Yugeshwur Kisto, GSSTU : « Trois ans, une période courte pour une évaluation »
Harrish Reedoy, UDRRU : « Le concept a vite montré ses limites »
Trois ans après son implémentation dans le cadre de la réforme Nine-Year Continuous Basic Education, le concept des académies sera à l’ordre du jour lors des assises de l’éducation en avril. Outre les problèmes liés aux infrastructures — dans certains établissements les toilettes ont été aménagées tardivement, tout comme les ateliers dédiés aux matières comme Food and Nutrition —, les académies continuent de diviser l’opinion. Peu après sa nomination, le ministre de tutelle, Mahend Gungapersad, avait laissé entendre qu’une refonte des académies sera envisagée. Ce qui n’est pas surprenant, quand on sait que le concept est un héritage du précédent gouvernement. Conçu pour mettre fin à la compétition au primaire et accueillir l’élite au milieu du cycle secondaire, le système des académies n’a pas pour autant réduit le stress lié au Primary School Achievement Certificate. Bien que les académies, qui devaient initialement offrir des filières spécialisées, n’aient jamais réellement adopté cette vocation, elles fonctionnent plutôt comme des star colleges, mais mixtes. C’est ce qui pousse la United Deputy Rectors and Rectors Union (UDRRU) à déclarer que « le système actuel des académies ne répond pas aux objectifs pour lesquels il a été conçu ». Même si, pour la Government Secondary School Teachers’ Union (GSSTU), le concept présente certains avantages, comme « disposer d’un environnement propice à l’excellence » et « une mutualisation des ressources et des expertises », le syndicat estime que le moment est venu de réfléchir sur le fonctionnement des académies. Cependant, la GSSTU précise que toute réforme dans ce secteur ne pourra se faire avant un an.
Le lundi 14 juin 2021, environ 1 800 élèves faisaient leur entrée dans les nouvelles académies, un concept introduit dans le cadre de la réforme de l’éducation de la ministre Leela Devi Dookun Luchoomun, qui portait sur la Nine-Year Continuous Basic Education. L’introduction des académies n’a pas fait l’unanimité pour diverses raisons dans le secteur éducatif. D’ailleurs, les autorités de l’éducation catholique avaient pris la décision de « ne pas se défaire de la structure traditionnelle d’un collège à Maurice » et de continuer à faire partie des General Secondary Schools. Depuis 2000, les gouvernements successifs se sont attelés à changer le paysage éducatif et à remodeler l’orientation des collèges d’élite.
En 2003, le ministre de l’Éducation, Steven Obeegadoo, sous le gouvernement MSM-MMM, transforma les collèges d’État suivants : Queen Elizabeth College, les deux collèges Royal (Curepipe et Port-Louis), Droopnath Ramphul, John Kennedy, Mahatma Gandhi Institute, Gaëtan Raynal, Sookdeo Bissoondoyal et Maurice Curé, en Sixth Form Colleges.
Ces collèges, dédiés aux classes de Lower et Upper Six, s’inscrivaient dans la logique du grading aux examens de fin de cycle primaire et de la régionalisation. Le gouvernement de l’époque voulait reporter la compétition au niveau du School Certificate et non à celle, effrénée, du Certificate of Primary Education (CPE). Cependant, en 2007, ces neuf collèges devinrent des établissements nationaux et relancèrent les admissions en Form I, en conformité avec la réforme de Dharam Gokhool, qui était alors ministre de l’Éducation du gouvernement travailliste.
Établissements d’excellence
Avec l’arrivée, en 2014, du gouvernement de Pravind Jugnauth, l’éducation allait connaître une nouvelle réforme, comprenant la création du système d’établissements d’excellence.
Les collèges convertis en académies sont : le Collège Royal de Port-Louis, le Collège de Curepipe, John Kennedy College, Sir Abdool Raman Osman State College, Sookdeo Bissoondoyal State College, Sir Leckraz Teelock State College, Queen Elizabeth College, Dr Maurice Curé State College, Forest-Side SSS, Droopnath Ramphul State College, GMD Atchia State College et le Mahatma Gandhi Institute. Pour devenir des académies mixtes, ces établissements ont été rénovés afin d’accueillir à la fois des filles et des garçons, tout en s’adaptant aux ateliers spécialisés (Design & Technology, Food & Nutrition, Dress & Textiles).
