Vendredi 24 janvier est peut-être un jour comme les autres pour le Mauricien. Ce sera à un peu moins d’un mois de l’échéance des 100 jours de grâce à tout nouveau gouvernement, surtout celui qui prône le changement, pour s’installer ou prendre ses marques. Tel est le cas pour le gouvernement, dirigé par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, après dix ans loin des arcanes du pouvoir.
Ce vendredi 24, le nouveau président de la République, Dharam Gokhool, procédant à l’ouverture de la 8eᵉ session de l’Assemblée nationale, donnera lecture du discours-programme du gouvernement 60/0, issu des urnes du 10 novembre 2024. Sans exagération aucune, l’attente autour de ce discours-programme revêt un caractère particulier.
La teneur de la Presidential Address est perçue comme une étape majeure d’ouverture pour le nouveau gouvernement, libre de toute contrainte d’arithmétique constitutionnelle. Mais toutefois faisant preuve de souci de ne pas empiéter sur les plates-bandes de la bonne gouvernance et d’éviter des dérives autoritaires, dignes d’une autocratie.
Depuis le 22 novembre, avec la cérémonie de prestation de serment, le gouvernement a dû parer au plus pressé. Prendre des décisions en réaction à la campagne électorale. La formule des Rs 50 000 a pu permettre de contourner l’écueil sociopolitique du piège du 14e mois.
Par contre, la poursuite des négociations sur les paramètres imposés par les Anglais, soit le secret absolu avec les 14 rounds bilatéraux, n’a pas rapporté les dividendes escomptés, que ce soit sur le plan de la souveraineté ou de la compensation légitime pour occupation illégale caractérisée du territoire de la République depuis 60 ans déjà.
Sur les Chagos, l’Advisory Opinion de la Cour Internationale de Justice de La-Haye du 25 février 2019 à l’encontre des prétentions coloniales des Anglais est-elle fruit des seuls efforts de Maurice ? Et alors la résolution No 71/292, votée à l’Assemblée Générale des Nations unies le 22 mai 2019 à une majorité écrasante de 116 contre six, exigeant le départ sans condition des colons anglais des Chagos au plus tard le 22 novembre 2019.
Dans ces deux épisodes se trouvent les ingrédients de l’antidote à un Donald Trump seul à la Maison-Blanche. La cause du processus de décolonisation de Maurice ne sera gagnée qu’avec une nouvelle mobilisation, voire une offensive, diplomatique et politique dans la lutte en faveur de la souveraineté de Maurice sur les Chagos.
Vijay Makhan, Senior Adviser nouvellement nommé auprès du Deputy Prime Minister, Paul Bérenger, ne détient-il pas une belle carte d’ouverture à jouer sur le terrain des Chagos ? En tant qu’ancien secrétaire adjoint de l’Union Africaine, il détient les Credentials politiques et diplomatiques pour raviver la cohésion sur le front d’Afrique en faveur de Maurice contre un pseudo-veto trompeur, croyant pouvoir toujours déstabiliser l’ordre établi en droit international.
Seule, Maurice verra le chemin à parcourir très étroit. Mais avec le soutien désintéressé de la communauté internationale, un boulevard concrétisant le Chagos Almost Done Deal peut s’ouvrir. Un premier signe d’ouverture après le kadna appliqué par Londres, bénéficiant de la complicité de Port-Louis depuis le 3 novembre 2022 avec le coup d’envoi des 14 rounds de consultations bilatérales menant au Draft Political Agreement du 3 octobre 2024 ou subséquemment la recherche d’un Much Better Deal.
Cet esprit d’ouverture a un potentiel d’avenir.
Tout comme les représentants des forces vives, qui affirment avoir appuyé l’Alliance du Changement, et surtout la majorité de l’électorat s’étant rendu aux urnes le 10 novembre dernier, s’attendent à voir la Presidential Address du 24 janvier dégageant un parfum d’ouverture pour l’élargissement de l’espace démocratique à Maurice.
L’état d’esprit de septembre 1965, période de la conférence constitutionnelle de Lancaster House et de ce que l’île Maurice a été forcée de subir, n’est pas la feuille de route pour aborder les problèmes fondamentaux de la réforme du système électoral, allant de la représentation féminine effective en politique à l’incontournable transparence dans le financement des partis politiques, sans compter la political scar de la déclaration ethnique des candidats aux élections générales dans une République de Maurice en pleine mutation sociopolitique.
La Presidential Address de ce vendredi 24 janvier peut être porteuse de cet esprit d’ouverture à la République de Maurice, à la veille de ses 60 ans d’indépendance, que la démocratie avec ses apanages de liberté et de droits fondamentaux fleurira et que la méritocratie à tous les échelons de la société et touchant toutes les facettes de la vie au quotidien s’épanouira.
La Presidential Address ne peut se résumer à un chapelet de Government Will, énoncé sur un peu plus d’une heure. Comme cela a été le cas jusqu’ici. La conjoncture politique impose la déclinaison d’une île Maurice, dont l’ambition est de tourner une nouvelle page sans renier l’héritage de la lutte réconciliant la République de manière authentique As One People, As One Nation in Peace, Justice and Liberty…