, c’est de garantir que chacun reparte avec le sourire et l’envie de revenir.
L’accès à l’île Maurice, notamment pour ce qui est du prix des billets d’avion, est exorbitant. Comment comptez-vous vous attaquer ce problème pour rester compétitif sur le marché international ?
Cette problématique de la cherté des billets d’avion est cruciale pour notre compétitivité. Notre solution ? Deux axes : d’abord, revitaliser Air Mauritius pour qu’elle devienne un levier clé de notre développement touristique. Ensuite, ouvrir le ciel mauricien avec des incitations pour attirer d’autres compagnies aériennes. Plus de sièges, plus de concurrence, des prix plus doux.
Le marché africain est très peu exploité. La connectivité entre le continent et l’île Maurice est limitée et coûteuse. Peut-on espérer des accords avec des pays africains pour rendre l’accessibilité aérienne plus abordable et stimuler les échanges touristiques ?
L’Afrique est un diamant brut. Avec des vols de quatre à cinq heures et une classe moyenne en plein essor, c’est un marché d’avenir. Nous allons nous concentrer sur le segment MICE, renforcer la connectivité régionale avec des partenariats stratégiques, et signer des accords bilatéraux pour réduire les coûts de transport. Bref, tout pour faire de l’Afrique une priorité.
Comment comptez-vous soutenir les restaurants, bars et commerces locaux qui dépendent des visiteurs étrangers ?
Notre approche est simple : nous visons à transformer l’industrie hôtelière en une véritable industrie touristique intégrée. Nous mettons en place une stratégie à plusieurs niveaux : des offres promotionnelles ciblées pour maintenir un taux d’occupation minimum de 75% même en basse saison, l’organisation d’événements saisonniers pour dynamiser l’activité commerciale locale, et un programme de soutien aux acteurs locaux. Nous encourageons les grands établissements hôteliers à collaborer davantage avec les commerces locaux, organiser des événements pour attirer les touristes dans les régions, et régulariser les modèles de location touristique pour diversifier l’offre. Un touriste heureux, c’est un commerçant content, et un Mauricien fier.
Y a-t-il une possibilité d’interdire ou de réguler les formules “all-inclusive” pour favoriser une meilleure répartition des revenus ?
La problématique des formules All-Inclusive nécessite une approche équilibrée. Les politiques passées ont accordé une importance excessive à ces formules, au détriment d’un développement touristique durable et inclusif. Notre stratégie vise à rééquilibrer l’offre touristique tout en préservant notre compétitivité. Nous allons inciter les hôtels à développer des partenariats avec les commerces et expériences locaux. L’idée, c’est de rééquilibrer la balance pour que tout le monde en profite.
Quels projets sont prévus pour valoriser les produits locaux dans les commerces, les marchés artisanaux et les restaurants ?
Nous avons un plan en trois actes, digne d’un bon séga. Premièrement, on va créer des circuits touristiques immersifs pour que nos visiteurs découvrent la magie de nos artisans et producteurs locaux, directement sur le terrain. Deuxièmement, on pousse les hôtels à jouer collectif avec nos agriculteurs et pêcheurs, pour que les circuits courts ne soient pas juste une tendance, mais une norme. Et enfin, on instaure une charte qualité pour protéger notre gastronomie , parce que le jour où un vinday pwason n’a plus le goût de chez nous, c’est toute notre identité qui est en jeu.
Pensez-vous structurer et promouvoir des secteurs comme la Street Food pour en faire un atout mauricien ?
La Street Food locale est un trésor culinaire et culturel qu’il faut savourer, mais aussi structurer. Notre plan est simple : créer des zones dédiées à la Street Food dans nos principaux centres touristiques, avec des normes d’hygiène et de qualité pour garantir une expérience inoubliable. En parallèle, nous prévoyons des formations pour nos vendeurs afin de moderniser les infrastructures sans perdre l’authenticité qui fait tout le charme de notre Street Food. Une attention particulière sera portée à la préservation de l’authenticité de nos plats traditionnels, en évitant leur banalisation dans les établissements touristiques.
Comptez-vous créer de nouveaux centres de loisirs et diversifier l’offre en matière de divertissement à Maurice ?
L’île Maurice ne se résume pas qu’à ses plages, aussi belles soient-elles. Nous voulons des centres de loisirs modernes qui allient technologie et traditions. Imaginez un espace où un spectacle interactif de danse séga côtoie une immersion en réalité virtuelle dans nos lagons !
Après le succès du Festival créole, nous comptons investir dans des pôles régionaux de divertissement avec des zones adaptées aux familles, aux jeunes, et même aux noctambules. Eh oui, tout le monde doit y trouver son bonheur. Un accent particulier sera mis sur la formation des acteurs locaux pour garantir une offre de divertissement de qualité internationale.