Mixité
Avant son implémentation, le concept des académies a soulevé des débats sur plusieurs points, notamment la mixité, avec des avis divergents. « Dans la forme, on est prêt pour la mixité. Mais dans le fond, il y a un travail de formation continue des professeurs, d’encadrement, et d’intégration des élèves à réaliser. Les chefs d’établissements doivent désormais réfléchir et mettre en place des structures au sein de l’école pour que cette notion de « mixité » soit mieux acceptée et comprise. Ce n’est pas parce qu’on a 90 filles et 90 garçons dans une école nationale, appelée académie, que l’on doit considérer que la mixité est une réalité… La mixité ne sera une réalité que lorsqu’elle sera généralisée », déclarait dans les colonnes du Mauricien Preetam Mohitram, ancien recteur du Collège John Kennedy, qui allait accueillir des filles.
D’autres collèges mixtes, à l’instar de quatre établissements du diocèse catholique à Rivière-Noire, Petite-Rivière, Bambous-Virieux et Goodlands, ou encore le MGI de Moka, et le Collège d’État de La Gaulette, déjà opérationnels, démontraient que la mixité au secondaire n’était pas impossible. Cependant, dans ces collèges, filles et garçons étudient côte à côte dès la première année, et non à partir de Grade 10.
« L’éducation a besoin d’une élite »
Le démantèlement des académies, s’il doit être envisagé, ne pourra pas se faire du jour au lendemain. À quelques mois des assises de l’éducation, Yugeshwur Kisto, président de la Government Secondary School Teachers’ Union (GSSTU), prévient déjà : « Il ne s’agit pas d’une décision à prendre à la légère. Les académies représentent une expérience éducative qui mérite une évaluation approfondie, fondée sur des données concrètes et non sur des impressions. Ce qui est crucial, c’est d’évaluer si elles remplissent leur mission première, qui est d’offrir une éducation de qualité tout en promouvant l’équité et l’excellence. »
La révision de ce concept, explique une enseignante, dans une académie « mérite plus qu’une réforme en isolation. » Et de poursuivre : « Il faudrait envisager une refonte dès le préprimaire et prendre en compte l’opinion des parents. Nous avons besoin d’un système qui répond aux besoins de l’élite. Quoi qu’il arrive, l’éducation a besoin d’une élite. Fréquenter une académie est une fierté pour les jeunes qui y sont. Dans l’académie où j’enseigne, il y a des élèves qui viennent de différents collèges d’État, privé et confessionnel. »
Par ailleurs, c’est après seulement trois ans de fonctionnement que le concept des académies sera scruté de près pour une évaluation. Dans le cadre de changements dans un système éducatif, trois ans peuvent être suffisants pour évaluer certains ajustements dans l’infrastructure, la formation des enseignants ou la mise en place de nouveaux programmes. Cependant, pour mesurer des résultats plus profonds, tels que des changements dans les attitudes des élèves, une période plus longue pourrait s’avérer plus appropriée.
Démantèlement
complet à considérer
Yugeshwur Kisto est d’avis que « trois ans constituent une période relativement courte pour évaluer le concept des académies dans une réforme éducative de cette envergure ». Il explique : « Nous n’avons pas encore vu une cohorte complète des académies terminer le cycle. Pour une évaluation rigoureuse, il serait nécessaire d’observer au minimum un cycle complet d’études, de l’entrée jusqu’aux résultats de A-Level, et de suivre le choix de parcours des premiers diplômés. » Néanmoins, il fait ressortir que les académies sont pertinentes dans notre système éducatif puisqu’elles « incluent une mutualisation des ressources et des expertises, une émulation positive entre élèves performants, des infrastructures modernisées dans certains cas, une meilleure préparation aux études supérieures et un environnement propice à l’excellence académique. »
De son côté, Harrish Reedoy, président de la United Deputy Rectors and Rectors Union (UDRRU) et recteur au collège d’État de Camp-de-Masque, « le concept d’académie a vite montré ses limites, quelques années seulement après son introduction. » L’existence même des 12 académies, selon lui, suscite de nombreuses interrogations. Se disant pour une révision profonde du système des académies, le président de l’UDRRU pense que s’il s’avère nécessaire pour « garantir un système éducatif plus équitable et fonctionnel », leur démantèlement complet doit être considéré.
