Deux mois, c’est peu pour juger de la performance d’un gouvernement. C’est entendu. Il serait d’ailleurs de bien mauvaise foi de réclamer des résultats immédiats sur tous les dossiers. On savait le chantier immense, les défis considérables et les réformes d’un système, gangrené après tant d’années de gestion calamiteuse et mafieuse, ardues.
Cela dit, il faut quand même faire attention à ne pas tomber dans les mêmes travers que ceux du régime que le peuple a, avec rage, botté hors du pouvoir au dernier scrutin national. Attention à ne pas repousser les décisions urgentes, à ne pas communiquer efficacement et à croire qu’un 60/0, pour spectaculaire qu’il soit, prémunit contre tous les chocs à venir et qu’il constitue une garantie d’adhésion à vie.
Il y a eu indéniablement du bon depuis que le nouveau gouvernement s’est installé. Il faut ainsi le répéter : ce qui a été entrepris dans le secteur éducatif en si peu de temps est salutaire. La rentrée s’est déroulée sans grand problème. Celui de l’utilisation des portables commence à être compris et réglé par certains collèges comme celui de Curepipe où il était absolument rassurant d’entendre, recteur, enseignants, parents et élèves, évoquer ce que cela suppose de retour aux échanges, aux liens sociaux et à la préservation de la santé mentale. La prise de conscience de la nocivité des réseaux sociaux est en marche ! Restent la violence et la drogue dans le milieu scolaire à régler, ce qui s’annonce moins facile.
À la Santé, le ministre Anil Baichoo a bien compris que ce n’est pas la multiplication de grands projets en béton coûteux qui est la réponse aux attentes des patients. Parce qu’il ne suffit pas d’inaugurer des bâtiments flambant neufs, comme aimait le faire le spécialiste du “koup riban” de triste mémoire, mais encore faut-il savoir comment faciliter leur accès aux malades et comment les équiper pour les rendre fonctionnels et performants.
C’est à ce titre que des interventions de cataracte à Flacq et l’arrivée de chirurgiens étrangers pour des opérations au National Cancer Centre sont des décisions bienvenues qui soulageront certainement ceux qui sont en attente de soins adéquats.
Si une solution a été trouvée et qu’il y a désormais une desserte par autobus pour ceux qui doivent se rendre à l’hôpital SAJ de Flacq – dont on croyait qu’il reprendrait le nom de Bruno Cheong, comme le souhaitait la famille du défunt décédé du Covid –, tel n’est hélas pas encore le cas pour ceux qui, déjà en grande détresse, doivent aller se soigner au National Cancer Centre de Paillotte. Ils doivent soit payer un taxi, soit marcher de Jumbo ou de la grande route de Paillotte.
Il n’est absolument pas normal que des compagnies d’autobus desservent tous les centres commerciaux et qu’ils ne trouvent pas utile de véhiculer ceux qui en ont le plus besoin, les patients atteints d’un cancer et les proches qui les accompagnent.
Ailleurs, à l’Environnement, les décisions sont de bon sens et respectueuses de la loi. Ont été particulièrement appréciés l’ordre d’arrêt servi à un constructeur de mur illégal à Mon Choisy – où, depuis une décennie, trônent toujours sur la plage publique deux kiosques désaffectés du plus mauvais effet – et la décision de résilier le bail d’un promoteur hôtelier à Les Salines condamné en France.
On ne peut pas les citer tous, mais d’autres ministres font également correctement leur travail. On peut citer Reza Uteem, bien qu’étonnamment bienveillant à l’endroit de son prédécesseur – dont il est inutile de rappeler le sobriquet qu’il s’est vu affubler après une Private Notice Question sur l’importation de “ti-papier”–, mais aussi Avinash Ramtohul, Michael Sik Yuen, Arianne Navarre-Marie et Deven Nagalingum. Cela ne veut pas dire que les autres ne font rien. Ils n’ont, sans doute, pas encore trouvé leurs marques ni de communicants.
Au-delà des performances individuelles, il y a l’exercice des nominations qui fait débat. Dans plusieurs secteurs clés, cela se passe très bien, la MBC et son journal télévisé étant la vitrine la plus visible du changement.
Celles effectuées à Air Mauritius sont bien loin de faire l’unanimité. Retrouver des figures controversées qui n’ont pas laissé de bons souvenirs au Paille en Queue Court n’est pas une bonne nouvelle à un moment où la compagnie nationale d’aviation a besoin de sérieux, de rigueur, d’intégrité et d’un retour à un service de qualité. L’avenir nous dira si le choix arrêté correspond à l’immensité du défi à relever.
Dans cet exercice d’évaluation rapide, alors que c’est déjà l’impatience dans certains milieux, il ne faut pas oublier le gros dossier des Chagos. Les suppôts de l’ancien monde, ceux qui avaient pour unique croyance le dieu Mammon pleurent les milliards qui sont à risque, au mépris de la notion de souveraineté et des attentes de la communauté chagossienne.
On sait que des pressions avaient été exercées pour que l’annonce d’un accord assorti d’un communiqué conjoint soit effectuée à la veille de la dissolution de l’Assemblée Nationale, le 4 octobre 2024. Rien ne dit que si Pravind Jugnauth avait été miraculeusement reconduit, il aurait déjà empoché les “milliards” vendus pendant la campagne électorale et que Xavier Duval aurait pu déjà identifier les sites des hôtels à construire à Paros Banhos et Salomon.
Ils croient vraiment que, pour les beaux yeux de Pravind Jugnauth, les Anglais n’auraient pas été consulter le nouveau Président des États Unis pays auquel ils sous-louent notre territoire ? Qui est aussi naïf pour croire une chose pareille ? Il n’y qu’à voir à quelle vitesse le gouvernement britannique a changé son fusil d’épaule, alors que le Conseil des ministres de la République de Maurice s’apprêtait à approuver les nouvelles conditions de l’accord sur les Chagos, mercredi dernier.
Il sera très intéressant de voir comment évoluera la suite de cette affaire après la prestation de Donald Trump comme 47ème Président des États Unis, demain. Si on a toutes les raisons de craindre le pire, on n’est pas, non plus, à l’abri d’une bonne surprise de la part d’un des chefs d’État les plus imprévisibles de la planète.
Parce que Trump, qui a rencontré Kim Jong Un, peut tout aussi bien s’entendre avec les Chinois pour pacifier la région de l’océan Indien et continuer avec sa base militaire de Diego, et accepter les termes de l’accord entre Maurice et les Britanniques. Avec ce Président, il n’est pas interdit de rêver à l’impossible.
Josie Lebrasse