Dans le processus démocratique à Maurice, avec le scrutin du 10 novembre, ce 23 décembre aurait dû représenter une date incontournable au nom de la transparence et de la bonne gouvernance. Les 903 citoyens, qui avaient fait acte de candidature dans les 20 circonscriptions à Maurice et dans celle de Rodrigues lors du Nomination Day— à l’exception de ceux qui se sont retirés dans les délais impartis par la loi— sont tenus à honorer un engagement, celui de soumettre à la Commission Électorale un document, jurant la liste des dépenses encourues par chaque candidat à ces élections.
Évidemment, en Law-abiding citizens, ces candidats se bousculeront ce même 23 décembre au portillon de la Commission Électorale pour déposer leur déclaration sur l’honneur qu’à aucun moment l’un d’entre eux, y compris les 66 des 68 Honourable members, siégeant au sein de l’hémicycle, n’aura dépassé la barre des Rs 150, 000 en termes de electoral expenses, limite imposée par les dispositions de la Representation of People’s Act.
Mais quelle valeur accorder à ce document ? Ce qui est donné comme une certitude est que la rue, qui témoigne du déroulement de n’importe quelle consultation populaire, ne croit pas, ne serait-ce qu’une seconde, que la section 51 de la loi, stipulant que « subject to subsection (2), no election expenses shall be incurred, and no sum shall be paid, in respect of a candidature in excess of the amount specified…, » est respectée intrinsèquement.
En l’absence de pouvoirs effectifs de contrôle et de sanction, octroyés à la Commission Électorale et à l’Electoral Supervisory Commission, pour assurer la transparence et la bonne gouvernance, deux mamelles en matière de pratique démocratique, pourquoi alors s’en offusquer ? Il y a d’autres sujets de préoccupation nationale.
Mais l’Alliance du Changement au pouvoir prône la rupture avec le passé. Elle maintient que la clé de l’écrasante victoire du 10 novembre ne relevait nullement de cette question monétaire, le paiement du 14e mois, mais surtout que le Mauricien avait anticipé des craintes préoccupantes au détriment de la démocratie pour justifier le vote sanction de 60-0 contre le Pravind Jugnauth 3.0.
Mais au-delà de ce débat, ce 23 décembre 2024 ramène à un autre 23 décembre, mais remettant cette même équation des dépenses électorales dans une autre perspective. Le 23 décembre 2020, oui, il y a des coïncidences qui sont têtues, Le Mauricien publiait en exclusivité les premières révélations des Kistnen Papers portant sur le catalogue de dépenses encourues par les candidats du MSM à Quartier-Militaire/Moka (No 8) pour les élections générales du 7 novembre 2019. Tout un symbole puisque le Premier ministre avait été élu dans cette même circonscription.
Devant la liberté prise par rapport à la loi sur les dépenses électorales, découlant de ces 180 pages des Kistnen Papers, les militants de Rezistans & Alternativ, Ashok Subron, aujourd’hui ministre de la République, et Stephan Gua ne sont pas restés les bras croisés. Une fois les festivités de fin d’année de 2020 bouclées, ils devaient s’en remettre aux autorités compétentes pour que la lumière soit faite sur les Kistnen Papers. Et en même temps élucider les circonstances du meurtre du chef agent du MSM du No 8, Soopramanien Kistnen, en octobre 2020, avec la présomption que cet eye-opening electoral expenses agenda n’avait été compilé que par nul autre que celui-ci.
Depuis ce 9 janvier 2020, l’enquête confiée au Central CID par les soins de la Commission Électorale n’a nullement progressé. Sauf les 14 dépositions consignées de 11 témoins. Mais surtout ce democratic blight dans le Hansard de la 7e Session de l’Assemblée nationale. Le 14 mai dernier, le Leader of the House d’alors, Pravind Jugnauth, répondant à une Private Notice Question du leader de l’opposition d’alors, Shakeel Mohamed, a qualifié les Kistnen Papers de « fabricated – I’ll call them fabrication – papers or diaries. »
Avec en prime ce bonus du Leader of the House de jadis que « this Government stands committed to pursue its transparency and accountability and corruption-free agenda with renewed vigour and determination. » Zoli dialog. Mais rien sur le plan de rezilta lor rezilta.
Ce 23 décembre 2024, avec la date limite pour les dépenses des candidats aux dernières élections, arrive à point nommé. Surtout plus qu’un gentle reminder que le chantier de l’espace de l’approfondissement de la démocratie ne demande qu’à être déblayé. Le prétexte jusqu’au 10 novembre dernier se résumait à cette majorité qualifiée sous la Constitution.
Le déficit flagrant de transparence et de gouvernance dans les dépenses des candidats fait toujours craindre l’ennemi de la démocratie que sont les Money Politics.
N’est-il pas approprié de se rappeler cette réflexion du militant Subron à l’effet qu’il est important de veiller que « money does not, in effect, nullify the right to vote and universal suffrage freshly won in 1958, after nearly 300 years of negation of suffrage to the vast majority of the Mauritian people who laboured for this land and toiled for this country. »
La vérité sur les Kistnen Papers des élections de 2019 ne va pas changer le cours de l’Histoire politique du pays. Pravind Jugnauth a été Premier ministre de 2019 à 2024. Néanmoins, restituer l’authenticité de ces mêmes Kistnen Papers reste la clé pour écarter le pouvoir maléfique de l’argent dans une démocratie vu que des émules d’Elon Musk sont légion dans le monde.