Fracture
L’excellence a un prix. Pour beaucoup de jeunes, obtenir une place dans une académie signifie parcourir de longs trajets, souligne Yugeshwur Kisto, en soulevant des questions qui appellent à la réflexion.
« Ajouté à cela, il y a la pression accrue pour maintenir leurs performances académiques », dit-il. De plus, la répartition géographique des académies peut générer des inégalités d’accès, tandis que les infrastructures sont parfois inadaptées aux effectifs. Le président de la GSSTU évoque également les défis liés à la gestion de la mixité dans certains établissements. « Ce sont autant de faiblesses qui fragilisent le modèle des académies et entravent son efficacité », constate-t-il.
Harrish Reedoy évoque d’emblée une fracture dans le secondaire créé par l’avènement des académies. « Le système des académies est réservé à une élite d’étudiants, ceux qui obtiennent les meilleurs résultats académiques. Cette exclusivité a créé une fracture dans le système éducatif, divisant les élèves entre ceux qui ont accès à ces institutions et ceux qui restent dans les écoles régionales. Ce phénomène engendre un sentiment d’injustice parmi les élèves laissés pour compte, malgré leurs capacités et leur potentiel », observe-t-il. Selon lui, la transition vers les académies à partir de Grade 10 perturbe la continuité de l’éducation des élèves, les obligeant à s’adapter à un nouvel environnement, à de nouveaux enseignants et camarades. Cela affecte, dit-il, leur bien-être scolaire et leurs performances académiques.
Certaines académies ont dû gérer des problèmes disciplinaires découlant de la mixité. « L’introduction de la mixité en Grade 10 coïncide avec une période critique de développement pour les adolescents », fait remarquer Harrish Reedoy. Il souligne que cette transition scolaire soudaine est souvent perçue comme mal gérée et inconfortable par les élèves et leurs parents.
Pour sa part, Yugeshwur Kisto fait ressortir que « les défis de la mixité ne sont pas liés au concept lui-même, mais à sa mise en œuvre ». En marge de l’implémentation des académies, il indique qu’il y a eu, selon lui, un manque de préparation préalable du personnel encadrant. « Les infrastructures ne sont pas toujours adaptées, et dans certains cas, il y a eu une résistance culturelle… Il est évident que la mixité a besoin d’un accompagnement plus structuré. »
Discipline
En revanche, notre enseignante se dit être témoin d’une expérience positive de la mixité. « Tout comme pour moi, la mixité et le concept d’une académie étaient une nouveauté pour les élèves. Mais je constate que la présence de filles insuffle plus de respect dans une classe et la discipline. D’ailleurs, dans une des classes, nous avons qu’une fille et elle ne s’est jamais plaint de bullying. Comme dans n’importe quelle classe unisexe, après une période d’adaptation, les élèves ont développé des affinités. Filles et garçons s’entendent bien dans les travaux en groupe », affirme-t-elle.
Approche
progressive
Du côté de la UDRRU, Harrish Reedoy met également en lumière l’important investissement requis par les académies : « Les académies mobilisent une quantité significative de ressources financières, humaines et infrastructurelles. Pourtant, ces ressources sont concentrées dans un nombre limité d’institutions, laissant les autres collèges dans une situation de sous-financement. Cela perpétue une inégalité flagrante entre les écoles secondaires dans le système éducatif. »
Face aux implications d’une révision des académies, Yugeshwur Kisto estime que dans l’éventualité d’un démantèlement, la décision doit être annoncée au moins un an avant. « Il faut donner le temps aux élèves de terminer leur cycle. Dans un autre temps, l’abolition des académies doit se faire progressivement pour éviter toute perturbation, tout en garantissant la continuité pédagogique et être accompagnée d’un plan de transition clair », ajoute ce dernier.
