C’est le pompon !

Certains s’en souviennent peut-être, pour peu qu’ils aient eu la chance dans leur folle jeunesse de vivre l’expérience d’une fête foraine, mais lorsque nos enfants embarquaient autrefois sur un manège, un préposé agitait au-dessus d’eux un pompon. Lequel permettait, une fois attrapé, de leur proposer un tour de plus, pour le plus grand bonheur des petits mais aussi de leurs parents, qui n’avaient pas à débourser un sou de plus pour quelques minutes de tranquillité supplémentaires. Eh bien c’est en quelque sorte ce que nous promet 2025, bien que cette fois, il n’y ait pas vraiment de raison de s’en réjouir. Avec une planète qui se réchauffe chaque année davantage, une économie en berne, un système socio-économique à l’agonie, un environnement malmené et la disparition progressive de nos valeurs, nul doute en effet que l’on se serait bien passé de ce petit tour gratuit.
Une fois n’est pas coutume, et du fait de la conjoncture politique, attardons-nous d’abord un instant sur la thématique du « changement », puisque c’est bien de cela dont il était question en novembre dernier lorsque l’alliance éponyme a décroché les rênes du pouvoir. Car si la question du 14e mois et de la baisse des produits pétroliers à la pompe, promesses faites par ladite alliance aux derniers jours de campagne, aura occupé tous les esprits ces dernières semaines, le plus dur reste cependant à faire pour le gouvernement de Navin Ramgoolam. À savoir principalement redresser une économie laissée en ruines par le précédent pouvoir et restaurer la confiance dans nos institutions. Ce qui ne pourra se faire qu’au prix de décisions courageuses, et de facto impopulaires.
Pour autant, la logique politique ne se pensant généralement que sur l’échéance d’un mandat, il est fort à parier qu’il ne faille ni s’attendre à des miracles, ni encore moins à des réformes permettant un changement profond de paradigme socio-économique. En d’autres termes, sur ce point, nous aurons droit là aussi à un tour de plus, quand bien même l’opérateur du manège aurait changé. La seule interrogation demeurant la question de l’environnement, que ceux placés aux affaires – Rajesh Bhagwan et Joanna Bérenger, pour ne pas les nommer – semblent avoir à cœur de s’occuper avec sérieux. Même s’il n’est un secret pour personne qu’ils devront là aussi composer avec la politique instaurée par les deux principaux partis au pouvoir, et qui se veut, quoi qu’ils en disent, néolibérale. À voir, donc…
L’autre défi, bien plus important encore, est, lui, bien plus ambitieux, même si là encore nous ne croyons pas au miracle : la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, chaque année qui passe est non seulement une année de perdue, tant les actions et les promesses restent timides, mais elle nous pousse à chaque fois davantage vers le précipice climatique. Comme viennent d’ailleurs de le rappeler les Nations unies, à travers l’Organisation météorologique mondiale, 2024 devrait être l’année la plus chaude jamais enregistrée, battant ainsi le record de 2023, qui elle-même avait battu celui de 2022, et ainsi de suite depuis près de 15 ans déjà.
Inondations, précipitations violentes, incendies, cyclones, sécheresse… 2024, comme les années précédentes, aura tout connu. Ainsi nous rappelons-nous plus particulièrement à Maurice des deux épisodes survenus début d’année dernière, et qui avaient vu Port-Louis aux prises à de véritables déluges, ou encore de cette habitation s’affaissant littéralement sous nos yeux via les réseaux sociaux. Il serait donc temps que le monde se réveille de sa torpeur et prenne enfin conscience que, si nous n’agissons pas, le pire reste à venir. Car nous ne leurrons pas, 2025 promet d’être aussi catastrophique que l’année dernière, si ce n’est plus. Pour autant, après deux COP successives ayant accouché de modestes avancées – et une troisième, cette année, qui leur emboîtera probablement le pas –, l’on peut avancer sans risque que ce n’est pas encore cette année que les choses changeront.
Le paradoxe, dans tout cela, c’est que bien qu’acculée dans ses ultimes retranchements, l’humanité semble peu encline à bouger. Car cela nécessiterait un changement profond d’orientation politique et économique, dont l’on ne veut toujours pour l’heure pas entendre parler, tant les intérêts des uns (les pays puissants) divergent de ceux des autres. Une absurdité en l’état sachant que sur ce chemin, le vivant – dans sa globalité – court à sa perte, et que, donc, tout le monde sera logé à la même enseigne. Et pour le coup, ça, c’est vraiment le pompon !

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Michel Jourdan

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