Négociations anglo-mauriciennes : « Down to the wire »

Tous ceux qui suivent le dossier concernant la souveraineté de Maurice sur les Chagos et la situation des Chagossiens attendent avec une impatience fébrile l’issue des négociations qui se déroulent en ce moment à Londres. À la lumière des informations qui ont transpiré tant à Port-Louis qu’à Londres, il est dit que ces négociations sont « down to the wire » et suscitent aussi bien espoir qu’inquiétude.
Au-delà des retombées politiques pour la Grande-Bretagne et pour Maurice, les discussions bilatérales en cours ont une dimension historique. Elles visent à accomplir la décolonisation complète de l’Afrique ainsi que de Maurice. C’est d’ailleurs dans ce contexte que Maurice a placé les débats sur la scène internationale depuis des années, et en particulier à l’Assemblée générale des Nations Unies et devant la Cour internationale de justice. Ce qui avait permis à Maurice de bénéficier du soutien de l’Union africaine et de la majorité des pays africains.
C’est probablement en signe de reconnaissance que le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a préféré retirer la candidature mauricienne pour le poste de président de la Commission de l’Union africaine, qui sera décidé en juin, afin de soutenir le candidat présenté par le Kenya, pays frère de l’Afrique de l’Est, et qui avait apporté son soutien à Maurice aussi bien à New York qu’à La Haye. La mission de l’Attorney General Gavin Glover à Londres vise à tenter d’obtenir un accord favorable pour Maurice, et ce, à la lumière des dernières contre-propositions britanniques après les nouvelles propositions présentées par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, afin d’améliorer l’accord du 3 octobre qui, à son avis, n’était pas satisfaisantes.
Aux dernières nouvelles, le gouvernement britannique a proposé « to frontload » une tranche de paiements à Maurice afin de finaliser le projet d’accord sur la souveraineté des Chagos, selon le Financial Times. La Grande-Bretagne propose ainsi de payer à Maurice environ 90 millions de livres sterling par an pour le bail initial de 99 ans de Diego Garcia.
Londres a publié une nouvelle proposition de paiement d’une première tranche couvrant plusieurs années de paiements comme incitations pour finaliser l’accord. Cette proposition est considérée comme un compromis entre la demande de la nouvelle administration mauricienne d’augmenter le règlement financier qui sous-tend le projet d’accord et le refus du gouvernement britannique d’augmenter le coût global du bail de 99 ans.
Le pays retient son souffle en attendant le retour de Gavin Glover. Un échec ne serait pas à l’avantage ni du gouvernement mauricien, ni du gouvernement britannique. Commencer l’année par un échec ne serait en effet pas de bon augure pour le gouvernement mauricien, alors que le gouvernement britannique, lui, sera fragilisé face à des adversaires politiques qui utilisent tous les moyens pour le discréditer.
Quoi qu’il en soit, ces négociations auront fait couler beaucoup d’encre en Grande-Bretagne depuis octobre dernier, surtout de la part de la presse conservatrice, qui reprend allègrement les arguments des politiciens des partis conservateurs, dont le Reform UK de Nigel Farage, qui n’hésitent pas à avoir recours des arguments démagogiques et populistes afin de forcer le Premier ministre britannique. Au nom de la sécurité, ils brandissent la Chine comme épouvantail, n’hésitent pas à impliquer les Maldives, qui ont perdu récemment une affaire contre Maurice devant un tribunal international concernant la souveraineté de Maurice sur les Chagos.
Pour frapper les imaginations, ils mettent l’accent sur le coût global du bail sur Diego Garcia sur une durée de 100 ans sans se demander ce que vaudra cette somme dans un siècle. Des arguments similaires avaient été utilisés par le Parti conservateur britannique pendant la campagne pour le Brexit afin de berner la population britannique. Le Premier ministre britannique avait alors allégué que son pays devait payer des millions de livres Sterling à l’Union européenne…
La dernière tentative pour bloquer les négociations est venue d’une certaine Bernadette Dugasse, une native de Diego Garcia, pour réclamer une Judicial Review de l’approche du gouvernement britannique dans les négociations. L’ancien haut-commissaire britannique Davin Snoxell estime que cette démarche a une « scant chance of success ». Hope for the best!

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Jean Marc Poché

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