Les régions rurales ou moins développées bénéficieront-elles de ces nouveaux centres ? Si oui, comment ?
Absolument ! Maurice ne se limite pas à Grand-Baie ou Flic-en-Flac. Les régions rurales regorgent de trésors cachés, qu’il s’agisse de cascades, de traditions culturelles ou de paysages à couper le souffle. Nous prévoyons des pôles d’attraction dans ces régions, avec des circuits thématiques et des infrastructures adaptées. L’objectif : permettre à chaque coin de l’île de participer à l’essor touristique tout en conservant son authenticité.
Comptez-vous intégrer des innovations technologiques ou des éléments mauriciens authentiques ?
Oui, absolument . Notre approche est un mélange de technologie de pointe et d’authenticité mauricienne. Nous utilisons des outils comme l’intelligence artificielle et la Machine Learning pour anticiper les attentes des voyageurs et personnaliser leurs expériences – mais toujours en mettant en avant notre patrimoine unique. Imaginez que l’on visite l’Aapravasi Ghat grâce à la réalité augmentée ou que l’on découvre le séga tambour dans le Metaverse ! Ces innovations ne remplaceront pas l’authenticité, elles la sublimeront. En collaboration avec le ministère des TIC, nous travaillons à intégrer ces outils de manière intelligente et cohérente pour rester compétitifs sans perdre notre âme mauricienne.
Est-ce que vous envisagez de faire payer l’accès aux randonnées ? Si oui, quels seraient les objectifs de cette mesure, et comment ces fonds seraient-ils utilisés pour préserver et entretenir nos sites naturels ?
Oui, mais que les amoureux de la nature se rassurent : nous parlons d’une contribution modérée et surtout réfléchie. Ces fonds serviront à protéger nos magnifiques sentiers, à améliorer les infrastructures et à garantir la sécurité des randonneurs. Et honnêtement, qui ne voudrait pas contribuer à préserver des lieux aussi magiques ? Nous vous promettons que chaque roupie collectée sera réinvestie pour que l’expérience reste exceptionnelle.
Avez-vous pensé à des tarifs différenciés pour les touristes étrangers et les Mauriciens ?
C’est à l’étude. Les Mauriciens bénéficieront de tarifs préférentiels pour accéder à leur patrimoine naturel, tandis que les visiteurs internationaux contribueront davantage à sa préservation. C’est un équilibre gagnant-gagnant : les locaux profitent de leur île, et les touristes participent à sa durabilité.
La sécurité est une préoccupation importante pour les touristes comme pour les locaux. Quelles mesures seront prises pour garantir des expériences touristiques sûres ?
La sécurité, c’est la clé d’un tourisme serein. Avec la nouvelle direction de la police, nous procédons à une restructuration complète de la police du Tourisme pour améliorer son efficacité. Nous renforçons également la présence des gardes-côtes et optimisons la coordination entre les différents services de sécurité. La police de l’Environnement sera également renforcée pour garantir la salubrité et la sécurité des sites touristiques. En parallèle, nous déployons des campagnes de sensibilisation pour promouvoir un tourisme responsable et respectueux.
Certaines plages et sites populaires souffrent de petits délits. Envisagez-vous d’augmenter la présence policière ou de déployer des systèmes de surveillance dans ces zones ?
C’est prévu . Nous renforçons la surveillance avec des patrouilles régulières et des équipements modernes, comme des caméras intelligentes. Mais au-delà de ça, nous voulons changer les mentalités. Chaque visiteur doit être perçu comme un ambassadeur de notre île, et chaque Mauricien doit être fier de contribuer à cette expérience.
Sur le volet politique, quelles sont vos relations actuelles avec Xavier-Luc Duval, le leader du PMSD que vous avez quitté, pour rejoindre l’Alliance du changement ?
J’ai pris mes décisions en privilégiant l’intérêt général de la population mauricienne lors de la cassure de l’alliance entre le PTr, le MMM et le PMSD, et j’en assume pleinement la responsabilité. Les questions familiales restent du domaine privé. Ma priorité actuelle est mon ministère et la relance du tourisme. Cela dit, je reste en contact avec mes mandants et mes partisans. La politique est un marathon, pas un sprint : chaque chose en son temps.
Les municipales à venir représentent un enjeu important après le 60-0 aux législatives. Comment comptez-vous les aborder ?
Nous sommes déjà au travail . Avec mes collègues et nos partisans, nous consolidons l’alliance et préparons une campagne centrée sur des projets concrets et ambitieux. Les municipales, c’est une étape essentielle pour assurer le développement harmonieux de nos régions.