L’avenir des académies devra se définir en consultation avec tous les acteurs concernés de l’éducation. Sur ce point, les syndicalistes et le ministre de tutelle sont sur la même longueur d’onde. « Plutôt que de revenir en arrière avec l’ancienne formule de collège d’élite, nous préconisons une approche progressive et réfléchie. Il faut évaluer objectivement les forces et faiblesses du système actuel, identifier les meilleures pratiques à conserver et développer un nouveau modèle qui combine les avantages des deux systèmes », insiste Yugeshwar Kisto.
Faute de consensus sur une alternative viable aux académies, l’UDRRU juge « préférable de démanteler ce système et de se concentrer sur une réforme qui profite à tous les élèves. Car le système actuel des académies ne répond pas aux objectifs pour lesquels il a été conçu. » Son président, Harrish Reedoy, entrevoit alors « la mise en place d’un système de coéducation dès Grade 7, combinée à une continuité éducative jusqu’à la Grade 11. »
CSE Case-Noyale : Le recteur Lindsay
Thomas prend sa retraite
Après quatre années passées au collège du Saint-Esprit de Case Noyale en tant que recteur, Lindsay Thomas prendra sa retraite le 31 janvier, mais ne se retirera pas du secteur éducatif.
Le 3 février prochain, il assumera les fonctions de directeur à l’école Père Henri Souchon, un établissement du réseau ANFEN géré par l’ONG Oasis de Paix. Fondée en 2006 par le père Henri Souchon et Monique Leung, cette école propose une éducation alternative aux enfants en difficulté scolaire. Lindsay Thomas a été recteur au collège du Saint Esprit de Quatre-Bornes de 2016 à 2020, avant d’être muté à Case Noyale.
Cambridge School Certificate — Taux de réussite de 72,65% pour la cuvée 2024
Les 12 527 candidats qui avaient pris part aux examens de School Certificate de Cambridge ont pris connaissance de leurs résultats jeudi. 72,65% de la cuvée 2024 — dont 6 909 filles et 5 618 garçons — ont décroché leur certificat. Si le taux de réussite des filles est de 74,57%, celui des garçons est de 70,29%. 8 595 des 11 734 school candidates de Maurice ont réussi ces épreuves. À Rodrigues, le taux de réussite est de 64,21%. 788 candidats de l’île avaient pris part aux examens. Quant aux cinq candidats d’Agalega, malheureusement, aucun d’eux n’a pu décrocher son certificat. En 2023, la participation des candidats de la République de Maurice était légèrement supérieure à celle de 2024, avec un taux de réussite de 73,71%.
Six académies ont obtenu un taux de réussite de 100% : Droopnath Ramphul State College, Forest Side State Secondary School (Filles), GMD Atchia State College, Mahatma Gandhi Institute de Moka, Queen Elizabeth College et College Royal de Curepipe. La Morning Star School, qui avait présenté 15 candidats aux examens, affiche également un taux de réussite de 100%.
Avec la révision des critères pour passer en Grade 12, 1 286 candidats ayant obtenu trois credits seront promus. Ils sont 7 733 candidats à avoir décroché un minimum de trois credits. Par ailleurs, 142 candidats ont obtenu 6 unités et une moyenne de 10 unités pour 633 autres. Le nombre d’élèves ayant obtenu au moins trois credits est de 7 733.
En ce qui concerne les examens nationaux SC 2024 en Kreol Morisien, 503 candidats ont réussi sur 546, ce qui donne un taux de réussite de 92,13%. Dix school candidates se distinguent avec un A+, 24 ont obtenu la distinction A et 360 ont obtenu des credits B et C.
Par ailleurs, exceptionnellement cette année les repeaters qui ont obtenu deux credits dans deux matières et un pass en anglais auront la possibilité de monter en Grade 12.